lundi 30 janvier 2012

Le système de Ponzi

En cette période de blitz financier, le dramaturge et metteur en scène David Lescot a eu mille fois raisons de rappeler que Madoff ne fut pas le premier à plumer d'innombrables gogos à qui il avait certifié que grâce à ses bons offices ils se retrouveraient sous peu à la tête d'une fortune. Ponzi était un italien immigré en cette terre promise qu'apparaissait les Etats Unis au début du XXe siècle. Son insatiable appétit de puissance et sa capacité de fabulation lui donna la témérité d'utiliser sa tchatche et ses rudiment de connaissances bancaires. Ce qui fit tomber un nombre impressionnant de petits et grands actionnaires dans le piège puis dans la dèche.

L'auteur, metteur en scène a monté la préparation et l'échec de cette magouille à grande échelle en intégrant la musique à la représentation. Ce qui a pour effet que l'on n'a le pressentiment d'une catastrophe que lorsque des inspecteurs des finances prennent conscience que le sympathique aventurier abusait de la crédulité de ses compatriotes et qu'en parfait escroc il déshabillait Pierre pour habiller Paul.

Ponzi sera enfourgonné et finira dans une misère semblable à celle où il avait précipité ceux qui lui avaient accordés leur confiance. Si le spectacle apparaît un peu long (péché mignon de David Lescot), il est surtout d'un punch qui doit beaucoup aux comédiens qu'ils choisit toujours avec discernement. On remarquera cette fois surtout au milieu d'un casting rutilant ces actrices à l'exceptionnelle puissance d'incarnation qui ont pour nom Elisabeth Mazev, Odja Llorca et Céline Millot-Baumgartner.

Jusqu'au 10 février Théâtre de la Ville (aux Abbssses) tel 01 42 74 22 77

jeudi 26 janvier 2012

Simpatico de Sam Shepard

Ecrivain, réalisateur, scénariste et acteur, Sam Shepard a été dans les années 70 une des figures de pointe de la scène et du grand écran américains. S'il continue à décrire les destins de personnages à la ramasse, ses pièces sont dans les temps normalisés que nous vivons à l'évidence moins fréquemment à l'affiche.On ne peut donc que se féliciter qu'un metteur en scène tel que Didier Long, devenu une coqueluche du théâtre privé, ait l'audace de monter l'un de ses écrits.

Le spectacle s'ouvre sur les retrouvailles sans joie de deux hommes éprouvés par les années qui ont vécus aux extrêmes marges de la société. D'embrouilles, arnaques aux courses hippiques et combines moins reluisantes encore. L'un semble prospère, l'autre dans la mouise. Il apparaît vite que celui qui a l'allure d'un Jean-foutre et vit dans un taudis a les moyens de faire chanter son ancien complice. Pour se sortir des griffes du passé il leur faut retrouver une femme et un homme qui furent mêlés à leurs magouilles.Mais ceux -ci n'ont qu'une envie modérée qu'on régénère leur mémoire.

Disons le d'emblée : comédiens fabuleux, Vincent Winterhalter et Jean-Claude Dauphin, trop longtemps absent des plateaux de théâtre, emportent le morceau. Bien qu'elle n'ait qu'un rôle de dix minutes à défendre, Claire Nebout arrive à laisser entrevoir qu'elle est faite pour jouer les personnages en équilibre instable

Si la fin semble un peu incertaine c'est que plutôt que d'écrire des trames policières, Sam Shepard préfère surprendre ses personnages à des moments clés de leur vie faite d'embrouilles. Lesquelles laissent immanquablement des traces indélébiles.

Théâtre Marigny tel 08 92 22 23 33

mercredi 25 janvier 2012

Les femmes savantes de Molière

Comme l'était Orgon dans Tartuffe, Philaminte (Jany Gastaldi comme toujours irréprochable) est dupe de l'humilité affectée de Trissotin, un auteur de vers de mirliton doté d'une foi aveugle en lui-même.L'imposteur a un tel ascendant sur sa protectrice et les autres dames de la famille qu'il a fait germer dans leur tête l'idée pour le moins saugrenue de fonder une académie des lettres de laquelle seraient bannis les mot qui mettent leur sensibilité à trop rude épreuve.

Mariée à Chrysale (Daniel Martin parfait en époux soumis qui s'imagine cuirassé de courage), Philaminte gouverne la maison. Elle a décidé sans en informer le timoré maître de céans de faire convoler Henriette, sa cadette, avec celui qu'elle considère comme le dépositaire d'un savoir considérable. Mais la jeune fille ne l'entend pas de cette oreille. Peu attirée par les preux de l'esprit, elle veut lier son destin à celui de Clitandre (Mathieu Marie qui joue on ne peut mieux les amoureux sur lesquels des fâcheux s'acharnent). Ah! cette scène hilarante où les deux prétendants de la jeune personne à marier s'invectivent avec des mots choisis.Clitandre apparaît comme une sorte de double de Molière (Les femmes savantes est son avant-dernière pièce)qui à la fin de son parcours se sentait mal en cour car peu apprécié de l'entourage de Louis XIV.

Charmant, le spectacle l'est aussi grâce au talent de Claire Risterucci, la costumière. Voir les femmes savantes, toutes vêtues de robes de couleur différentes, apeurées par le conflit qui oppose Trissotin à celui qu'il considérait jusqu'alors comme le plus savant de ses contemporains, se réfugier dans un coin de la scène est un moment mémorable.Comparable à un envol d'oiseaux. De celui où l'on reconnait qu'un metteur en scène, ici Marc Paquien, a du talent qui n'attend qu'à se déployer.


Jusqu'au 19 février La Tempête tel 01 43 28 36 36

samedi 21 janvier 2012

La Trilogie de la villégiature de Carlo Goldoni

Le coeur plein d'allant le jeune Leonardo et sa soeur la gazouillante Vittoria tout comme Pippo, homme entre deux âges, et sa fille Giacinta s'apprètent à partir en villégiature. Dans les maisons de ces deux hommes pourtant aux abois financiers règne un climat d'effervescence . C'est que ces demoiselles, afin que la réputation de leur famille respective ne soit pas flétrie, veulent être du dernier chic vestimentaires. S'ajoutent à ces émois bien compréhensibles le fait non négligeable que Leonardo s'est follement épris de la fille de son voisin et ami.Ce qui tombe à merveille puisque Giacinta ne cache pas à Brigida, sa servante et confidente d'une impertinente intelligence, les doux sentiments que lui inspire celui qui se considère déjà comme son promis.

Mais la vie à la campagne se révèle riche d'imprévus. Des passions naissent, des quiproquos aussi. Les virages au noir sont nombreux. Le ridicule parfois l'emporte.
A la fantaisie enivrée du début succède des épisodes où les membres de ce petit monde paye ses inconséquences au prix fort. Le dernier acte est implacables où les uns prennent conscience qu'ils couraient joyeusement à la ruine, les autres que l'amour est indissociable de la détresse, tous que leur destin est consommé.


Des quelque 130 pièces qu'a écrit Carlo Goldoni (1707-1793) celle-ci est sans aucun doute l'une des plus fécondes. Celle aussi où il pointe avec le plus d'acuité les travers d'une bourgeoisie sur le point de jouir des privilèges réservés jusqu'alors aux aristocrates. Alain Fançon, responsable de la mise en scène en a tiré un spectacle qui réjouit le regard. Mené d'une main sûre les comédiens du Français Laurent Stocker, Georgia Scallet, Anne Kessler, Hervé Pierre, Elsa Lepoivre, Florence Viala, Daniele Lebrun, Adeline D'Hermy, Adrien Gamba-Gontard et Guillaume Galienne, qu'on découvre aussi talentueux dans le registre grave que dans celui du comique, donnent tous à leur personnage une grâce pétulante.

Jusqu'au 12 mars Théâtre Ephémère de la Comédie Française tel O8 25 10 16 80

samedi 14 janvier 2012

Cassé de Rémi De Vos

Depuis qu'elle a été licenciée, après de longs et loyaux services chez Codex, une usine d'électroménager, Christine se sent hors jeu, dévastée par l'ennui et ingurgite en quantité faramineuse des calmants que lui prescrit un médecin qu'elle ne laisse pas indifférent. Frédéric , son mari, n'est pas mieux loti qui, alors qu'il occupait un poste enviable, est aujourd'hui chargé de sortir les poubelles. Mais alors que le nom de la firme à laquelle elle a consacré ses forces et son temps racle la gorge de Christine, le peu de considération dans il est tenu par ses employeurs n'entame en rien l'humeur de son époux.

Si dans la première partie de la pièce Rémi De Vos dépeint un monde du travail qui, dominé par le discours productiviste, dégorge des humiliations et des violences responsables de vagues de suicides, la suite est nettement plus guillerette. Pour faire face à ces temps tourmentés, le couple imagine une rocambolesque arnaque à l'assurance. Pour que celle-ci réussisse il faut que le mari ait mis fin à ses jours. Le brave homme va, jusqu'à ce que le flouze arrive et que le couple puisse mener joyeuse vie dans les caraïbes, vivre reclus dans un placard.

Mais c'est sans compter avec les visites intempestives des parents de Christine, d'un jeune voisin gentiment branleur, d'une copine portée sur le cul, du médecin de plus en entreprenant et de Jean-Bernard, le pote syndicaliste qui dans un élan d'affection renforcé par l'alcool file le train à la "veuve"... Et Rémi De Vos de se montrer aussi amateur de coups de théâtre que Feydeau. Difficile de ne pas penser à la Comédie italienne de la grande époque qui avait pour maîtres Risi, Scola, Comencini et Monicelli qui savaient avec un bonheur jubilatoire rendre désopilantes des situations sociales sans issues

Le jeu d'une succulente maîtrise de Virginie Colemyn, Grégory Gadebois, Yveline Hamon (la mère abusive que semble connaître l'auteur sur le bout doigts...),Michel Robin, Philippe Hottier, Juliette Plumelock (stupéfiante en jeune allumé à binocles), Emeline Bayart et Dominique Parent ainsi que la mise en scène étincelante de fantaisie de Christophe Rauck font de ce spectacle un véritable délice. Sans doute est-ce la première fois qu'est monté dans notre douce Phrance un vaudeville en prise aussi directe avec la désespérance sociale.

Jusqu'au 12 février TGP-CDN de Saint-Denis tel 01 48 13 70 00