vendredi 29 avril 2016

SPASMES de Solenn Denis

Depuis qu''Amarante a été percutée par un chauffard alors qu'elle sortait du bahut sa famille est restée en souffrance. La mère a cinglée vers le large, son père a adoptée l'allure éloquente d'Elvis Presley ce qui fait exploser de colère son fils dont la jumelle, quand elle ne se jette pas sur son amoureux, couvre les murs de peintures. Cette constellation familiale aurait tout pour foutre le bourdon si la morte n'était pas présente sur le plateau et ne se laissait aller à des ruminations intérieures saisissantes de vie et d'aplomb. Véritable force de la nature, la défunte n'a de cesse de titiller les vivants incapables d'entendre ses paroles. Et la famille d'apparaître pour ce que si souvent elle est : le lieu par excellence où l'on ne s'écoute pas. Comme elle l'a déjà prouvé à plusieurs reprises, l'auteure Solenn Denis a - comme le faisait remarquer un ami- à l'exemple du chanteur Renaud le don de poétiser des phrases dite de façon bien tranchée. Outre deux comédiens d'une belle envergure ( Erwan Daouphar et Olivia Chatain) sont présents sur le plateau trois adolescents (Mickael Leroux, Océane Arsène et Valentin Marie). Le spectacle a en effet été créé dans le cadre du Festival Ado initié par Pauline Sales et Vincent Garanger, directeurs du Préau Centre Dramatique de Normandie - Vire. Des centaines de spectateurs dont l'âge varie entre 15 et 18 ans forment la majorité enthousiaste du public.Soulignons enfin l'apport considérable de la scénographe Camille Duchemin qui semble avoir trouvée en Solenn Denis, qu'elle ne connaissait pas, une âme soeur. Jusqu'au 30 avril au Préau Centre Dramatique de Normandie (02 31 66 16 00) Mardi 3 mai 2Oh30 et Mercredi 4 mai 10h Mortain -Bocage/ Le Géricault Mardi 10 mai : La Haye -Pesnel -Espace du Bocage. Mercredi11 mai 20h30 / Condé En Normandie : Le Royal. Jeudi 12 mai 20h30 : Domfront-en -Poiraie: Théâtre intercommunal En tournée à l'automne

dimanche 17 avril 2016

Bovary Texte et mise en scène Tiago Rodrigues

Une nuée de pages blanches balancées par les comédiens recouvrent le plateau. Le procès de Gustave Flaubert jugé pour outrage à la morale publique et religieuses ainsi qu'aux bonnes moeurs peut commencer. Accablé par la hargne d'Ernst Pinard, l'avocat impérial, l'écrivain (délectable Jacques Bonnaffé) tourne ces accusations en dérision. Pour prouver leur justesse l'homme de loi fait émerger des pans du roman. Et l'on passe constamment de l'enceinte du tribunal au coeur d'une oeuvre passée à la postérité.La trame est connue que le metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, dont on connaît depuis sa découverte la saison dernière avec By Heart, la puissance et la singularité de l'écriture scénique a montée à son audacieuse façon. Mariée à un médecin de campagne terre à terre, Emma Bovary se languit. Une fête où sa beauté fait tourner des têtes émoustille son imagination. Elle ne rêve plus dès lors que de rencontres incandescentes.Mais aucun des deux hommes avec lesquels elle se donne corps et âme, comme on disait, ne prend soin de la connaître. Enferrée dans ses échecs, elle plonge dans l'abime de la dépression. Tiago Rodrigues puise constamment dans les forces vives de la langue de Flaubert et l'assaisonne parfois d'heureuses expressions de son crû. Le penchant du metteur en scène pour les trouvailles poétiques fait le reste. Ah! ces scènes où abandonnant toute retenue chacun - défenseurs comme adversaires - embrassent Emma Bovary (Ruth Vega-Fernandez) à pleine bouche et en ayant goûté la saveur y reviennent... Flaubert, on le sait, sorti blanchi des chicanes judiciaires. "La mauvaise conduite" de madame Bovary semble, elle toujours choquer un public d'adolescents qui à la sortie du spectacle faisaient part de leur admiration pour les comédiens (notamment pour David Gerelson prodigieux en avocat de la défense) mais disaient avoir du mal à comprendre le comportement d'Emma...Jusqu'au 17 avril Puis du 3 au 26 mai Théâtre de la Bastille tél 01 43 57 42 14

lundi 11 avril 2016

L'opéra de quat'sous de Bertold Brecht. Musique de Kurt Weill

On croyait le théâtre de Bertold Brecht sur le point de tomber aux oubliettes. Le spectacle concocté par Joan Bompart et sa troupe de comédiens-chanteurs et de musiciens apporte la preuve qu'il n'en est rien. Dépouillée du pittoresque dont on l'affuble d'ordinaire, cette pièce, que Kurt Weill parsema de chansons d'un lyrisme grinçant, apparaît, comme un geste d'opposition de son auteur aux possédants de son époque. Nos temps n'étant pas particulièrement doux aux miséreux il était avisé de la réactualiser. Ce qui est fait avec un entrain jubilatoire. Le public assiste émerveillé aux combat qui oppose Peachum, le roi des mendiants, au caïd Mackie, lequel est du dernier bien avec le chef de la police. Il est clair que si Mackie est surnommé le sérineur c'est qu'il s'y entend pour faire saigner le peuple. Plusieurs femmes se disputent cet homme persuadé que tout et tous s'achètent. Ce qui nous vaut des scènes délicieusement canailles. Tel le duo chanté de Polly et Jenny, qui, pareillement persuadées d'être la femme du bandit sans honneur, se dressent l'une contre l'autre. C'est avec la même hargne résolue que, tout au long du spectacle, sont interprétées les mélodies composées par Weill. Jouant, pour la plupart, quantité de rôles les comédiens changent constamment de tenues comme de perruques et de maquillages. C'est ainsi que des mendiants abandonnent en un clin d'oeil leurs hardes pour adopter une dégaine de fille des rues. Brecht laissa les metteurs en scène choisir entre les deux fins qu'il avait envisagé. Joan Bompart conclu, pour sa part, la représentation par un deuxième final d'un grotesque digne des caricaturistes allemands des années 20 et 30. Ce qui ajoute à notre ravissement. Jusqu'au 14 avril Théâtre 71 Malakoff tél 01 55 48 91 00 Puis en tournée notamment les 2 et 4 mai Les 2 Scènes - Scène Nationale de Besançon et le 24 mai Théâtre de Corbeil-Essonnes.

mercredi 6 avril 2016

Le monde d'hier de Stefan Zweig

En ces temps de crise économique, politique et morale "Le monde d'hier", le livre-témoignage de Stefan Zweig résonne, on s'en doute, avec force. Né dans une famille juive en 1881 à Vienne dont il se souvient comme d'un havre de quiétude il y fut longtemps célébré. Puis dès le début des années 30, lorsque le monde commença à gronder de menaces, considéré comme un proscrit. Guidé par Patrick Pineau, Jérôme Kircher est le narrateur de ce récit dont le classicisme et la concision font merveille. Après avoir évoqué sa prime jeunesse dans la capitale de l'empire austro-hongrois puis la grande guerre au terme de laquelle ses romans, nouvelles et biographies commencèrent à être publiés, il se remémore un Paris auquel il trouvait mille charmes... et qui ressemble largement à une image d'Epinal. Le temps qui fuit ne lui apporte que déceptions et chagrins. Lorsqu'il apprend en 1939 la mort de sa mère octogénaire restée à Vienne, il se dit délivré de l'angoisse de la savoir en danger. Une des pages les plus marquantes est celle de sa rencontre à Londres, où il avait trouvé un éphémère refuge, avec Freud à l'intelligence plus éclatante que jamais mais à la santé déclinante. Au somment de son art, Jérôme Kircher nous fait entendre qu'écrire cet ouvrage fut pour Stefan Zweig une manière de conjurer son désespoir. Lequel, on le sait, gagna la partie. Jusqu'au 19 juin Mathurins tél 42 65 90 00