mercredi 28 février 2018
Bluebird de Simon Stephens
Jimmy vit accroché au volant de son taxi. Parmi les clients avec lesquels il sillonne Londres beaucoup se confient à lui. Certains ont visiblement perdus pied. D'autres, comme une jeune femme à l'aspect déluré, le houspillent tout au long de la course. Il ne laisse, pour sa part jamais deviner ses propres turbulences intérieures. On en apprendra beaucoup sur son compte, notamment qu'il fut autrefois écrivain, lorsqu'il se retrouvera face à celle qui fut la compagne de sa vie. Bluebird fut le magistral coup d'essai de Simon Stephens devenu aujourd'hui un des auteurs dramatiques anglais les plus renommé. La cinéaste Claire Devers, qui s'installe pour la première fois aux commandes d'un spectacle, se sort avec brio des innombrables pièges que recèle la pièce. Le premier d'entre eux est qu'elle se déroule entièrement à l'intérieur ou à côté d'une voiture. Ce qui fut d'autant plus ardu pour l'équipe que, comparé à des scènes de province où le spectacle fut créé, l'espace est ici abrégé. Si la metteuse en scène s'en est si bien tiré c'est qu'elle a pu s'appuyer sur la remarquable traduction de Séverine Magois et sur la performance en demie teinte de Philppe Torreton qu'entourent des partenaires d'une aussi belle intensité que Marie Rémond (dont les talents multiformes ne cessent de se confirmer), Julie-Anne Roth,Serge Larivière et Baptiste Dezerces. Jusqu'au 4 mars Théâtre du Rond-Pont tél 01 44 95 98 21 Les 29 et 30 mars Théâtre de Sartrouville, du 3 au 7 avril Théâtre des Célestins Lyon.
vendredi 16 février 2018
La collection d'Harold Pinter
Fort du succès qu'a rencontrée sa mise en scène de The servant (adaptation pour la scène du scénario écrit par Pinter pour le film de Losey) Thierry Harcourt s'attaque à une des pièces phares de l'écrivain. Deux hommes ici également cohabitent. Mais leurs relations évoquent davantage celles de Sherlock Holmes et du docteur Watson que celles infernales qui lient les personnages de The servant. Le péril surgit d'un inconnu qui vient perturber l'existence douillette de Bill, un personnage en vue que son ami dit issu des bas fonds. L'intrus lui reproche d'avoir couché avec sa femme. Qu'en est-il? Pinter a, comme on le sait, une science consommée des mystères qui poussent à agir, à fabuler, à se mentir à soi-même. Il bouscule avec ingéniosité les codes du théâtre de boulevard. Le mari et le peut être amant finissent par s'affronter au couteau à fromage... Thierry Harcourt a engagé pour interpréter ces personnages ondoyants des comédiens aussi chevronnés que Sara Martin, Thierry Godard, Davy Sardou et Nicolas Vaude. Théâtre de Paris Tél 01 48 74 25 37
mardi 13 février 2018
Quils de Dough Wright. Mise en scène Jean-Pierre Cloutier et Robert Lepage
Une femme échevelée fait irruption dans le bureau du responsable de l'asile de Charenton. Elle exige qu'il soit mis fin aux privilèges dont jouit son mari qui n'est autre que le marquis de Sade. Protecteur davantage que geôlier du célèbre détenu dont la rhétorique bien rodée le laisse admiratif, l'abbé de Coulmier ne se résoud pas à faire, comme on le lui a recommandé, de son séjour un enfer en le privant de sa plume. Mais rien n'arrête le champion du libertinage qui quand il n'a plus d'encre écrit avec son sang. Les mises en garde de l'abbé le pousse à surenchérir. Ses débordements libidineux finissent par avoir raison de la mansuétude de celui qui se considère comme un homme de dieu et finit par se découvrir des pulsions inavouables. Ecrite à la fin du précédent millénaire par l'écrivain et librettiste texan Doug Wright, cette pièce dénonce les inclinations puritaines contre lesquelles les créateurs américains doivent constamment lutter et qui aujourd'hui, en particulier depuis le début de l'affaire Weinstein, vont, partout, en grandissant. L'artiste multidisciplinaire québecois Robert Lepage, qui avec Jean-Pierre Cloutier a mis le spectacle en scène et en espace, joue avec une prodigieuse faconde le rôle de celui qu'on surnomma le divin marquis. Il a eu l'astucieuse idée de mettre face à lui un comédien à sa taille. L'interprétation de Pierre-Yves Cardinal est d'une telle intensité qu'elle rappelle cet autre abbé qui se croit confronté au diable décrit par Georges Bernanos dans Sous le soleil de Satan. On connaît le goût de Lepage pour les prouesses technologiques. Il a cette fois conçu des jeux de miroirs dont la fréquence ne semble pas utile. C'est la seule réserve qu'inspire la représentation. Jusqu'au 18 février La Colline Théâtre National tél 01 44 62 52 52
jeudi 8 février 2018
Le jeu de l'amour et du hasard de Marivaux
Catherine Hiegel est une comédienne d'un talent insolent on peut même dire fou. Ses mises en scènes sont, elles, au contraire diablement conventionnelles. Si visité par elle Le jeu de l'amour et du hasard n'apparaît que comme une demie réussite c'est que seuls les rôles féminins sont défendus à la perfection. Clotilde Hesme campe avec superbe une jeune aristocrate que les rapports protocolaires auxquels elle est habituée n'ont pas préparés à affronter les dangers de l'amour. Laure Calamy se glisse, quant à elle, avec une adorable pétulance dans la peau d'une soubrette qui joue les grandes dames. Hormis le toujours excellent Alain Pralon qui incarne un père étonnement aimant, il en va tout autrement des personnages masculins. Si Nicolas Maury d'ordinaire si savoureux doit se coltiner une partition qui n'est pas de son ressort, Vincent Dedienne est, lui, dans son élément. Le problème est que trop habitué à faire le pitre, il en rajoute souvent une louche. Ce qui est d'autant plus regrettable qu'il est visiblement doué à l'extrême. Ce spectacle qui repose essentiellement sur le jeu des comédiens reçoit des professionnels comme du public un accueil enthousiaste. Auquel, comme on peut le constater, je ne souscrit pas pas totalement Theâtre de la Porte Saint-Martin tél 01 42 08 00 32
dimanche 4 février 2018
J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce
Comme dans "Juste la fin du monde" et "Le pays lointain" Jean-Luc Lagarce décrit dans "J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne" le retour dans la maison familiale du fils qui depuis longtemps s'en était allé. Seules des femmes y vivent ou plutôt y végètent. Alors que le fils a rejoint sa chambre sa mère, sa grand-mère et ses trois soeurs parlent de lui. Leurs récits sont discordants. Ce qui apparaît avec force est qu'elles ont toutes avec cet homme ou ce fantôme des liens inaltérables. Plus que dans les autres pièces de Lagarce la réalité ici ne tient qu'à un fil. La metteuse en scène Chloé Dabert a créé un climat à la fois réaliste et irréel. Qui est celui dans lequel sont plongés les êtres endeuillés. Les femmes, qui ont du fils, petit-fils ou frère une perception différente, sont interprétées par des comédiennes dont le métier ou la grâce juvénile font merveille. Cécile Brune, Clotilde de Bayser, Suliane Brahim, Jennifer Decker et Rebecca Marder forment un quintet de très haut vol. Pour ce qui est des trois jeunes soeurs Tchekhov n'est évidement pas loin. Lagarce a forcément songé à elles lorsque celles nées sous la sienne de plume disent vouloir enfin commencer à vivre. Comme il le fait depuis qu'il est administrateur du Français, Eric Ruf se plaît à repérer des jeunes metteurs en scène d'une puissante singularité. Ce qui est le cas de Chloé Dabert mais aussi de la créatrice des lumières Kelig Le Bars et du compositeur Lucas Lelièvre. On ne peut que se réjouir que Lagarce se retrouve entre d'aussi bonnes mains. Jusqu'au 4 mars Vieux-Colombier tél 01 44 58 15 15
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