jeudi 30 janvier 2020

Chroma de Derek Jarman

En ces temps qui versent dans le puritanisme et la bienséance, un spectacle tel que Chroma arrive à point nommé. Il a été tiré par Bruno Geslin (un metteurs en scène qui bien que doué à l'extrême a toutes les peines du monde à monter des spectacles),d'un roman autobiographique de Derek Jarman, cinéaste et écrivain anglais emporté par le sida en 1994 à l'âge de 52 ans. La maladie lui faisant perdre la vue la représentation se déroule en partie dans la pénombre. S'il raconte sans jamais s'apitoyer les maux qu'il endure, il ne manque pas à certains endroits de les rendre risibles. Pénétrant dans une des nombreuses chambres d'hôpital où il séjourna, le comédien qui à ce moment l'incarne s'extasie sur la beauté sans pareil du lieu... On pense au cours de cette scène à Copi qui savait tourner en dérision sa situation de séropositif en fin de vie. Ce sont deux acteurs, Olivier Normand et Nicolas Fayol, qui avec la discrète complicité d'Emilie Beauvais, occupent le plateau. Tous deux jouent d'éblouissante manière tantôt en anglais d'autres fois en français un texte d'une poésie chavirante de beauté. L'un (Nicolas Fayol) est un danseur de haut vol tandis que son partenaire chante de divine façon. Les interprètes comme la majorité des spectateurs sont jeunes et n'ont de ce fait pas traversé les années où le mal frappait. Ils n'ont pas non plus connu de cette époque la vie nocturne débridée. Autrement dit son atmosphère joyeuse goulue, charnelle soulignée par la musique synthétique présente quasi tout au long du spectacle. Lequel prend alors la forme d'une extravagante comédie musicale dont les interprètes dansent sur un volcan. Animé d'une sorte de génie infernal, Bruno Geslin nous plonge dans ce monde en usant d'une esthétique kitsch. Ce mot perd sous son regard son sens péjoratif et devient une réponse à la tyrannie du bon goût. Jusqu'au 2 février Théâtre des Quartiers d'Ivry Tél 01 43 90 11 11 Le 4 mars L'Archipel -Scène nationale de Perpignan.

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