mardi 15 septembre 2020

Un conte de noel

Arnaud Desplechin et Julie Deliquet, qui a adapté pour la scène le scénario du film Un conte de Noel, partagent la même fascination mêlée de répulsion pour les relations familiales et les eaux souvent saumâtres dans lesquelles elles baignent. Noel s'annonçant Abel et Junon reçoivent leur progéniture. Ce qui est d'autant plus délicat que la mère, dont la santé décline doit recevoir la moelle de l'un de ses descendants, et qu'Elisabeth, leur fille a mis Henri,l'un de ses deux frères au ban de la tribu. Eloigné des "siens" depuis 6 ans l'indésirable revient accompagné d'une superbe jeune femme. Il apparaît d'emblée qu'il ne s'encombre pas de civilités. Et que la haine que lui voue sa soeur, qui le considére comme un bon à rien, est intacte. Dans la constellation de souvenirs qui sont ravivés certains vont réveiller de vieilles meurtrissures. La disposition bi-frontale du public lui donne le sentiment d'être un témoin privilégié de ces pugilats et élans de tendresse.Remarquablement choisis et dirigés Marie-Christine Orry, Jean-Marie Winling,Stephen Butel, Hélène Vivies, Jean-Christophe Laurier et leurs partenaires méritent amplement d'être longuement applaudis. Jusqu'au 27 septembre Théâtre Gérard-Philipe 93 Saint-Denis tél 01 48 13 70 00

lundi 7 septembre 2020

Un premier festival au Garage théâtre à Cosne sur Loire

En ces temps de pandémie l'ouverture d'un lieu de création fait chaud au coeur. C'est Jean-Paul Wenzel à la fois auteur dramatique, metteur en scène, comédien et durant de nombreuses années à la tête du théâtre de Montluçon qui, fidèle à ses engagements aristiques et sociaux, s'est lancé dans l'aventure. Il a pour ce faire acquis et transformé un ancien garage. Désireux d'inaugurer le lieu de façon festive il a,avec l'appui d'une poignée de fidèles, mis sur pied un festival qui du 31 août au 6 septembre a attiré un public nombreux et enchanté.C'est, il est vrai, à un véritable festin qu'il a été convié. Au menu la lecture par Lou Wenzel et Nina Le Poder de "Fleur de pissenlit"de Wolfgang Borcher (dont Lou Wenzel monta admirablement il y a 2 ans la pièce Derrière la porte) Autre moment fort "Tout un homme" qu'a écrit et mis en espace le nouvel occupant des lieux. S'appuyant sur les témoignages des descendants d'immigrés maghrebins venus trimer dans les mines lorraines il retrace le parcours de l'un d'entre eux. Le joueur d'oud Hassan Abd Alrhaman accompagne tout du long ce récit de la vie d'un homme qui se retrouva fréquemment à bout de ressources et apprit sur son menaçant lieu de travail le sens du mot solidarité. L'agilité de jeu de Hovnatan Avedekian, Mounir Margoun et Lorène Menguelti leur a valu une ovation. Des applaudissements aussi nourris ont salué l'interprétation de Denis Lavant qui a porté son choix sur "La grande vie" un texte du peu connu mais recommandable Jean-Pierre Martinet. L'acteur se glisse dans la peau d'un homme au physique dit-il d'avorton qui a l'habitude de ployer l'échine. Il se laissera littéralement engloutir par une géante qui en a fait son objet sexuel. Véritable star underground tenté par les textes qui accède au coeur de l'être, il ne cesse de se surpassé. Martine Bertrand décroche elle aussi la timbale en incarnant "Oma". Réfugiée dans une roulotte cette femme sans âge est hélée par une jeunesse (Lou Wenzel) qui semble aux cent coups. C'est qu'elle est venue voir celle qui lui a donné le jour. Mais Oma qui a eu des enfants en pagaille refuse de se tourner vers son passé. Poussée à bout elle finit par l'évoquer. Avec colère. Comme on lance des imprécations. Si ce n'est un homme qu'elle a suivi en Espagne quand la guerre y faisait rage, elle n'a aimé aucun de ceux qui lui ont fait, le plus souvent à son corps defendant, des marmots.Et Oma qui rejetta sa progéniture d'apparaître comme le double inversé de la "Mère courage" de Brecht. Le ton bourru, l'aspect terrien la comédienne sert on ne peut mieux la puissante écriture d'Arlette Namiand. S'accompagnant à la guitare Gérard Morel a, quant à lui, avec des chansons de sa composition apporté le sourire. C'est qu'il a l'art de jongler avec les mots, de mitonner des phrases d'un charme qui rappelle Bobby Lapointe. Avec des artistes de sa trempe on a la quasi certitude que la chanson de textes a de beaux jours devant elle.