dimanche 28 septembre 2014
Les égarés du Chaco d'après Adolfo Costa del Rels
Ecrivain et homme politique bolivien, Adolfo Costa del Reis (1891-1980) dépeignit à travers quelques récits les épreuves que traversa son peuple. Epreuves dont il fut le témoin. L'une d'elles fut la guerre sans merci qui, manigancée par des puissances coloniales, opposèrent (de 1932 à 1935) son pays au Paraguay.
Egarés sans boussole dans le Chaco, région désertique où steppes et forêts se côtoient, cinq soldats tentent de trouver une lagune qui leur permettrait de se désaltérer.L'un est pris d'une flambée délirante.un autre s'en remet au ciel, un troisième montre très vite le peu de cas qu'il fait du sort de ses compagnons.
Comme dans nombre de romans sud américains le merveilleux souvent affleure. L'un des hommes semble être l'objet d'un charme maléfique qui prend la forme d'une femme aux apparitions fugaces. Caressante autant que molestante, elle ressurgit constamment des ténèbres.Ceux-ci semblent aussi habités par des fauves et des esprits malins dont certains croient voir les yeux qui scintillent.
Seul s'en sortira celui qui trouve le moyen au cours de cette traversée de l'enfer de modeler une oeuvre. L'allégorie peut sembler un peu naïve. La riche traduction d'Arlette Namiand et le jeu tout en ardeur des comédiens de l'Ecole Nationale de Théâtre de Bolivie dirigés avec doigté par Jean-Paul Wenzel permettent d'en être moins agacé qu'ému.
Jusqu'au 19 octobre Théâtre de l'Epée de Bois tel 01 48 08 39 74
vendredi 26 septembre 2014
Yerma de Federico Garcia Lorca
Mariés depuis peu, Yerma et Jean - jeune éleveur accaparé par les soins qu'exige la terre et le troupeau - semblent promis à mener une vie sans aspérités. Les années passent sans que s'annonce une naissance. Ce qui suscite dans le monde paysan des commentaires peu amènes. La jeune femme sent grandir en elle une insondable tristesse. Une villageoise plus âgée au parler sans détours lui permet de saisir qu'elle n'a jamais éprouvé le sentiment que son corps s'émerveille. Confrontée à l'absence de désir de son mari, elle sent son être irrévocablement à l'abandon.
Daniel San Pedro, dont c'est la première mise en scène, s'est bien gardé de situer la pièce de Garcia Lorca dans une Espagne étouffée par les traditions. Avec ses femmes et ses hommes prisonniers, comme on l'est plus que jamais, des préjugés de leur milieu, le cadre dans lequel il la place ne nous est en rien étranger. Et l'on découvre que le théâtre du poète assassiné par les franquistes, que nous avons tant aimé mais que l'on pensait périmé, nous fait toujours vibrer. Le public ne s'y trompe pas que l'on devine, tout au long de la représentation, en alerte.
Des comédiens d'une belle fraîcheur, une scénographie aussi élégante que finaude (des panneaux circulaires nous font passer d'une cour de ferme à des lieux de pratiques occultes) et une adaptation signée par le metteur en scène qui nous rend proche le verbe luxuriant de Garcia Lorca explique aisément le succès que rencontre le spectacle.
Jusqu'au 5 octobre Théâtre 13/Seine Tel 01 45 88 62 22
mardi 16 septembre 2014
Cet enfant de Joël Pommerat
Dans ce spectacle qu'il créa en 2003 et qu'il remet fréquemment sur le métier, Joël Pommerat arpente avec acharnement le terrain poisseux des relations familiales. Ce lieu du crime. En une succession de saynètes implacables, l'auteur-metteur en scène surprend des enfants ou un parent qui essuie des paroles mortifiantes. Afin qu'il reste à ses côtés une mère aux nerfs en déroute emploie les moyens les plus indignes pour empêcher son fils d'aller en classe. Un adulte balance ses quatre vérités à son paternel dont il a dû pour la énième fois écouter les conseils exténuants.
Ces parents d'une exigence intraitable - qui déversent leur mal être sur des enfants assujettis devenus parfois des hommes ou des femmes qui tentent de reconstruire une identité malmenée - sont interprétés par des comédiens dont l'âge n'a aucun lien avec le rôle qu'ils affrontent. Chacun campe au cours d'une séquence un môme, au cours d'une autre un géniteur. Les noirs qui, comme habituellement chez Pommerat, hachurent le spectacle rendent ces changements de peau particulièrement aisés.
La représentation se clôt avec la comptine d'Henri Salvador "Une chanson douce que me chantait ma maman...". La preuve peut être que le maître d'oeuvre a remporté le combat contre la dépression.
Jusqu'au 27 septembre Théâtre des Bouffes du Nord tel 01 46 07 34 50
Ces parents d'une exigence intraitable - qui déversent leur mal être sur des enfants assujettis devenus parfois des hommes ou des femmes qui tentent de reconstruire une identité malmenée - sont interprétés par des comédiens dont l'âge n'a aucun lien avec le rôle qu'ils affrontent. Chacun campe au cours d'une séquence un môme, au cours d'une autre un géniteur. Les noirs qui, comme habituellement chez Pommerat, hachurent le spectacle rendent ces changements de peau particulièrement aisés.
La représentation se clôt avec la comptine d'Henri Salvador "Une chanson douce que me chantait ma maman...". La preuve peut être que le maître d'oeuvre a remporté le combat contre la dépression.
Jusqu'au 27 septembre Théâtre des Bouffes du Nord tel 01 46 07 34 50
vendredi 12 septembre 2014
Le capital et son singe à partir du texte le Capital de Karl Marx
Deux gradins de spectateurs se font face. Le plateau est occupé par une longue table autour de laquelle des hommes, dont certains aux noms restés fameux (Auguste Blanqui, Freud, Lacan, Brecht...) vont débattre et parfois s'empoigner. L'essentiel de la représentation se situe en mai 1848 qui marqua la fin de la royauté et suscita entre les insurgés des brouilles inexpiables. Certains d'entre eux se montrèrent sans concessions, d'autres furent très vite tentés par l'affairisme.
Sylvain Creuzevault qui assure la mise en scène parsemée d'improvisations (qui donnent parfois le sentiment d'avoir été trop vite expédiées) aime visiblement rentrer dans le vif de l'Histoire mais ne s'y attarde pas. Le spectacle ricoche d'une période à l'autre. Et le spectateur de se retrouver soudain confronté à la révolution spartakiste qui se conclut par les assassinats de ses "meneurs" , Rosa Luxembourg et Liebknecht. Le point commun de cet écheveau de récits est que leurs lendemains furent immanquablement désenchantés.
Si on peut reprocher à Creuzevault d'exhiber trop volontiers son érudition, il faut aussi - surtout - lui reconnaître une extraordinaire maîtrise pour ce qui est de la direction d'acteurs. Il est des moments, tel une noce pleine de voltes faces, qui sont pure jubilation. Si l'aspect verbeux de cette production richement pourvue exaspère, son abord bande dessinée politique met en joie. Est-il besoin d'ajouter que les climats sociaux au bord de l'embrasement qu'il décrit ressemblent à s'y méprendre à celui que nous traversons?
Dans le cadre du Festival d'Automne.
Jusqu'au 12octobre La Colline -théâtre national tel 01 44 62 52 52
Sylvain Creuzevault qui assure la mise en scène parsemée d'improvisations (qui donnent parfois le sentiment d'avoir été trop vite expédiées) aime visiblement rentrer dans le vif de l'Histoire mais ne s'y attarde pas. Le spectacle ricoche d'une période à l'autre. Et le spectateur de se retrouver soudain confronté à la révolution spartakiste qui se conclut par les assassinats de ses "meneurs" , Rosa Luxembourg et Liebknecht. Le point commun de cet écheveau de récits est que leurs lendemains furent immanquablement désenchantés.
Si on peut reprocher à Creuzevault d'exhiber trop volontiers son érudition, il faut aussi - surtout - lui reconnaître une extraordinaire maîtrise pour ce qui est de la direction d'acteurs. Il est des moments, tel une noce pleine de voltes faces, qui sont pure jubilation. Si l'aspect verbeux de cette production richement pourvue exaspère, son abord bande dessinée politique met en joie. Est-il besoin d'ajouter que les climats sociaux au bord de l'embrasement qu'il décrit ressemblent à s'y méprendre à celui que nous traversons?
Dans le cadre du Festival d'Automne.
Jusqu'au 12octobre La Colline -théâtre national tel 01 44 62 52 52
Inscription à :
Articles (Atom)