mercredi 28 mars 2018
La truite de Baptiste Amann
Un couple qui a pris sa retraite et s'est installé dans un village où il a ouvert une boulangerie bio reçoit, à l'occasion de l'anniversaire du père, ses trois filles et leurs conjoints. Le repas de famille est perturbé par l'une des filles qui refuse désormais de consommer de la viande. Elle a apporté - sans doute dans le but inavoué de contrarier sa mère,experte en préparation de la blanquette de veau - une truite. Ces retrouvailles sont évidement l'occasion de régler ou d'aggraver des différends. Alors que certains font montre d'une émotivité débordante d'autres apparaissent cuirassés. Le compagnon d'une des filles qui connaît des revers professionnels à la tchatche brillante ce qui lui permet de donner le change, un autre arrive à amadouer sa "belle mère" qui le considérait avec dédain. La pièce, qui dure trois heures lesquelles passent comme l'éclair, décrit l'ordinaire parfois gai, parfois triste des familles d'aujourd'hui. On ne peut que louer la mise en scène de Rémy Barché qui, en s'attachant essentiellement au jeu des acteurs, rend la pièce attachante. Pour ce qui est de ces interprètes il eu la main particulièrement heureuse. Entourant Christine Brücher, impayable en ménagère dévorée par les avanies domestiques pour na pas l'être par des tourments plus alarmants, Daniel Delabesse, Suzanne Aubert, Samuel Réhault, Thalia Otmanetelba et leurs partenaires incarnent avec justesse des personnes prétendument sans histoires. Jusqu'au 14 avril Théâtre Ouvert tél 01 42 55 55 50
vendredi 23 mars 2018
La ménagerie de verre de Tennessee Williams
Tenneessee Williams laissait entendre que sa pièce "La ménagerie de verre", écrite à ses presque débuts, portait des traces personnelles explicites. Il ne fait donc pas de doute que Tom, qui se tient à l'avant scène et sera à la fois le narrateur et l'un des personnages du drame familial auquel on va assister, est le double de l'écrivain. Il partage un lugubre logement avec Amanda,sa mère, qui ne cesse d'évoquer sa jeunesse dorée, entourée de riches prétendants et Laura sa soeur, que sa claudication rend inapte à toute vie sociale. La jeune fille ne vit en bonne compagnie qu'avec les minuscules animaux en verre qu'elle confectionne. Tom qui gagne chichement sa vie en travaillant dans un entrepôt passe ses soirées dans des cinémas ou des bars. Lorsque sa mère l'exhorte à présenter un galant, comme elle dit, à sa soeur, il s'exécute. La présence du dénommé Jim met la mère en liesse. Laura, qui a autrefois entrevu ce garçon et en a été éprise, est nettement plus réservée. Son entrevue avec le collègue de son frère semble pourtant, au départ, se dérouler au mieux... Daniel Jeanneteau qui a choisi de mettre la pièce en scène et a demandé à Isabelle Frachon d'en écrire une nouvelle traduction, laquelle est une splendeur, n'a aucun goût pour le réalisme. Ce qui est heureux car cette oeuvre a été dictée par des souvenirs et l'on sait combien la mémoire est aléatoire. Les événements auxquels on assiste se déroulent derrière un rideau de tulle, ce qui accentue le sentiment qu'ils sont chimériques. Le spectacle a, en revanche, la vertu immense de faire ressentir combien il fut impossible à l'auteur, comme à chacun, de délaisser certains souvenirs. Jusqu'au 2 avril Théâtre de Genevilliers tél 01 41 32 26 26 Les 6 et 7 avril Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, les 12 et 13 avril Théâtre du Beauvaisis, Beauvais.
dimanche 18 mars 2018
Un mois à la campagne d'Ivan Tourgueniev.
Chez les Islaïev le temps stagne. Jusqu'à l'arrivée de Beliaev, un étudiant engagé pour l'été comme précepteur du jeune Kolia dont la présence va perturber Natalia Petrovna, la maîtresse de maison soudain moins friande de discussions avec Rakitine l'ami de la famille avec qui elle poursuit une relation complice mais apparemment inconsommée. La situation se tend lorsqu'elle en arrive à soupçonner qu'un lien s'est noué entre le nouveau venu dont la simplicité contraste avec les conventions mondaines de la bourgeoisie de province et Vera sa jeune pupille. Ce qui avive son sentiment d'insatisfaction. Contrairement à Tchekhov qui décrira quelques années plus tard des personnages rongés de nostalgie, Tourgueniev observe son petit monde sans céder à l'apitoiement. Ceux qui mènent une existence dorée ne tarderont pas à reprendre leurs habitudes. Les jeunes gens sans fortune paieront, en revanche, les pots cassés.La technique rigoureuse d'Alain Françon convient parfaitement à cet univers. Il a en outre eu l'heureuse idée de demander à Michel Vinaver, dont on connait la plume sans fioritures, d'assurer la traduction laquelle est admirable. Il a été tout aussi bien inspiré pour ce qui est du choix de ses interprètes. Avec son si singulier phrasé, Anouck Grinberg campe à merveille une femme qui, habituée à être maîtresse du jeu, doit y renoncer. Face à elle Micha Lescot incarne avec un indéniable panache l'ami qui se sent de trop. Nicolas Avinée et India Haïr sont quant à eux, impressionnants de fraîcheur et de talent. On savait à quel point Philippe Fretun sait se montrer savoureux, il en arrive ici à se surpasser. Quant à Catherine Ferran la justesse de son jeu une fois de plus impressionne. Il s'agit, on le voit, d'une indicutable réussite. Juqu'au 28 avril Théâtre Dejazet. Tél 01 48 87 52 55
lundi 12 mars 2018
1 heure 23'14'' et 7 centièmes Un spectacle de Jacques Gamblin
On sait Jacques Gamblin prodigue en talents. S'il est un comédien à l'aise dans les registres les plus variés, il explore aussi lorsqu'il se fait auteur de théâtre des terres en friches où nul autre que lui ne pourrait s'aventurer. On ne saurait donc être étonné qu'il ait éprouvé une fois de plus le besoin de se renouveler. Il s'est, cette fois, glissé dans la peau et la tenue d'un entraîneur sportif.Au départ son poulain accorde ses pas sur les siens. Il reçoit ensuite des instructions qu'il suit incontinent. Mais dont son coach n'est pas toujours satisfait. Son cours il le dispense autant sinon plus par des gestes que par des mots. Jacques Gamblin qui instiller volontiers une pincée d'humour dans ses ses spectacles fait ici fréquemment preuve d'un sens très sûr du burlesque. Il ne fait pas de doutes que son appétence pour le sport soit forte. Bastien Lefèvre, l'élève est un gymnaste et danseur accompli. Lorsqu'il finit par s'émanciper de son "maître" il réussit des prodiges. Il est poignant qu'à une époque en mal de transmission comme la nôtre Jacques Gamblin ait eu à coeur de monter un spectacle où il interprète un personnage qui passe la main. Pas surprenant que la représentation qui se déroule devant un public aux anges soit d'une intensité qui va grandissante. Jusqu'au 25 févier Thèâtre du Rond-Point tél 01 44 95 98 21
samedi 10 mars 2018
The prisonner Texte et mise en scène Peter Brook et Marie-Hélène Estienne
Peter Brook se plaît à entrainer les spectateurs du côté de l'indicible. Il a, cette fois, imaginé une fable dont le personnage central est un homme assis devant une prison située dans un désert. On apprend qu'il s'agit d'un criminel qui purge sa peine en restant indéfiniment sur ce lieu. Quand l'occasion de le quitter se présente il la refuse. Son oncle, un sage qui joue auprès de sa soeur et de lui un rôle prééminent, l'a mené dans ce paysage aride dont il ne pourra s'éloigner que s'il éprouve le sentiment que son esprit s'est purifié.Un villageois, qui parfois vient s'entretenir avec lui et est chargé de couper les têtes des détenus condamnés à la peine capitale, restera, lui, dans la prison même quand celle-ci ne sera plus que ruines. C'est que l'empreinte du mal qu'il a commis est indélébile. A l'exemple des spectacles qu'il met en scène depuis quelques années, celui-ci est une épure. Quelques branches en fait de décor et d'attachants interprètes venus d'horizon lointains et le joli tour est joué. Jusqu'au 24 mars Théâtre des Bouffes du Nord. tél 01 46 07 34 50
lundi 5 mars 2018
Fore! de Aleshea Harris
C'est une fois encore un spectacle d'une forme inédite que met en scène Arnaud Meunier. Le texte est d'Aleshea Harris,une jeune auteure américaine dont l'univers est autant marqué par les films de David Lynch ou de Quentin Tarantino que par les séries qui défilent triomphalement sur les écrans et des musiques dont le rythme éperdu grise les sens. Les acteurs issus les uns de l'Ecole de la Comédie de Saint Etienne, les autres du California Institute of the art de Los Angeles ont tous moins de 25 ans et jouent en anglais (le spectacle est évidement surtitré en français) Ils sont au départ répartis sur deux niveaux. En bas se retrouvent autour d'une table les membres de la prospère famille des Atrides. Agamemnon, le père, est un homme confit de certitudes qui se targue d'avoir assassiné des centaines de sauvages, Clytemnnestre, sa femme paraît être une épouse et une mère soucieuse d'apaiser les tensions, Oreste le fils adolescent, est au régime végane et joue du violoncelle. Il introduit dans sa famille Jackie, une jeune femme qui va venger les siens. Retranchés à l'étage, les Halburton, actuels dirigeants du pays n'en mènent pas large. Affamé le peuple s'est soulevé et les menace. Depuis que sa femme aux idées progressistes qui était à la tête de l'Etat a reçu une balle dans la nuque et vit, privée de paroles, dans une chaise roulante, Edward son mari, lui a, sans enthousiasme, succédé. Il est nouvelles de son pilote de fils parti à la guerre. Anna, sa fille n'a de passion que pour les armes à feu. Il y a donc pour tous de quoi s'inquiéter. La pièce joue avec les mythes fondateurs pour faire entendre combien la réalité est mouvante. Le spectacle ne se destine pas à produire du sens mais au contraire à le troubler. Il apparaît de ce fait - en évoquant des populations toujours davantage appauvries, des tirs à bout portant sur des êtres dont on ne partage pas les opinions ou les croyances et les massacres perpétrés par des possesseurs de flingues - furieusement en prise avec un temps où la carte du pire n'arrête de s'étendre. Une production qui, tant par l'audace de son propos et de sa mise en scène que par le jeu d'une grande sureté de ses très jeunes comédiens, doit à tous prix être découverte. Jusqu'au 10 mars Théâtre de la Ville - Les abbesses tél 01 42 74 22 77, les 14 et 15 mars Théâtre National de Nice
jeudi 1 mars 2018
Bovary. Texte et mise en scène Tiago Rodrigues
Une nuée de pages blanches balancées par les comédiens recouvrent le plateau. Le procès de Gustave Flaubert jugé pour outrage à la morale publique et religieuse ainsi qu'aux bonnes moeurs peut commencer. Assailli par les accusations de l'avocat impérial, l'écrivain les tourne en dérision. Pour prouver leur justesse l'homme de loi lit des extraits du roman. Et l'on passe constamment de l'enceinte du tribunal au coeur d'une oeuvre passée à la postérité. La trame est connue dont le metteur en scène portugais Tiago Rodrigues s'empare à son audacieuse façon. Mariée à un médecin de campagne à la triste figure Emme Bovary se languit. Une fête où sa beauté fait tourner les têtes enflamme son imagination. Dès lors elle ne rêve plus que de rencontres incandescentes. Mais aucun des deux hommes auxquels elle se donne ne se montre à la hauteur de ses espoirs. Enferrée dans ses échecs elle sombre dans la dépression. Tiago Rodrigues ne craint pas d'assaisonner la langue de Flaubert de savoureuses expressions de son crû. Son talent à peaufiner des scènes d'un romantisme échevelé (on songe au cinéma de Manuel de Oliveira) fait le reste. On ne saurait oublier ces scènes où abandonnant toute retenue défenseurs comme adversaires d'Emma Bovary l'embrassent à pleine bouche et en ayant goûté la saveur y reviennent. Flaubert, on le sait, sorti blanchi de ses ennuis judiciaires. Il était, à la création du spectacle il y a prés de deux ans, des jeunes spectateurs qui à la sortie de la représentation se montrèrent d'un esprit nettement moins ouvert. Ils disaient trouvé inexcusable le comportement d'Emma... Jusqu'au 6 mars Bastille tél 01 43 57 42 14
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