mardi 28 novembre 2017
Festen de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov
La carrière du cinéaste danois Thomas Vinterberg atteignit avec Festen son firmament. L'adaptation théâtrale qu'a tiré du scénario de ce film le metteur en scène Cyril Teste est d'une qualité équivalente. Un grand bourgeois fête ses soixante ans. Il a invité pour l'occasion des convives triés sur le volet. La présence d'un des fils, dont le comportement risque de gâcher la soirée, n'est pas souhaitée. Il arrivera toutefois à s'imposer. C'est Christian, un autre fils, qui va foutre le bordel en révélant que Linda, sa soeur jumelle qui a mis fin à ses jours et lui furent durant leur enfance fréquemment violés par le patriarche. Celui-ci encaisse le coup sans broncher. La fête continue jusqu'à ce que Christian revienne à la charge. Le père et son entourage évoquent alors l'instabilité mentale du jeune homme. L'atmosphère devient électrique. Plus que dans le film se font jour le racisme et le mépris de classe qui règnent dans cet univers capitonné. Les comédiens tous excellentissimes sont filmés tout du long par deux opérateurs. Les images ainsi saisies sont projetées sur un écran situé au dessus de la scène. Sur l'écran apparaît aussi - surtout - le fantôme de la soeur morte. Comme Hamlet aux yeux de qui se manifeste le spectre de son père qu'il n'a de cesse de venger Christian voit surgir l'image de sa jumelle dont il a dévoilé les causes de son incurable mal de vivre. Cyrille Teste avait démontré la saison dernière avec Nobody qu'il était un metteur en scène capable de rénover le langage théâtral. Il se montre ici, avec un spectacle toutefois moins surprenant, à la hauteur des espoirs qu'on plaçait en lui. Jusqu'au 21 décembre Odéon Ateliers Berthier 17e tél 01 44 85 40 40
vendredi 24 novembre 2017
Maîtres anciens de Thomas Bernhardt
Dans Maîtres anciens, l'avant dernier de ses romans Thomas Berhardt donne la parole à un critique musical, personnage évidement à sa ressemblance. Parvenu à un grand âge il n'hésite plus à y aller de tout son mépris pour les grands noms du patrimoine culturel germanique. Beethoven, Stifter, Mahler et bien d'autres en prennent pour leur grade. Ses paroles deviennent plus furibondes encore quand il évoque Heideger dont l'engagement national socialiste et une pensée qu'il prétend faite d'emprunts à des philosophes d'une envergure infiniment plus grande que la sienne le fait vomir. Il n'épargne pas davantage ses propres ascendants qui se vantaient d'avoir des liens familiaux avec des hommes illustres mais firent de son enfance un enfer. Il semble n'avoir d'estime que pour Schopenhauer dont il ne peut qu'apprécier le pessimisme radical. Comme l'écrivain, son double, le critique musical vient de perdre sa femme. Elle sut, on le comprend, le consoler de vivre dans un monde qui lui faisait horreur. Seul en scène, ce qui lui convient on ne peut mieux, Nicolas Bouchaud (que met en scène Eric Didry) apparaît, tant par sa manière de dire le texte (qu'il a à merveille adapté pour la scène avec son metteur en scène et Véronique Timsit)que par sa gestuelle, comme l'un des comédiens de théâtre les plus adroit et doué du moment. Si l'oeuvre de Thomas Bernhardt est d'une véhémente noirceur elle apparaît aussi, tant sont nombreuses ses outrances verbales, d'un comique achevé. On sort de ce fait de la représentation le sourire aux lèvres. Jusqu'au 22 Décembre Théâtre de la Bastille tél 01 43 57 42 14
dimanche 19 novembre 2017
Angels in America de Tony Kushner. Mise en scène Aurélie Van Den Daele
Lorsque à la fin des années 80 Tony Kushner écrivit Angels in America l'épidémie de sida était à son point culminant. Bien que la maladie puisse aujourd'hui être combattue de façon plus efficace (pour peu qu'on vive dans un pays riche...) la pièce est toujours d'actualité. Cela bien sûr car sa construction continue à nous bluffer mais aussi pour la sinistre raison que l'apparition de ce mal sexuellement transmissible favorisa un retour de l'ordre moral qui fait depuis des ravages. Un des personnages aurait vu d'un bon oeil que soient stigmatisés ceux qui s'aventurent en dehors des clous. Il s'agit de l'avocat new yorkais Roy M.Cohn qui a bel et bien exister et fut l'éminence grise du sénateur républicain Mac Carthy. Son acharnement contre les Rosenberg, accusés d'être des agents de l'Union Soviétique, contribua à les mener à la chaise électrique. Il combattit avec la même virulence les mouvements gays pour les droits civiques. Bien que victime à son tour du sida il nia jusqu'à la fin être homosexuel. Antoine Caubet incarne de saisissante façon cet homme au contentement de soi hypertrophié et au caractère atrabilaire. Le fantôme d'Ethel Rosenberg assiste en jubilant à ses derniers et douloureux moments. La pièce est tout du long semée d'embardées oniriques. Certaines auraient gagnées à être raccourcies, comme celles qui bousillent le sommeil de Harper(Emilie Cazenave), la femme de Joe (Pascal Neyron), un garçon bien sous tous rapports mais que les femmes laissent indifférent. Parmi cette galerie de personnages dont la vie est saccagée par l'irruption de ce qu'on appelait le cancer gay, Belize (Sdney Ali Mehelleb), un infirmier noir et homosexuel, rappelle,lui, par sa superbe extravagance, les débordements du monde de la nuit. Lorsque se font entendre des chansons de David Bowie c'est, enfin,le meilleur de ces meurtrières années 80 qui se rappelle à notre souvenir. Jusqu'au 10 décembre Théâtre de l'Aquarium tél 01 43 74 99 61
jeudi 16 novembre 2017
Les trois soeurs d'après Tchekhov
On s'en doutait depuis la découverte de sa Médée et de quelques autres spectacles marquants : l'australien Simon Stone fait partie du minuscule contingent des surdoués de la scène. Il porte cette fois son choix sur l'une des pièces majeures de Tchekhov. Mais il n'en garde que la structure. Les dialogues sont, eux, réécrits en langage contemporain parfois d'une extrême crudité. Les relations qu'entretiennent les personnages se sont, elles aussi, transformées. Il ne s'agit plus pour Olga, Macha et Irina, les trois soeurs de rêver de Moscou où elles ont grandies. Comme tant de jeunes adultes pas trop fauchés d'aujourd'hui, elles ne savent pas trop où elles vont vivre leur vie. Pour l'heure elles se retrouvent avec leur frère André et quelques proches dans la maison de vacances familiales où, depuis la mort de leur père cinq ans plus tôt, elles ne s'étaient plus rendues. Si elles évoquent le bel autrefois c'est que les temps leur semblent être devenus rudes. Même si tous les espoirs ne leur apparaissent pas perdus. Ainsi Macha, la cadette mariée à un homme qui la vénère, s'est-elle éprise d'un voisin dont la femme semble atteinte de troubles psychiques. La passion qui les embrase leur fait envisager d'aller s'établir à Brooklyn. André, que guette la dépendance au jeu et aux drogues, s'est amouraché de Natacha, une jeune fille extravertie que ses soeurs ne peuvent souffrir. Ce personnage apparaît d'ordinaire, tout bonnement odieux. Alors que dans la pièce originale elle chasse une vieille servante devenue inutile, elle prend ici elle même les jambes à son cou quand, devenue mère de deux enfants, elle se rend compte que l'homme camé jusqu'aux yeux qu'elle a épousé ne pourra jamais lui assurer une existence confortable. Une des nombreuses qualités de Simon Stone est qu'il fait entendre ce qui agite en profondeur chacun des protagonistes. Victor, dont les provocations tous azimuts insupportent l'entourage, voue en fait à celui qui doit épouser Irina, une amitié éperdue. En guise de décor le metteur en scène et la scénographe Lizzie Clachan ont imaginé une maison tournante qui permet de voir chacun sous des angles différents et de saisir des conversations ou des confidences parfois amusantes d'autrefois déchirantes. Si le spectacle porte si haut l'exigence artistique c'est que les acteurs y sont, comme rarement, valorisés. Ils sont onze (Jean-Baptiste Anoumon, Assaad Bouab, Eric Caravaca, Amira Casar, Servane Ducorps, Eloïse Mignon, Laurent Papot, Frédéric Pierrot, Céline Sallette, Assane Timbo, Thibault Vinçon) dont la cohésion semble être celle d'une troupe alors que pour la plupart ils ne se connaissent que depuis peu. Jusqu'au 22 décembre Odéon 6e Tél 01 44 85 40 40
vendredi 10 novembre 2017
Bella figura Texte et mise en scène Yasmina Reza
Yasmina Reza a l'art de sonder notre époque en réunissant quelques personnages que les circonstances ont ravi à leurs habitudes. Un couple d'amants (Boris, un homme d'affaire et Andréa, préparatrice en pharmacie) se querellent sur la parking d'un restaurant. Surgit un autre couple, celui là légitime, accompagné de la mère - dont c'est l'anniversaire - du mari. De vagues liens unissent les nouveaux venus à Boris. Après les salamalecs d'usage les rapports se tendent. Boris est aux abois. Son entreprise, peu respectueuse de la législation, périclite. Andréa qui semble par instants s'être dépris de lui se comporte avec un naturel qui l'embarrasse. Seule Yvonne, la vieille dame, a l'imprévisible Andréa à la bonne. La présence déphasée comme les propos décalés de cette femme dont l'âge est un mystère donnent à cette improbable rencontre un climat doux dingue. Comme son écriture, la mise en scène de Yasmina Reza est d'une remarquable précision. Le spectacle est porté par des comédiens au métier éprouvé. Emmanuelle Devos montre une fois de plus l'étendue de son registre. Face à elle LOuis-Do De Lencquesaing est on ne peut plus convaincant en chef d'entreprise qui ne sait comment se sauver de la débine. Josiane Stoleru campe, pour sa part, avec un rare bonheur une vieille femme dont à la mémoire se dézingue. Un spectacle qui réunit tous les ingrédients pour faire un succès. Jusqu'au 31 décembre Théâtre du Rond-Point tél 01 44 95 98 21
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