dimanche 30 octobre 2016
Avant de s'envoler de Florian Zeller
D'entrée de jeu on apprend qu'il y a eu un deuil. Face à une de ses filles qui tente de le convaincre de quitter la maison de campagne où il vivait avec sa femme un homme qui a atteint le grand âge se tait. Dans d'autres scènes ce sera la mère qui aura survécu à la disparition de son mari. Il est enfin des moments où les deux époux sont en vie. Florian Zeller entremêle des réminiscences du passé à ces instants où celui ou celle qui est resté en vie se montre inconsolable. Et ce ne sont pas les efforts où les manigances de leur deux filles qui peuvent les aider. D'autant apprend-on au fil de la représentation que les parents, s'ils appréciaient les visites de leurs enfants, ne se lamentaient pas quand elles déguerpissaient. Ce qui rend la pièce poignante est bien sûr qu'elle soit jouée - et avec quelle maestria! - par ces deux comédiens déjà entrés dans la légende du théâtre que sont Robert Hirsch et Isabelle Sadoyan. Interprètes à forte présence Anne Loiret et Léna Brébant incarnent avec finesse leurs dissemblables filles. Claire Nadeau fait, quant à elle, d'une ancienne relation qui surgit à l'improviste un personnage joliment improbable. La délicatesse de touche du metteur en scène Ladislas Chollat met en valeur l'écriture de Florian Zeller qui, bien qu'il ait bâclé quelques scènes, confirme son habileté à écrire des pièces au propos et à la construction audacieuses destinées à un large public. Oeuvre Tel 01 44 53 88 88.
samedi 15 octobre 2016
Mon fric de David Lescot mis en scène Cécile Backès
Né sous la plume de David Lescot, Moi le personnage central dont on suit le récit de la vie de 1972 à 2040, vit dans un monde sous l'emprise grandissante de l'argent. Les mises en scène de Cécile Backès regorgent, elles, non de moyens financiers mais de trouvailles. C'est une fois encore le cas ici où les quatre comédiens qui entourent l'acteur principal endossent une cinquantaine de rôles. Il en va de même pour le décor fait de menus objets qui jamais ne quittent le plateau mais sont constamment utilisés à des fins différentes. Le prodige est que ce théâtre artisanal nous en dit long sur un monde de plus en plus en mouvant où Moi (double fictionnel de beaucoup d'entre nous) peine à se maintenir à flot. Avec ses ellipses , accélérés et ralentis le style de David Lescot est à l'évidence influencé par l'écriture cinématographique. La mise en scène suit le mouvement. Elle s'attarde sur certains épisodes de la vie de Moi et passe à toute blinde sur d'autres. Les années défilent marquées par les résonances funestes de l'actualité. La pièce toutefois ne parle de Moi que par rapport à l'argent. Incapable de jouer des coudes il se trouve constamment laminé par la brutalité du système économique. Il fait, comme le dit l'auteur, partie de "la lumpen bourgeoisie". Convaincu d'être poursuivi par la guigne, il ira voir un psychanalyste. Ce qui nous vaut une scène aussi réjouissante qu'aux antipodes des clichés. Alors qu'il peine à nouer les deux bouts sa fille trouve le filon pour se faire des thunes. Les lignages ont de ces mystères... Moi ne vit pas qu'en compagnie de ses compagnes successives ou de son frère avec lequel les relations s'étaient espacés mais se sont renouées après la mort de leurs parents. Il est aussi entouré de personnages nés de son imagination ou plutôt de ses rêves d'autres vies qu'il aurait pu mener. Epaulée par la chorégraphe Marie-Laure Caradec, Cécile Backès fait preuve d'autant de sureté que d'audace dans la direction de ses cinq jeunes comédiens. Tous plus que prometteurs. Création jusqu'au 14 Comédie de Béthune CDN Nord-Pas DE CALAIS -PICARDIE. Du 30 novembre au 2 décembre Théâtre National de Nice - DU 6 au 9 déc Théâtre Dijon Bourgogne - du 11 au 13 janvier Comédie de Saint - Etienne - du 2 au 4 mars La CRIEE - THEATRE National Marseille - du 22 au 24 mars THEATRE DE Sartrouville et des Yvelynes -CDN - du 28 mars au 1er avril reprise au à la Comédie de Béthune.
samedi 8 octobre 2016
Vania d'après Oncle Vania de Tchekhov.
Récent administrateur de la Comédie-Française, Eric Ruf fait fréquemment confiance à de jeunes metteurs en scène. Ce qui est le cas de Julie Deliquet qui a, avec tact, élagué la pièce de Tchekhov, lui a ôté les aspects qui appartiennent à la vieille Russie. Le climat tendu qui règne parmi les habitants de la propriété campagnarde reflète du coup la folie ordinaire des familles. Pas étonnant donc que les personnages s'étreignent, s'écharpent, se sentent rejetés. On est d'autant plus sensibles à leur difficulté d'être qu'un dispositif bifrontal nous les rend particulièrement proches. Les spectateurs sont donc tout du long suspendus à leurs gestes et paroles. Si Vania, qui depuis des lustres s'occupe avec Sophia, sa nièce, du domaine, a le plus grand mal à supporter Alexandre, le mari de sa défunte soeur, un professeur à la retraite perclus de vanité, c'est que le bonhomme s'est remarié avec Elena, une femme dont le charme, la lucidité et l'indolence l'ont rendus fou d'amour. Alors que Vania perd la tête, sa nièce, toute aussi mal lotie, s'est éprise d'Astrov le jeune médecin de la région qui n'a, lui, d'yeux que pour Elena. Les personnages de Tchekhov sont tous des coeurs irrémédiablement solitaires. Ils ont les traits de Laurent Stocker, Florence Viala, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Anna Cervinka tous à leur meilleur. Comme le sont également dans des rôles de plus petite envergure Dominique Blanc et Noam Morgensztern. La traduction de Tonia Galievsky et de Bruno Sermonne aussi riche de trouvailles langagières que fidèle à l'esprit de l'auteur contribue enfin largement a donné à ce Vania une troublante puissance émotionnelle. Jusqu'au 6 Novembre Vieux-Colombier tél 01 44 39 87 OO/01
mercredi 5 octobre 2016
Politiquement correct. Ecrit et mis en scène par Salomé Lelouch
Salomé Lelouch a réussi avec sa troisième pièce la gageure de pondre une comédie sentimentale en se jouant des clichés. Mado, la jeune prof d'histoire qui un soir d'élection présidentielle croit rencontrer le grand amour, fait en réalité la rencontre d'un homme qui n'est pas, mais alors pas du tout, son genre. Sympathisante d'un parti socialiste qu'elle sait dévitalisé, elle reste (comme le disait autrefois, au cours d'un entretien avec un journaliste, Carla Bruni Tedeschi...) viscéralement de gauche. Son bel inconnu prénommé Alexandre est, lui, comme elle l'apprendra, d'extrême droite. Son meilleur ami le croit même promis à un avenir d'exception au Front National qui risque de sortir victorieux de son affrontement avec la gauche. Si Alexandre semble d'un tempérament pondéré, son comparse ne cache pas ses obsessions identitaires. Sonnée par la découverte qu'elle fait des opinions de celui qui est devenu son amant, Mado laisse le plus souvent la parole à sa copine Andréa. Laquelle a la verve mordante et des arguments de poids lesquels évidement ne convainquent en rien l'adversaire. Salomé Lelouch a le goût des formules qui cognent. Ce qui a pour effet qu'on rit beaucoup au cours d'une représentation où les dangers qui aujourd'hui menacent la démocratie sont pourtant constamment évoqués. Le mérite aux comédiens tous en grande forme. Si Thibault de Montalembert a mainte fois prouvé qu'il est capable de s'approprier les rôles les plus divers, on connaissait moins Rachel Arditi, Ludivine de Chastenet, Bertrand Combe et Arnaud Pfeifer au jeu plein de saveur.
La Pépinière théâtre tél 01 42 61 44 16
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