mardi 22 mars 2016

Splendid's de Jean Genet

Jean-Paul Sartre considérait Splendid's comme la meilleure des pièces que Genet lui avait fait lire. Elle ne fut néanmoins jamais montée du vivant de son auteur. Pour la bonne raison que les personnages étaient inspirés par des hommes susceptibles de se reconnaître en eux. Après avoir kidnappé puis étranglé la fille d'un richard local, sept gangsters se retrouvent encerclés par la police au 7e étage d'un palace. Ils ont été rejoint par un flic impressionné par leur assurance assassine.Mais face à la mort qui, sans aucun doute, les attend, ils se laissent aller à des comportements troublants. L'un, considéré par ses complices, comme un chef se travestit en femme ... et perd son statut Les autres, jusque là à peine vêtus, enfilent des costumes de soirée. Interprétée par des comédiens américains, qu'il avait - il y a quelques années - dirigés dans Jules César de Shakespeare, le metteur en scène Arthur Nauziciel a pris le risque de faire jouer en anglais cette pièce au verbe luxuriant, proche du poème. Ce qui n'est en rien frustrant puisque les surtitres français sont projetés sur deux écrans. L'avantage de ce choix est que l'on est d'emblée propulsé dans les films hollywoodiens aujourd'hui mythiques dont les héros étaient de sacrés voyous. Difficile de ne pas tomber sous le charme de ce spectacle en forme de chorégraphie parlée. Même si l'on eût aimé que soit abordé avec plus de détermination le thème de la trahison qui est au coeur de l'oeuvre de Genêt. Ses lecteurs savent combien cet écrivain était, dans sa jeunesse, fasciné, on peut aller jusqu'à dire érotisé, par les hommes dénués de sens moral. Jusqu'au 26 mars La Colline tél 01 44 62 52 52 Les 21 et 28 avril Théâtre de Lorient, CDN

samedi 19 mars 2016

Phèdre de Wajdi Mouawad, Sarah Kane, J.M. Coetzee

Au début de ce spectacle au long cours apparaît Aphrodite, déesse de l'amour. Sa descendance prédit-elle, connaîtra les ardeurs et les affres de la chair. Phèdre en témoignera que sa passion sexuelle pour Hippolyte, son beau fils, conduira à d'effroyables extrémités. Tout du long elle est submergée, non - quoi qu'elle dise - par l'amour mais par le désir. On peine à comprendre pourquoi trois auteurs de renom ont été mis à contribution pour tous soutenir que l'épouse de Thésée n'a de cesse de séduire ou, pour le dire plus crûment, de s'envoyer son jeune beau fils. Qui de jeune garçon candide se transforme au fil de la représentation en gouape ténébreuse. Il semble que Krzysztof Warlikovski - dont tant de création furent des enchantements - ait voulu bâtir un monument à la gloire d'Isabelle Huppert.Qui en grande virtuose navigue d'une Phèdre à l'autre. Dans la seule scène dont elle n'est pas trône sa photo. Sa performance trop voyante donne le sentiment que c'est elle et non le metteur en scène qui tient la barre. On aimerait que cette comédienne d'un sidérant talent trouve, comme elle le fit jadis sous la direction de Claude Régy et, plus récemment à l'écran, sous celles de Claire Dennis et de Hong Sang-soo, des rôles où elle ne soit pas tentée de montrer l'étendue de son savoir-faire. La splendeur du décor conçu par Malgorzata Szczesniak et sa saisissante utilisation nous offre, heureusement, quelques moments de pur émerveillement.Jusqu'au 13 mai Théâtre de l'Odéon Paris 6e tél 01 44 85 40 40

jeudi 17 mars 2016

Garde barrière et garde fous d'après deux interviews de femmes.

L'écriture est sans ornements. Les paroles recueillies en 2007 et 2008 dans l'émission "Les pieds sur terre" de France Culture sont brutes. La cinquantaine souriante puis lasse, Monique, une femme, garde barrière à Bourg-en-Bresse, se raconte. Pas de quoi pavoiser. Alors elle s'arrime aux souvenirs d'un temps où régnait l'esprit de solidarité, où elle ne sentait ni seule, ni à bout d'énergie. D'un temps où elle n'avait pas le sentiment d'avoir été flouée. Myriam, elle, ne se livre pas. Infirmière de nuit dans un service de psychiatrie elle tente de conjurer l'angoisse de patients victimes d'un sévère dérèglement psychique ou privés de leurs facultés. En fond de scène apparaissent sur un écran le fils qui occupe la mémoire de la garde barrière puis ceux, endormis ou insomniaques, sur lesquels veille Myriam. Fidèle à ses débuts au Théâtre de l'Aquarium où furent créés des spectacles qui donnaient la parole à des anonymes le plus souvent révoltés, Jean-Louis Benoit est aux manettes. Maintenant le pathos à distance, Léna Bréban interprète les rôles de Monique et de Myriam. Elle apporte, ce faisant, la preuve de son vigoureux et éclectique talent. Jusqu'au 26 mars Théâtre de L'Aquarium La cartoucherie tél 01 43 74 99 61

lundi 7 mars 2016

Les affaires sont les affaires d'Octave Mirbeau

S'attaquer aujourd'hui - comme le fait Claudia Stavisky - à la pièce "Les affaires sont les affaires" de l'écrivain et pamphlétaire Octave Mirbeau (1848 - 1917) est particulièrement bienvenu. Ecrite en 1903, l'oeuvre a pour personnage central un homme qui, comme nombre d'individus actuellement à la tête de grosses entreprises, accroissent sans cesse leur fortune tandis qu'augmente dans des proportions colossales le nombre de personnes menacées par la précarité. Bien qu'il ait fait deux séjours à l'ombre, Isidore Lechat, homme d'affaire d'une impressionnante intelligence tactique, ne cesse d'étendre son empire. Cela par des moyens souvent douteux. Rayonnant de cordialité il reçoit deux hommes venus lui proposer de s'associer à une juteuse entreprise. Lechat, qui a de lui même une image très flatteuse, n'a de cesse de se vanter de ses mérites. Ses visiteurs le prennent du coup pour un crétin facile à berner. Mal à l'aise au centre d'un tel luxe, madame Lechat se plaint des extravagances de son mari mais ne veut pas entendre parler de ses malversations. Ce que fait rageusement leur fille qui n'attend que l'occasion de déguerpir. La metteuse en scène, qui a abondamment allégé un texte plein d'inutiles rebondissements, a pris l'excellent parti de mélanger deux époques qui ont quantité de traits communs. L'ingénieuse scénographie d'Alexandre de Dardel et une distribution de choix dans laquelle se croisent autour de François Marthouret (Isidore Lechat) et de Marie Bunel (son ambivalente épouse) Lola Riccaboni, Geoffrey Carrey, Alexandre Zambeaux, Stéphane Olivier-Bisson, Eric Berger et Eric Caruso achèvent de faire de ce spectacle une sombre mais néanmoins éclatante réussite. Jusqu'au 26 mars Célestins Théâtre de Lyon tél 04 72 77 40 00 La Coursive-La Rochelle du 30 mars au 1er avril Théâtre du Gymnase - Marseille du 5 au 9 avril Théâtre de Namur (Belgique) du 10 au 13 mai Théâtre de Privas les 19 et 20 mai Comédie de Picardie - Amiens du 25 au 28 mai

jeudi 3 mars 2016

Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos Adaptation Christine Letailleur

Pierre Choderlos de Laclos (1741-1803) était officier dans l'armée du roi et vraisemblablement excellent stratège. Son roman épistolaire "Les liaisons dangereuses" est celui de la guerre que mène madame de Merteuil, une femme affranchie et dénuée de scrupules, contre une société pétrie de principes. Ce combat elle le poursuit avec la complicité de Valmont, un libertin qui multiplie les conquêtes et fut autrefois son amant. Sachant que les femmes sont pour son acolyte des proies faciles, elle est bien décidée à en faire l'outil d'une vengeance personnelle. Mais Valmont ne songe qu'à faire céder madame de Tourvel, une dévote de belle allure. Manipulatrice de haut vol, la Merteuil n'est pas du genre à abandonner la partie pour si peu. Elle n'hésitera pas à mettre en pièces ceux - dont Valmont - qu'elle manipule avec une intelligence constamment sur le qui vive. Christine Letailleur a transposé le roman en une pièce de théâtre dont la langue est comme celle de l'oeuvre originale d'une séduction folle. Dominique Blanc et Vincent Perez font superbement retentir ce texte plein de détours. Lequel texte peut apparaître dans la bouche de la dame comme une sorte de bréviaire d'un féminisme avant la lettre. Christine Letailleur, dont la mise en scène semble aussi rouée que l'esprit de "l"héroïne" mêle classicisme et modernité. Il est en effet semé d'intermèdes saugrenus qui soulignent la vanité de la partie d'échec qui se déroule sous nos yeux. Jusqu'au 18 mars Théâtre de la Ville tél 01 42 74 22 77