En ces temps où le moral fléchit les deux auteurs et interprètes du spectacle nous entraînent, pour notre grand plaisir, sur d'irrésistibles chemins buissonniers. Alice Vannier et Sacha Ribeiro ont l'art de s'affranchir des codes sociaux. Alors qu'ils sont au départ vêtus, elle d'une robe de soirée, lui d'un costume, ils ont en fin de parcours échangés leurs fringues. Une manière malicieuse d'affirmer que les frontières entre les sexes sont poreuses. Les deux complices disposent pour tout décor de quelques chaises et de loupiotes qui égayent le plateau. Ils arrivent néanmoins à faire voir à travers ce show conçu avec une évidente économie de fortune qu'ils sont de bien talentueux boute-en train. Difficile de ne pas s'esclaffer quand il chante à la manière de son idole Mylène Farmer ou quand elle se glisse dans la peau et les nerfs d'une femme gravement constipée. Ils apparaissent à travers un entre-lac de situations au cours desquelles ils dansent ou poussent la chansonnette comme des comédiens tous terrain. Pas surprenant qu'on quitte la salle un brin requinqué. Jeudi, samedi, mardi 19h Reine Blanche tél 01 40 05 06 96
samedi 24 octobre 2020
J'existe (même si je ne sais pas comment faire) rêvé, écrit et joué par Alice Vannier et Sacha Ribeiro
dimanche 18 octobre 2020
Un jour, je reviendrai composé de L'apprentissage et du Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce
Dans les deux textes autobiographiques qu'a réuni le metteur en scène Sylvain Maurice, Jean-Luc Lagarce s'exprime à la première personne. L'apprentissage est le récit de sa sortie du coma. Ouvrant un oeil il devine ou croit voir A, son frère d'adoption. Une présence réconfortante. Celle d'une grosse femme souvent présente mais qui ne s'adresse jamais à lui n'est, quant à elle, en rien réjouissante. Avec elle comme avec les autres membres du personnel hospitalier il a le sentiment d'être condamné au rebut. Les chambres voisines sont occupées, il l'entend, par des hommes aussi peu vaillants que lui. La mort, dont il prend connaissance, de l'un d'entre eux fait davantage encore chuter son moral. Remis sur pied il fait le récit de son Voyage à La Haye. A. à présent le secoue, supporte mal ses troubles de l'humeur, lui reproche de se montrer blessant avec les membres de sa troupe. Lorsque celle-ci s'en va jouer en Hollande une des pièces régie par lui il ne se sent pas le courage de faire le trajet en compagnie de ses acteurs. Avant de les rejoindre il retrouve Amsterdam où il erre dans des lieux où il assouvit autrefois son désir des garçons. Jean-Luc Lagarce appartenait à cette frange d'artiste qui au plus fort de l'épidémie de sida évoqua sans détour son homosexualité. La force de son écriture tient en partie à la franchise avec laquelle il aborde les situations qu'il lui faut affronter. Il lui suffit de quelques mots pour faire entendre qu'il est des moments où il se vit comme un vieillard. C'est avec la même simplicité, alors qu'il sait son temps compté, qu'il s'attarde sur l'effet produit sur lui par son médecin, le bel Antoine. Si sa lucidité ne faiblit pas, on le sent au fil des phrases de plus en plus détaché. Vincent Dissez saisit avec une délicatesse hors du commun les états d'esprit de l'écrivain. Il en arrive à donner le sentiment qu'il s'est immergé dans les profondeurs de son être. On ne sera pas étonné que ces deux monologues si magnifiquement proposés apparaissent comme les miroirs des temps pandémiques que nous subissons. Jusqu'au 23 octobre Théâtre Sartrouville Yvelines CDN tél 01 30 88 77 79
dimanche 4 octobre 2020
Le côté de Guermantes d'après Marcel Proust
Heureuse idée qu'a eu Christophe Honoré d'avoir choisi dans le grand oeuvre de Proust Du côté de Guermantes. Marcel (Stéphane Varupenne) un jeune écrivain, y est introduit par le marquis Robert de Saint Loup (Sébastien Pouderoux) , qui prise son amitié, dans les salons d'une société de gens à particules dont il ignore tout. Son désir le plus tenace est de faire la connaissance de la duchesse Oriane de Guermantes (Elsa Lepoivre), dont il a vu le portrait et qui est la tante de son ami. L'homme éblouit qu'il est quand il fait ses premiers pas dans ce monde de nantis va peu à peu déchanter. Il découvre un univers saturé de faux semblants où l'on rivalise de bons mots pour déniger les absents. Tous, à l'exemple de la Célimène du Misanthrope, ont l'art de trousser de divertissantes vacheries. Oriane de Guermantes n'est pas en reste. Bien au contraire. Mais elle se montrera quand l'un de ses proches sera frappé par le malheur d'une sollicitude dont son entourage est, à l'évidence, dépourvu.Ce qui frappe chez ces princes du bon mot, où Marcel occupe une place excentrée, est le plaisir qu'à chacun à déniger les juifs. Nous sommes en cette dite Belle époque en pleine affaire Dreyfus. Personne dans ce milieu ne s'aventure à défendre l'officier prétendument félon. Qu'il reste à l'Ile du diable même si il est innocent dit une de ces femmes du grand monde. Christophe Honoré a remarquablement reconstitué ce monde appartenant à un temps révolu. Ponctuant la représentation de moments musicaux familiers à nos oreilles et choisis avec un goût certain, il jette un pont entre les débuts du 20e siècle et le temps présent. On est moins emballé par la présence insistante de jeunes hommes munis de perches. Ce qui se fait à présent fréquemment sur les scènes de théâtre et rappelle de plus de façon inopportune que le metteur en scène est aussi cinéaste. Cette menue réserve n'empêche pas le spectacle d'enchanter. Cela grâce à des comédiens qui s'en donnent à coeur joie. Il faut en particuliers souligner combien les interprétations de Dominique Blanc, Elsa Lepoivre, Serge Bagdasarien et Loïc Corbery (dans un rôle bref) nous ont comblés. Jusqu'au 15 novembre Comédie-Française au Théâtre Marigny Tél 01 44 58 15 15
vendredi 2 octobre 2020
Crise de nerf. Trois pièces dAnton Tchekhov
Après s'être des années durant mesuré avec succés aux grandes oeuvres de Tchekhov, le metteur en scène allemand Peter Stein s'est décidé à monté trois de ses courtes pièces. Dans "Le chant du cygne" un comédien, dont le temps ou le rêve de gloire, est passé, s'est assoupi dans un théâtre. Le souffleur tente de le convaincre de rejoindre son logement. Plutôt que de suivre ce conseil il s'enlise dans ses souvenirs de textes renommés.Débutant sur un ton plus léger "Les méfaits du tabac" dresse le portait d'un homme qui cache sous ses dehors excentriques sa peine d'avoir mené une existence rabougrie. Venu faire une conférence sur les méfaits du tabac il ne résiste pas à son besoin de laisser les digues céder. Le récit qu'il fait de sa vie sous le joug d'une femme qui le traite avec mépris est d'autant plus sidérant que Jacques Weber (au centre de la représentation) y va de toute sa démesure. Perruqué, grimé, loeil dans le vague, il est prodigieux. Transformé en hobereau dans "La demande en mariage" il reçoit avc une affabilité qui n'est que de façade un jeune voisin lequel s'est pour la circonstance pomponné. C'est qu'il venu demander la main de la fille du maître des lieux. Plutôt que d'échanger des amabilités les deux promis ne tardent pas à s'empailler. L'acteur laisse cete fois ses jeunes partenaires occuper la place. Manon Combes se montre comme Loïc Mobihan dignes du prestigieux héros de la soirée. Théâtre de l'Atelier 01 46 06 49 24 En principe jusqu'à début janvier.
jeudi 1 octobre 2020
La loi de la gravité d'Olivier Sylvestre
Séduite par la lecture de La loi de la gravité du jeune auteur dramatique québecois Olivier Sevestre, Cécile Backès en a tiré un spectacle qui émerveille. Dom et Fred ont quatorze ans et sont en proie à un tumulte intérieur dont ils parlent dès leur première rencontre.Dom est une fille qui sèche les cours qui la font, dit-elle, vomir. Son nouvel ami se remet mal de la mort de sa mère. Leur complicité leur permet de se maintenir à flot et les pousse à tenter ,pour ce qui est de leurs objets de désir, d'y voir plus clair. Eprise d'une fille de son âge qui semble lui rendre la pareille, Dom nage dans le bonheur. Pour un temps. Fred, est lui, tenté d'en finir, de rejoindre sa chère disparue. Les deux jeunes tendrons vont, à l'intiative de Dom, faire un bout de route ensemble. Si on ne peut guère résister à la fraîcheur qui émane de ce spectacle c'est qu'il cerne avec une infinie délicatesse les troubles de l'identité propre à l'adolescence. Cécile Backes fait, comme à son habitude, preuve d'une impressionnante intelligence scénique. Elle a trouvé en Marion Verstraeten et Ulysse Bosshard des interpètes rêvés.Le spectacle est tout du long soutenu par la batterie d'Arnaud Biscay (en alternance avec Héloïse Divilly). Le scénographe Marc Lainé a, pour sa part, conçu un ingénieux décor dont n'a de cesse de jouer l'artisane accomplie qu'est la metteuse en scène. On ajoutera qu'avec ses tournures inusitées la verve langagière de l'auteur canadien est pur délice. Jusqu'au 10 octobre Comédie de Béthune - CDN Hauts-de-France tél 03 21 63 29 19 Du 17 au 20 novembre Théâtre de Sartrouville - CDN Yvelines, Du 24 au 27 novembre Comédie de Béthune, du 1er au 3 décembre Comédie de Saint-Etienne, les 17 et 18 décembre Scènes du Golfe. Théâtres Aradon-Vannes.
mardi 15 septembre 2020
Un conte de noel
Arnaud Desplechin et Julie Deliquet, qui a adapté pour la scène le scénario du film Un conte de Noel, partagent la même fascination mêlée de répulsion pour les relations familiales et les eaux souvent saumâtres dans lesquelles elles baignent. Noel s'annonçant Abel et Junon reçoivent leur progéniture. Ce qui est d'autant plus délicat que la mère, dont la santé décline doit recevoir la moelle de l'un de ses descendants, et qu'Elisabeth, leur fille a mis Henri,l'un de ses deux frères au ban de la tribu. Eloigné des "siens" depuis 6 ans l'indésirable revient accompagné d'une superbe jeune femme. Il apparaît d'emblée qu'il ne s'encombre pas de civilités. Et que la haine que lui voue sa soeur, qui le considére comme un bon à rien, est intacte. Dans la constellation de souvenirs qui sont ravivés certains vont réveiller de vieilles meurtrissures. La disposition bi-frontale du public lui donne le sentiment d'être un témoin privilégié de ces pugilats et élans de tendresse.Remarquablement choisis et dirigés Marie-Christine Orry, Jean-Marie Winling,Stephen Butel, Hélène Vivies, Jean-Christophe Laurier et leurs partenaires méritent amplement d'être longuement applaudis. Jusqu'au 27 septembre Théâtre Gérard-Philipe 93 Saint-Denis tél 01 48 13 70 00
lundi 7 septembre 2020
Un premier festival au Garage théâtre à Cosne sur Loire
En ces temps de pandémie l'ouverture d'un lieu de création fait chaud au coeur. C'est Jean-Paul Wenzel à la fois auteur dramatique, metteur en scène, comédien et durant de nombreuses années à la tête du théâtre de Montluçon qui, fidèle à ses engagements aristiques et sociaux, s'est lancé dans l'aventure. Il a pour ce faire acquis et transformé un ancien garage. Désireux d'inaugurer le lieu de façon festive il a,avec l'appui d'une poignée de fidèles, mis sur pied un festival qui du 31 août au 6 septembre a attiré un public nombreux et enchanté.C'est, il est vrai, à un véritable festin qu'il a été convié. Au menu la lecture par Lou Wenzel et Nina Le Poder de "Fleur de pissenlit"de Wolfgang Borcher (dont Lou Wenzel monta admirablement il y a 2 ans la pièce Derrière la porte) Autre moment fort "Tout un homme" qu'a écrit et mis en espace le nouvel occupant des lieux. S'appuyant sur les témoignages des descendants d'immigrés maghrebins venus trimer dans les mines lorraines il retrace le parcours de l'un d'entre eux. Le joueur d'oud Hassan Abd Alrhaman accompagne tout du long ce récit de la vie d'un homme qui se retrouva fréquemment à bout de ressources et apprit sur son menaçant lieu de travail le sens du mot solidarité. L'agilité de jeu de Hovnatan Avedekian, Mounir Margoun et Lorène Menguelti leur a valu une ovation. Des applaudissements aussi nourris ont salué l'interprétation de Denis Lavant qui a porté son choix sur "La grande vie" un texte du peu connu mais recommandable Jean-Pierre Martinet. L'acteur se glisse dans la peau d'un homme au physique dit-il d'avorton qui a l'habitude de ployer l'échine. Il se laissera littéralement engloutir par une géante qui en a fait son objet sexuel. Véritable star underground tenté par les textes qui accède au coeur de l'être, il ne cesse de se surpassé. Martine Bertrand décroche elle aussi la timbale en incarnant "Oma". Réfugiée dans une roulotte cette femme sans âge est hélée par une jeunesse (Lou Wenzel) qui semble aux cent coups. C'est qu'elle est venue voir celle qui lui a donné le jour. Mais Oma qui a eu des enfants en pagaille refuse de se tourner vers son passé. Poussée à bout elle finit par l'évoquer. Avec colère. Comme on lance des imprécations. Si ce n'est un homme qu'elle a suivi en Espagne quand la guerre y faisait rage, elle n'a aimé aucun de ceux qui lui ont fait, le plus souvent à son corps defendant, des marmots.Et Oma qui rejetta sa progéniture d'apparaître comme le double inversé de la "Mère courage" de Brecht. Le ton bourru, l'aspect terrien la comédienne sert on ne peut mieux la puissante écriture d'Arlette Namiand. S'accompagnant à la guitare Gérard Morel a, quant à lui, avec des chansons de sa composition apporté le sourire. C'est qu'il a l'art de jongler avec les mots, de mitonner des phrases d'un charme qui rappelle Bobby Lapointe. Avec des artistes de sa trempe on a la quasi certitude que la chanson de textes a de beaux jours devant elle.
samedi 14 mars 2020
Les survivantes d'isabelle Linnartz
Né des témoignages de quelques prostitués qui survivent dans les profondeurs d'une station de service à deux pas de la frontière belge, le spectacle écrit et mis en scène par Isabelle Linnartz vaut essentiellement par ses comédiennes. Amel Charif, Gigi Ledron, Bladine Métayer, Catherine Wilkening et Isabelle Linnartz ont toutes des moments de grâce.Les conversations vont bon train. Si leurs parcours différent ces femmes ont en commun d'avoir toutes collectionnées les galères. On leur a appris par des méthodes généralement d'une violence atroce à ployer l'échine. Lorsque celle qui trime depuis le plus longtemps décide de participer à une manifestation de péripatéticiennes on comprend que ses compagnes d'infortunes hésitent... Il n'est pas facile de desserrer l'étau qui les emprisonne, d'échapper à leur mac. Pourtant, pour la plupart elles parviennent à radicalement changer de vie. La représentation est ponctuée d'effets sonores qui en dit autant sinon plus que les mots sur l'enfer dans lequel ces êtres d'âge et d'origine différentes ont été précipités. Jusqu'au 5 avril Théâtre 13 :Jardin tél 01 45 86 62 22
samedi 29 février 2020
Les derniers jours Texte et mise en scène Jean-Michel Rabeux
La maladie sans issue flétrit la corps et embrume l'esprit. Jean-Michel Rabeux a la rare capacité d'émailler les situations les plus désolantes de dérapages burlesques. Ce qu'il fait ici avec d'autant plus de brio que Lear, le mourant dont il reconstitue les jours ultimes, était son ami. Pour juguler l'angoisse Pénélope, la compagne et Pylade le complice de toujours le rudoient,ont lorsque la maladie dégénérative devient trop lourde à supporter, des mots furibards et le menacent même, du moins sa partenaire, de le zigouiller. C'est lorsqu'il est entraîné à la dérive que Lear, qui fut comédien, se souvient ou invente des pics de gloire. Il est des moments où ses proches incapables de ne vivre que dans l'affliction se mettent à danser et qu'une chanteuse entonne de superbes couplets. La cérémonie funèbre devient alors comme dans les dernières pièces de Copi quasi aussi attrayante qu'une comédie musicale. Le metteur en scène na jamais craint la malséance. Elle est ici une bouée de sauvetage. Ce dont les proches ont un pressant besoin. Lear, dont le discernement est toujours davantage altéré, a en effet à l'égard de Pénélope des phrases d'une crudité assassine. Si l'auteur arrive à mette de si loufoque façon à nu des situations éprouvantes, c'est qu'il est épaulé par Claude Degliame, sa comédienne fétiche, qui, comme à son habitude joue avec éclat une partie on ne peut plus ardue. Ses partenaires Olav Benestvvedt (Lear) et Yann Métivier (un Pylade qui déborde de vie) sont au diapason. L'idée de ne pas s'encombrer d'un décor et d'accessoire autres que de plumes qui s'accrochent aux cintres et s'éparpillent sous les pas des comédiens rappellent, quant à eux, que la mort si elle ne peut que triompher ne nous empêche pas de savourer l'instant. Jusqu'au 22 mars Théâtre du Rond-Point tél 01 44 95 98 21
jeudi 20 février 2020
Correspondance avec La Mouette d'après Anton Tchkhov et Lika Mizinova
C'est avec plaisir que je vous ébouillanterais, le sous-titre du spectacle en dit long sur la correspondance mutine qu'ont échangé durant dix ans l'écrivain réputé Tchekhov et celle qu'il appelle Lika, une jeune femme dont la fraîcheur désarmante et la beauté l'avaient charmés. Nicolas Struve a eu l'heureuse idée de traduire cet échange de lettres et d'en mettre des extraits en scène. Ce qui est d'autant plus passionnant que les écrits de Lika Mizinova, qui inspira a l'auteur le personnage de Nina, la malheureuse héroïne de La Mouette, n'ont jamais été publiées en français. Leurs relations furent tantôt exaltantes, tantôt teintées de mélancolie. La jeune femme eût quelques amours, vécut à Paris, donna naissance à une petite fille qui mourut en bas âge. Les lettres qu'elle envoya à celui qui fut sans doute l'être qui compta le plus pour elle en disent long sur sa vitalité torturée. Les humeurs de Tchekhov varient elles aussi. Il lui arrive même d'être gagné par l'insouciance. C'est un véritable délice que d'entendre ces deux personnes que la vie séparera jongler avec les mots.Lorsqu'elle s'enflamme Lika écrit sur les murs avec de la peinture à l'eau des mots qui n'y restent qu'un bref moment. Si la représentation est d'une si admirable facture c'est que Stéphanie Schwartzbrod et David Gouhier ont plus que du savoir-faire, ils sont tous deux étrangers à tout jeu conventionnel. Le spectacle s'ouvre et se referme sur une rapide scène de La Mouette. David Struve rend avec ce spectacle un gracieux coup de châpeau à un auteur dramatique que nous sommes nombreux à vénérer. Jusqu'au 29 février Les Déchargeurs tél 01 42 36 00 50
dimanche 16 février 2020
Massacre de Lluïsa Cunillé
Alors qu'elle est l'auteur de prés d'une cinquantaine de piéces en catalan et en castillan, la dramaturge Lluïsa Cunillé est restée ignorée en France. Négligence réparée par le jeune metteur en scène Tommy Milliot qui monte Massacre après avoir fait connaître les travaux de plusieurs auteurs dramatiques d'origines diverses dont l'écriture sort des sentiers battus. Le cadre dans lequel se déroule ce qui est d'abord un tête à tête est une auberge de montagne où est venue se réfugier, après que son ménage se soit délabré, une femme entre deux âges. Tous les soirs la maîtresse du lieu la rejoint dans le salon où leurs conversations sont d'une telle banalité et si dénuées d'émotions qu'elles frisent l'insolite. L'hôtesse qui a décidé de mettre la clé sous la porte afin de commencer une nouvelle vie conseille à sa cliente de s'installer dans un autre hôtel de la région. Ce que son interlocutrice fermement refuse. Surgit un automobiliste qui prétend avoir écrasé un cerf et veut coûte que coûte l'achever. L'homme qui sort d'un hôpital psychiatrique se met, à la moindre contrariété, à tonner. La maîtresse du lieu perd la maîtrise de la situation. Maîtrise qu'elle retrouvera en utilisant les grands moyens. Si le spectacle de bout en bout captive c'est que Laurent Gallardo, son traducteur, qui a publié un important essai sur le thèâtre catalan, sait que chez cette écrivaine le poids des silences est aussi important que celui des mots. Sylvia Berger, Clothilde de Bayser et Nâzim Boudjenah ont tous trois un jeu si infaillible qu'ils sont longuement ovationné. Jusqu'au 8 mars Comédie - Française Studio tél 01 44 58 15 15
jeudi 13 février 2020
Evguénie Sokolov de Serge Gainsbourg
Pour la première fois les ayant droits de Serge Gainsbourg (dont évidement Charlotte Gainsbourg) autorisent que ce texte aux excès dont raffolait l'artiste soit mis en scène. Il y raconte que dès son plus jeunes âges ses flatulences faisait fuir ses gouvernantes. Grâce )à cette accumulation de gaz qui jamais ne le quitta, il devint un peintre à succès. On sait que Gainsbourg y aspira toute sa vie. Avec la ferveur insolente qu'il met dans tous ses rôles et la direction avisée de Charlotte-Lévy-Markovitch, Jean-Quentin Châtelain, une fois de plus, nous bluffe. Sans aucun support décoratif, il relate, seul en scène, ce destin hors norme au cours duquel il déverse sa bile contre le marché de l'art, n'hésite jamais à évoquer les pets qu'il sème à tous vents et son amour battant pour une jeune sourde muette. Epuisé par lui-même, il songe à en finir. C'est sans compter sur ceux qui ont intérêt à ce qu'il connaisse l'apothéose. On pense souvent à Gogol dont les personnages étaient eux aussi entraînés, à leur corps défendant, dans des situations tragi-burlesques. Un spectacle fait pour ceux que la malséance met en joie.Jusqu'au 22 févier Théâtre de Petit St Martin. tél 01 42 08 00 32
samedi 8 février 2020
Histoire de la violence d'Edouard Louis
Après Retour à Reims dans lequel Didier Eribon fait le récit de ses retrouvailles avec les membres de sa famille perdue de vue depuis des années, Thomas Ostermeyer adapte à nouveau, pour le théâtre à sa façon d'une invention sans égale l'aventure qui a mal tournée que raconte dans Histoire de la violence Edouard Louis.Une nuit de Noël il rencontre dans la rue un garçon à la mine engageante qui répond au nom de Réda.Celui-ci, comme il le dit à Edouard, est d'origine kabyle. Ludique, leur nuit d'amour cesse de l'être au réveil. Alors que Edouard est sous la douche, son amant lui barbote son portable. Lorsqu'il est devenu clair qu'il est introuvable, Reda devient agressif, reproche à son compagnon d'insulter sa mère, l'injurie le menace d'un flingue, le viole. Son humeur est changeante. De brutal, il redevient tendre puis pique une nouvelle colère. Restée seule la victime qui est aussi le narrateur est en proie à un effondrement intérieur. Après être resté longtemps prostré, il se décide de se rendre à la police et à un service médical. Ceux qui le reçoivent ne cachent pas le mépris que leur inspire "les arabes". Il se bute aux mêmes préjugés, mais plus dissimulés, chez sa soeur et son mec auprès desquels il a, comme il le dit, l'erreur d'aller se réfugier. Chez eux il retrouve, comme chez les autres membres de sa famille avec lesquels il a pris ses distances, l'étau de l'homophobie. Il est ainsi question tout du long des préjugés et de la maltraitance dont sont la proie ceux qui par leur appartenance ethnique ou leur préférence sexuelle apparaissent différents du commun des mortels. Les comédiens, à l'exception de celui qui incarne Edouard, changent fréquemment de rôle et d'identité. Tous font des étincelles Ils sont épaulés par un batteur qui ne quitté pas la scène. Si la vidéo qui accompagne la représentation apparaît au départ agaçante elle nous fait au final entrevoir davantage encore le marasme dans lequel la société qui est nôtre nous englue. Une fois encore Thomas Ostermeyer nous convie à découvrir un spectacle qui nous remue au plus profond. Ce qu'il ne fait jamais mieux que quand il dirige, comme ici, des acteurs de langue allemande. Jusqu'au 15 févier Théâtre de la Ville Les abbesses tél 01 42 74 22 71
mercredi 5 février 2020
Nous campons sur les rives de Mathieu Riboulet
Seule une poignée de lecteurs sont familiers de l'oeuvre de Mathieu Riboulet (1960-2018) et savent qu'il était l'un des écrivains décisifs de notre temps. Hubert Colas, qui a conçu la mise en scène et la scénographie, a porté son choix sur deux de ses écrits dans lesquels il apparait aussi éloigné que se peut de toutes idées préconçues.Le premier, qui lui fut sollicité par l'historien Patrick Boucheron à l'occasion du Banquet du livre de Lagrasse, est une méditation sur deux façons d'aller sa vie. L'écrivain se présente comme un homme d'ici et d'ailleurs tandis que son interlocuteur, un voisin, ne quitte pas le sol qui l'a nourri et mène une vie qu'on pourrait qualifier d'ancestrale. Celui qui dit avoir la bougeotte constate que l'homme avec lequel il converse ne s'est pas senti concerné par l'attentat du 11 septembre 2001 mais reste alarmé par la tempête qui a clos le millénaire et vraisemblablement se reproduira. Dans le texte suivant tiré d'un chapitre de son livre "Lisière" et est intitulé "Dimanche à Cologne", il raconte son passage dans un gigantesque sauna pour hommes. La libido s'y donne a coeur joie, les corps y sont ardents. Le narrateur ne retient de ceux avec lesquels il a passé un moment de plaisir que le nom qu'il note avec soin dans un carnet. Un être qui ne se déplace qu'à l'aide d'une canne et est d'une suffocante beauté attire tous les regards. Soudain il se met à la disposition de tous. Ce chapitre, où Mathieu Riboulet, comme à son habitude, ne craint pas de confier de rudes vérités, n'est qu'une des innombrables facettes de son oeuvre. Frédéric Leidgens qui joue la première partie du spectacle et Thierry Raynaud à à qui incombe de nous faire entendre l'allégresse forniquante de la deuxième sont tous deux à leur zénith. La subtilité des éclairages, plus tamisés au début, ajoute au trouble que suscite cette représentation dont le souvenir, pour beaucoup, ne saurait s'estomper. Après avoir été joué du 23 au 26 janvier le spectacle l'est à nouveau du 6 au 9 février Nanterre Amandiers tél 01 46 14 70 00 Du 27 au 29 nov à la Criée à Marseille
dimanche 2 février 2020
L'heure bleue de David Clavel
Le début du spectacle est prometteur. Rendue fébrile par l'arrivée d'un membre de la famille qui a déserté la maison depuis 20 ans, Emmanuelle Devos déverse des mots sans queue ni tête. Avec l'arrivée du fils prodigue, de sa femme et de leur nourrisson la pièce se transforme en une de ces tragédies familiale si fréquentes dans le jeune théâtre français de ces dernières années. L'imbroglio est, on le découvre petit à petit, de taille. Les secrets s'avèrent même carrément putrides.Dans la chambre du haut se meurt le patriarche. Celui-ci est joué par Denis Martin remarquable en malade que les sourires apaisants et les petits soins prodigués par les siens mettent en fureur. Les autres comédiens sont au diapason, en particulier Anne Suarez, qui tient depuis sa jeunesse la maison sur ses épaules et qui, lorsqu'elle apprend ce qui lui a toujours été caché, est prise de boisson et d'une vivifiante colère. Dommage que la pièce croule sous les dialogues pourtant bien tournés. Réduite d'un quart de sa durée, elle nous harponnerait davantage. Jusqu'au 8 février Cent Quatre Paris tél 01 53 35 50 00
jeudi 30 janvier 2020
Chroma de Derek Jarman
En ces temps qui versent dans le puritanisme et la bienséance, un spectacle tel que Chroma arrive à point nommé. Il a été tiré par Bruno Geslin (un metteurs en scène qui bien que doué à l'extrême a toutes les peines du monde à monter des spectacles),d'un roman autobiographique de Derek Jarman, cinéaste et écrivain anglais emporté par le sida en 1994 à l'âge de 52 ans. La maladie lui faisant perdre la vue la représentation se déroule en partie dans la pénombre. S'il raconte sans jamais s'apitoyer les maux qu'il endure, il ne manque pas à certains endroits de les rendre risibles. Pénétrant dans une des nombreuses chambres d'hôpital où il séjourna, le comédien qui à ce moment l'incarne s'extasie sur la beauté sans pareil du lieu... On pense au cours de cette scène à Copi qui savait tourner en dérision sa situation de séropositif en fin de vie. Ce sont deux acteurs, Olivier Normand et Nicolas Fayol, qui avec la discrète complicité d'Emilie Beauvais, occupent le plateau. Tous deux jouent d'éblouissante manière tantôt en anglais d'autres fois en français un texte d'une poésie chavirante de beauté. L'un (Nicolas Fayol) est un danseur de haut vol tandis que son partenaire chante de divine façon. Les interprètes comme la majorité des spectateurs sont jeunes et n'ont de ce fait pas traversé les années où le mal frappait. Ils n'ont pas non plus connu de cette époque la vie nocturne débridée. Autrement dit son atmosphère joyeuse goulue, charnelle soulignée par la musique synthétique présente quasi tout au long du spectacle. Lequel prend alors la forme d'une extravagante comédie musicale dont les interprètes dansent sur un volcan. Animé d'une sorte de génie infernal, Bruno Geslin nous plonge dans ce monde en usant d'une esthétique kitsch. Ce mot perd sous son regard son sens péjoratif et devient une réponse à la tyrannie du bon goût. Jusqu'au 2 février Théâtre des Quartiers d'Ivry Tél 01 43 90 11 11 Le 4 mars L'Archipel -Scène nationale de Perpignan.
mardi 28 janvier 2020
Contes et légendes Création de Joël Pommerat
D'emblée, comme il en a l'art, Joël Pommerant nous embarque dans un monde qui nous est à la fois familier à l'extrême et qui dévie de nos habituelles trajectoires. Les personnages sont des pré-adolescents qui, dans la première scène ne savent pas si ils sont en présence d'une fille de leur âge ou d'un robot Ce qui attise leur colère. Dans d'autres séquences les jeunes vivent en harmonie avec des robots humanoïdes. Harmonie est dans certains cas un mot faible car pour ces êtres au seuil de la vie le robot est une sorte de doudou, c'est-dire un être dont la présence supplée à leur manque affectif. Ces robots ont été programmés de telle sorte que rien n'entache leur humeur. Certains font preuve avec celui ou celle à qui ils appartiennent d'un amour que sans cesse ils leur déclare. Le hic est qu'ils ne peuvent prononcer d'autres mots que ceux de tendresse pour lesquels ils ont été conçus. Ils est comme toujours dans le théâtre de Pommerat des moments où l'atmosphère se fait plus éprouvante. Les membres d'une famille viennent acheter un robot à son propriétaire qui rêve de devenir adulte et doute d'y arriver s'il continue à vivre avec l'androïde qui est à ses côtés depuis son plus jeune âge. La mère de famille explique que sa santé se dégradant elle désire avoir un robot qui accompli les tâches qui étaient les siennes. Ulcérée à l'idée qu'une femme de ménage s'introduise dans son foyer, elle désire avoir la réplique d'un humain qui fasse la cuisine, des emplettes, la lessive... Il est pour cela nécessaire que le robot soit débranché puis rebranché pour les besoin de sa nouvelle mission. Le metteur en scène n'approuve ni ne désapprouve le monde futuriste dont il dessine quelques contours. Il rappelle plutôt que nous sommes nous mêmes des êtres disons construits. Comme toujours dans ses créations les moments sensibles alternent avec d'autres où sourd l'agressivité qui nous habite. On retrouve aussi, et c'est un bonheur, des comédiens dirigés à la perfection. Après le brillant et épique "Ca ira Fin de Louis" Pommerat revient à un théâtre intime fait de courtes scènes séparées par des noirs. On ne lui en voudra pas. Jusqu'au 14 février Nanterre Amandiers tél 01 46 14 70 00
vendredi 24 janvier 2020
Angels in America de Tony Kushner
Arnaud Desplechin n'a jamais oublié l'éblouissement où l'avait plongé il y a prés d'un quart de siècle la mise en scène conçue par Brigitte Jacques-Wajman de la pièce de Tony Kushner "Angels in America. Il prend aujourd'hui le parti de la monter à son tour. Que cette oeuvre soit ancrée dans son époque, celle qu'on surnomma les années sida, ne lui est pas apparu comme un obstacle. Elle a pourtant à l'évidence pris de l'âge. C'est la seule réserve que procure le spectacle qu'il a élaboré avec un talent aussi affirmé que celui avec lesquels il réalise ses films. L'auteur dramatique tresse le parcours de plusieurs personnages à la personnalité puissante mais au destin altéré pour certains par la maladie, pour d'autres par une éducation néfaste. Parmi ces derniers Joe et sa femme Harper tous deux élevés dans la religion mormone. Si elle se gave d'anxiolytiques, lui s'efforce d'ignorer ses préférences sexuelles. Joe subit l'emprise de Roy Cohn, un avocat qui fricote avec les pires canailles, est à la fois juif et antisémite, homosexuel et homophobe et enfin républicain d'un anti-communisme si virulent qu'il se targue d'avoir largement contribué à envoyé Ethel Rosenberg à la chaise électrique. Il apparaîtra que cette mère de deux jeunes garçons n'est pas sans lui rappeler sa propre génitrice. Lorsqu'il ne fait plus de doutes qu'il est atteint du virus mortel, il a des hallucinations qui se matérialisent. Celle qu'il a fait exécuter n'a de cesse de venir le railler. Il étanche ses fureurs en s'en prenant à Belize, son infirmier noir qui, lorsqu'il quitte 'hôpital, joue avec délectation les folles. Une des caractéristique de la pièce est que le plateau est le lieu de deux actions qui se déroulent simultanément. Alors qu'on suit les parcours des personnages déjà cités, Louis détaché de la tradition juive de sa famille quitte Prior, son amant, quand il ne fait plus de doutes que celui-ci est, lui aussi, atteint par le VIH. Ecoeuré par sa propre attitude, il tente de s'envoyer en l'air avec des inconnus. Tandis que son ex lui dit combien son mal le fait souffrir, il doit se contenter de lui parler de ses bleus à l'âme. Cette pièce monstre, comme l'écrit l'administrateur du Français dans le dossier de presse bénéficie non seulement du talent hors pair de Michel Villermoz et de Dominique Blanc qui godille tout du long d'un personnage à l'autre mais aussi de celui de leurs jeunes partenaires. Jennifer Decker, Christophe Montenez, Jérémy Lopez et Gaël Kamilindi. Ils apportent la preuve que de nombreux comédiens entrés à la Comédie Française ces dernières années sont de la même force
que leurs glorieux aînés. Si l'on ajoute que les incursions surréelles des anges annoncées par le titre de la pièce lui permet d'atténuer sa noirceur et que la scénographie de Rudy Sabounghi est d'un insolite bienvenu on aura saisi que ce spectacle devrait faire un tabac. En alternance jusqu'au 27 mars Comédie-Française Richelieu tél 01 44 58 15 15
que leurs glorieux aînés. Si l'on ajoute que les incursions surréelles des anges annoncées par le titre de la pièce lui permet d'atténuer sa noirceur et que la scénographie de Rudy Sabounghi est d'un insolite bienvenu on aura saisi que ce spectacle devrait faire un tabac. En alternance jusqu'au 27 mars Comédie-Française Richelieu tél 01 44 58 15 15
dimanche 19 janvier 2020
Le reste vous le connnaissez par le cinéma. Texte de Martin Crimp
Le dramaturge britannique Martin Crimp a adapté avec succés de nombreuses pièces du répertoire classique. Il a cette fois reécrit Les Phéniciennes d'Euripide. Le choeur présent tout au long de la représentation est joué par des adolescentes (sans expérience du théâtre) qui deviennent les témoins actifs mais impuissants de la rivalité qui oppose Etéocle et Polynice, les fils et frères d'OEdipe qui tous deux veulent règner sur Thèbes et finissent par s'entretuer. Jocaste, leur mère et soeur, ne pouvant empêcher le triomphe des pulsions homicides des deux hommes mettra fin à ses jours. OEdipe qui s'y connaît en matière de malheur, offre ses services à Créon, son beau frère et désormais roi lequel non seulement les refuse mais chasse celui qu'il considère comme le responsable des séismes qui ont frappé sa famille. Le metteur en scène et scénographe Daniel Jeanneteau a porté le spectacle à des cimes rarement atteintes.Il s'est entouré de comédiens dont la présence en impose. Dominique Reymond est une Jocaste qui constatant que ses fils sont incapables d'entendre raison a les traits chavirés d'une angoisse que seules peut exprimer les grandes tragédiennes. Acteur d'une impressionnante étrangeté, Axel Bogousslavsky évoque en jouant le prédicateur Tirésias, ces personnages droit issus des mythologies fondatrices. Si l'on ajoute que la traduction de Philippe Djian, complice habituel de Martin Crimp, est d'une remarquable clarté on comprendra que ce spectacle est de ceux qui valent d'être découverts. Jusqu'au 1er février T2G Théâtre de Genevilliers Tél 01 41 32 26 10
samedi 11 janvier 2020
Un conte de Noël d'Arnaud Desplechin
Arnaud Desplechin et Julie Deliquet, qui a adapté pour la scène le scénario de son film Un conte de Noël, partagent une fascination mêlée de répulsion pour les familles affectées pour les cahots du passé. Noël s'annonçant Junon, la mère menacée par un cancer et Abel, le père, teinturier passionné de philosophie qui se tient à l'écart des dissensions qui alourdissent la vie des siens, accueillent leur progéniture. L'arrivée impromptues d'Henri, le fils cadet, accompagné de Faunia, sa dernière conquête, va mettre le feu aux poudres. C'est qu'Elisabeth, la fille ainée qui a assis son influence sur la maisonnée, a depuis des années mis Henri au ban de la tribu. Ses constantes provocations la mettent hors d'elle. Elle considère en outre que la carrière de son jeune frère ne fut riche qu'en malversations. Mère d'un fils qui fait de fréquents séjours en hôpital psychiatrique, elle déploie, pour veiller sur lui des efforts permanents. La tension est d'autant plus vive qu'il faut trouver un membre de la famille apte à donner à la mère, de la moelle épinière. Seuls sont compatibles avec la sienne, celle d' Henri, le fils que la mère avoue n'avoir jamais aimé et de Paul, son petit-fils psychiquement en piètre état. Bien que la densité du propos suscite le malaise l'ironie tantôt insolite, tantôt fielleuse est tout du long de la partie. Fiona qui affirme qu'elle a toujours gardé des distances avec sa propre famille se retrouve à l'épicentre d'un conflit clanique dont les membres étaient pour elles de parfaits étrangers. Lorsque franche du collier, elle demande à Junon pourquoi elle manifeste peu de sympathie à Sylvia, l'épouse d'Ivan l'aîné des garçons, la mère ne se laisse pas démontée et lui rétorque qu'elle ne peut lui pardonner de lui avoir pris son fils préféré. Si elle se montre au contraire accueillante avec elle cette femme qui ne mâche pas ses mots lui dit tout de go que c'est pour la stupéfiante raison qu'elle vit avec le fils qu'elle ne peut pas saquer... Le spectacle est constellé de scènes d'un charme auquel on ne peut que céder. Ainsi le banquet où les convives jouent des moments d'une cruauté hallucinante de Titus Andronicus et celles où ce ne sont pas les antagonismes qui refont surface mais des amours qui semblaient mortes. Si Julie Deliquet emporte le morceau c'est aussi parce que sa sureté dans le choix et dans la direction d'acteurs est prodigieuse. Marie-Christine Orry, Jean-Marie Winling, Stephen Butel, Jean-Christophe Laurier, Hélène Vivies et leurs nombreux partenaires nous coupent, à plus d'une reprise, le souffle. Dans le cadre du Festival d'Automne Jusqu'au 2 février Odéon- Ateliers Berthier 17e tél 01 44 85 40 40
mercredi 8 janvier 2020
Du ciel tombainent des animaux de Caryl Churchill
Mal connue en France, Carryl Churchill jouit en Angleterre d'une flatteuse réputation. Alors qu'elles prennent le thé dans un jardin trois femmes mûres sont rejointes par une nouvelle voisine. Les discussions vont bon train. On évoque les changements survenus dans le quartier, les commerçants qui ont mis la clé sous la porte, les programmes télé La nouvelle venue fréquemment se lève pour souligner l'inexorable dérèglement du monde économique et climatique. Elle en arrive à annoncer l'arrivée de conseillers en chagrin. Ce personnage c'est Dominique Valadié qui, lorsqu'elle jouait des pièces d'Edward Bond sous la direction d'Alain Françon, a maintes fois tenu des propos apocalyptiques. Ses voisines ne semblent guère s'émouvoir de ces sorties d'une violence volcanique. Elles n'échangent pas pour autant que des banalités. On apprend ainsi que l'une d'entre elles, coiffeuse de son état, a connue , après avoir poignardé son mari, six ans de détention. Etait elle éméchée lorsqu'elle a accompli ce geste? Les discussions sont amorcées mais s'arrêtent en chemin. Ce qui n'empêchent ces dames de s'envoyer des piques. Lesquelles ne sont généralement pas relevées. C'est que dans cette Angletterre qu'a connue l'écrivaine, qui a aujourd'hui 80 ans, on s'abstient de pousser le trait. Dominique Valadié, Charlotte Clamens, Geneviève Mnich et Daniè Lebrun forment un quatuor dont la présence en impose. Marc Paquien, un de nos metteurs en scène les plus avides de faire connaître des auteurs d'importance restés dans l'ombre a dirigés ses comédiennes avec une subtilité peu courante. De la rencontre d'autant de talents divers est né un spectacle aussi bref (une heure) que substantiel. Jusqu'au 2 février Théâtre du Rond-Point tél O1 44 95 98 21
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