vendredi 15 juin 2018
Les ondes magnétiques de David Lescot
L'atmosphère est fébrile dans le studio fait de bric et de broc de Radio Quoi. La pièce de David Lescot commence en 1981, époque d'un foisonnement culturel qui favorisa l'émergence des radio libres. Ils sont six qui y croient, bossent sans relâche, s'abreuvent de paroles. Ces temps d'euphorie ne durent pas. L'antenne de sensibilité libertaire n'aura bientôt d'autre choix que de s'unir à une consoeur au fonctionnement proche de celui de l'entreprise. De cette fusion naissent des conflits politiques et éthiques. La reprise en main décape les illusions des membres de l'équipe fondatrice. D'autant que le boss a l'arrogance brutale et les paroles blessantes de ceux qui ne savent pas comment mener leur barque. Si le constat est amer et annonce l'assujettissement des médias aux puissances de l'argent, la représentation déborde de fantaisie et d'inventions. David Lescot a le don de faire participer les acteurs à la construction de leur personnage. Chacun d'entre eux en interprète au moins deux. Elsa Lepoivre, Christian Hecq, Nâzim Boudjenah, Sylvia Berger, Jennifer Decker, Alexandre Pavlov et les jeunes Claire de La Rüe du Can et Yoann Gasiorowski ont tous une pêche d'enfer. On connaît l'attention que porte l'auteur à la musique. Elle contribue largement à la réussite d'un spectacle qui en dit aussi long sur les déconvenues des temps passés que présents. Jusqu'au 1er juillet Comédie -Fraçaise Vieux Colombier tél 01 44 58 15 15
dimanche 10 juin 2018
VxH-La voix humaine
La voix humaine, écrit en 1927 par Jean Cocteau, n'a rien perdu de son impact. Du moins quand la pièce est revisitée par le compositeur, musicien et metteur en scène Roland Auzet. Epaulé par Joëlle Bouvier, sa chorégraphe et collaboratrice artistique et conforme à ses inclinations expérimentales, il a inventé un dispositif qui laisse pantois. Irêne Jacob, la comédienne, joue sur sur une plateforme de dix mètres sur quatre en plexiglas suspendue au dessus du public. Lequel découvre le spectacle allongé sur le sol. La trame est simple qui décrit une femme qui parle au téléphone à l'homme qui l'a laissée choir. La conversation, est pour des raisons techniques ou de difficultés d'en dire ou d'en entendre davantage constamment interrompue. La femme parle éperdument, fait la forte, craque, se confond en excuses, connaît des moments de désordre mental. Elle évoque des rêves faits dans des moments où elle était shootée aux antidépresseurs et dont il ne reste aux réveils que la texture. Irêne Jacob est stupéfiante dans ce rôle d'une femme que la douleur constamment élance et qui est agrippée à son portable ou à son téléphone fixe. Le maître d'oeuvre Roland Auzet a mélangé à l'oeuvre de Cocteau des extraits d'un poème du dramaturge allemand Falk Richter qui lui aussi s'interroge sur les ravages provoqués par l'abandon de l'être épris. Grâce à la collaboration de l'Ircam les sons qui vrillent les oreilles de la femme en détresse sont d'une puissance inédite. Ce prodigieux spectacle termine aujourd'hui son passage au 104 à Paris. Il poursuivra sa route la saison prochaine dans plusieurs villes du pays notamment à Lyon et à Saint Nazaire. L'espoir qu'il revienne à Paris ne semble pas vain.
vendredi 1 juin 2018
Les créanciers d'August Strindberg
Strindberg avait un net penchant pour les êtres qui carburent à la haine. Au départ les relations entre le peintre Adolf et Gustaf, son ami de fraîche date semblent de confiance. Adolf est reconnaissant à son visiteur de l'avoir aidé quelque tempsauparavant à sortir d'une dépression. Aujourd'hui son "sauveur" lui fait en douceur entendre que Tekla, sa femme, devenue une auteure à succés, est largement responsable de son mal de vivre. Le peintre s'en laisse d'autant plus facilement conté qu'il a appris à sa femme les rudiments de son art. A son arrivée Tekla se trouvera face à un mari dont le comportement hargneux la déconcerte. Peu à peu elle découvre ce qui s'est tramé durant son absence, à savoir que Gustaf est venu dans le but d'apurer de vieilles créances. Comédien qui a eu ces dernières années peu d'occasions de déployer ses immenses ressources, Didier Sandre pratique la méchanceté avec une finesse réjouissante. Il a trouvé en Sébastien Pouderoux un partenaire à sa mesure. Il prête à son personnage une ardeur mortifère qui fait songer à celle des grandes figures de la littérature russe. Dommage que Adeline d'Hermy, comédienne douée à l'extrême, ait tendance à porter sa voix à des hauteurs exagérée. Mise en scène avec minutie par Anne Kessler ces Créanciers valent la (re)découverte. Jusqu'au 8 juillet Comédie-Française studio tél 01 44 58 15 15
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