mercredi 14 décembre 2016
Le petit maître corrigé de Marivaux
Fin portraitiste, Marivaux, dépeint dans cette pièce la rencontre embarrassée de Rosimond, un jeune parisien fortuné et de Hortense, la fille d'un comte qui n'a connu d'autres horizon que la campagne où elle est née. Bien que l'auteur ait eu jusqu'alors de nombreux succès, la réception de cette pièce fut si tiède qu'elle ne sera jouée que deux fois. Il aura fallu attendre près de trois siècles pour qu'elle soit à nouveau représentée. La raison de ce rejet est vraisemblablement que les nobles qui la découvrirent n'appréciaient pas mais alors pas du tout le jour sous lequel ils étaient décrits. On ne peut que savoir gré à Clément Hervieu-Léger qui a pris l'initiative de la désenfouir et de la mettre - délicatement - en scène. Ce qu'elle méritait. Elevé dans un monde où l'on ne fait pas étalage de ses sentiments, Rosimond se montre à l'égard de la jeune fille qui lui est promise champion dans l'art de l'esquive. Vexée, celle-ci décide de le mettre à l'épreuve. Le jeune homme de son côté doit apaiser le goût très vif qu'une ancienne amante à pour lui. Heureusement, comme il est de coutume chez Marivaux, le valet de l'un et la servante de l'autre veillent au grain et agissent. Et Rosimond de se décidé à s'amender. Mené avec fougue ou retenue par Adeline d'Hermy, Florence Viala, Loïc Corbery, Christophe Montenez et leurs partenaires, le spectacle est de bout en bout d'une revigorante fraîcheur. Les magnifiques lumières de Bertrand Couderc et le décor insolite que signe Eric Ruf ajoutent évidement au plaisir que procure la représentation. Jusqu'au 24 avril Comédie Française-Salle Richelieu tél 01 44 58 15 75
dimanche 11 décembre 2016
Place des héros de Thomas Bernhardt. Mise en scène Krystian Lupa.
Quand le Théâtre national de Lituanie proposa à Krystian Lupa de venir travailler avec la troupe, le metteur en scène polonais porta son choix sur Place des héros la dernière et plus virulente pièce de Thomas Bernhardt, son auteur favori. L'écrivain, comme on le sait,a toujours été en délicatesse avec l'Autriche, son pays qu'il ne quitta pourtant jamais. Josef Schuster qui s'est jeté par la fenêtre et dont le fantôme est le personnage central de la pièce, était un intellectuel juif qui, avec femme et enfants, s'exila en Angleterre au lendemain de l'Anschluss. Il revint pourtant vivre à Vienne dans un appartement dont les fenêtres s'ouvrent sur la place des héros où Hitler éructa un discours acclamé par la foule. Ces ovations, l'épouse du professeur ne cesse, depuis leur retour, de les entendre. Ce qui a altéré sa santé et son esprit. Plus qu'avec elle le professeur aimait s'entretenir avec sa gouvernante madame Zittel qui dans la longue et sublime scène du début détaille les manies et singularités de son patron et des membres de sa famille dont on fait connaissance dans la deuxième partie du spectacle. Celle-ci se déroule à la sortie du cimetière où après une inhumation bâclée se retrouvent les deux filles et le frère du défunt. Ce frère, Robert Schusters, s'est lui aussi décidé à finir ses jours dans le pays où il est né. Cet homme a la mémoire longue et le désespoir sarcastique. Tragique et comique sont, comme toujours chez Thomas Bernhardt intimement liés. Incapable de retenir plus longtemps son courroux, l'homme qui fut professeur de philosophe - et est à l'évidence le porte parole de l'auteur - s'insurge contre ce pays où l'antisémitisme apparaît enraciné et les hommes politiques d'un cynisme à toute épreuve. Ce discours dans lequel l'auteur exprime le dégout que lui inspire la recrudescence du nationalisme trouve une accablante résonance en ces temps où se libèrent les discours de haine.Ce spectacle d'une rare splendeur visuelle, soulignée par le filet de lumière blanche qui entoure le plateau à la fin des deux premières parties de la représentation, est comme tous ceux mis en scène par Lupa interprété par des comédiens dont le jeu est réglé à la perfection. Jusqu'au 15 décembre Dans le cadre du Festival d'automne. La Colline tél 01 44 62 52 52
lundi 5 décembre 2016
Une place particulière. Création collective dirigée par Olivier Augrond.
Comédien à la carrière théâtrale foisonnante, Olivier Augrond a notamment participé à des ateliers de Joël Pommerat. Lesquels lui ont manifestement donné l'idée de monter et d'écrire les répliques d'un spectacle dans lesquels s'emboitent de multiples situations, toutes tendues. Six jeunes comédiens au métier déjà solide et un musicien ont improvisé des scènes où des événements recueillis ou vécus ont servi de combustible. Convoqués chez un notaire après la mort d'un parent plusieurs personnes se rencontrent pour la première fois. Ils se retrouveront plus tard dans la maison de campagne du défunt. Entre temps aura eu lieu une réunion autour de l'urne. Au cours de chacune de ces circonstances apparaissent des visages nouveaux de celui qui a rendu les armes Si la vérité d'un homme, comme nous le rappelle finement le spectacle, n'est pas univoque, les épisodes les plus importants de nos vies ne se sont pas eux non plus déroulés comme on en était convaincu. Au cours d'une scène particulièrement réussie les parents d'un nouveau né, persuadés que cet enfant n'est pas le leur, reviennent à la maternité afin de l'échanger. Pas de fil conducteur entre les séquences mais de nombreuses résonances. Ce spectacle au charme certain, dont l'écriture comme l'interprétation sont de la meilleure veine, a visiblement conquis un public de tous âges. Jusqu'au 14 décembre Théâtre Sylvia Montfort tél 01 56 08 33 88
samedi 3 décembre 2016
Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni (Nous partons pour ne plus vous donner de soucis) de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini.
Le point de départ de ce spectacle des metteurs en scène italiens associés Daria Deflorian et Antonio Tagliarini est le début du roman "Le justicier d'Athènes" écrit en 2011 par l'écrivain grec Pétros Markani. N'arrivant plus nouer les deux bouts, ce qui engendre de navrantes conséquences psychiques, quatre femmes retraitées se sont données la mort. Cela après avoir laissé leurs lieux d'habitation dans un état impeccable et laissé des mots dans lesquels elles expliquent ne pas vouloir être à la charge de la société à qui leur disparition va ôter un poids. Comme ces femmes les comédiens sont quatre, les deux initiateurs du projet et deux autres interprètes. Ils prendront à tour de rôle la parole. Hormis quelques chaises le plateau est nu ce qui rappelle l'extrême précarité dans laquelle vivaient les personnes qui ont pris la décision d'en finir. En choisissant de jouer sur un vaste plateau où ils se trouvent éloignés l'un de l'autre les acteurs font aussi ressentir le sentiment de vide qu'éprouvaient les défuntes. Si le spectacle, qui souligne combien la misère étend ses ravages, distille de l'émotion il est aussi, mâtiné d'humour grâce notamment à Daria Deflorian, comédienne de première force. On lui sait gré d'avoir souligné dans le dossier de presse que, comme les femmes âgées dont il est question, les artistes sont en ces temps accablant considérés comme des bouches inutiles. Avec le Festival d'Automne Jusqu'au 18 décembre Odéon - Ateliers Berthier -17e tél O1 44 85 40 00
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