Dans cette création collective du Théâtre du Soleil imaginée par Ariane Mnouchkine d'après Le phare du bout du monde et un roman posthume de Jules Vernes, la metteuse en scène se montre d'une fidélité intransigeante à elle-même. Au début un homme qu'enflamme les inventions et les idéaux de l'époque (de la fin du 19e siècle à la Grande guerre) prête sa guinguette des bords de Marne à un gars de sa trempe désireux d' y tourner un film qui relate l'histoire d'émigrants pour la plupart miséreux qui veulent quitter l'Europe pour commencer une nouvelle vie aux confins de la planète.
Fille d'Alexandre Mnouchkine, l'un des plus grands nababs du cinéma français, la maîtresse des lieux unit pour la première fois son amour du cinéma dans lequel elle a grandi et le théâtre dont elle est nettement une figure majeure. Personnalité qui n'a jamais fait mystère de ses engagements humanistes, elle commence son spectacle par une scène où Rodolphe de Habsbourg qui projette avec son cousin Jean Salvator de rendre la société moins injuste, est assassiné avec sa maîtresse, Marie Vetsera. La scène est d'autant plus forte que ce double meurtre, qui eut lieu dans le nid d'amour qu'était Mayerling, fut officiellement considéré comme le suicide de deux personnes que les diktats de la cour empêchaient de s'unir. Jean Salvator partira dans des régions inexplorées de ce qui n'est pas encore le Chili et où vivent depuis des millénaires des indiens qu'il tente de protéger de la voracité et de la cruauté sans bornes des soldats, des missionnaires et des hors la loi occidentaux.
La première partie de la représentation fait, comme le cinéma muet, la part belle au burlesque. Au cours d'une scène drolatique, la reine Victoria découvre sur une carte l'existence de la terre de feu et demande à son ami Georges Darwin qui en est propriétaire . Apprenant qu'elle n'appartient à personne, elle décide de s'en emparer; Mais sur le vaisseau nombre de crève-la -faim croient pouvoir appliquer le contrat social de Rousseau dans ces contrées vers lesquelles ils se dirigent Plus riche d'émotions la seconde partie assène la preuve que la bonne volonté ne suffit pas à faire reculer la misère et les préjugés.
Alors que se poursuit le tournage, l'Autriche menace la Serbie. L'Europe va sous peu entrer dans "un long tunnel de sang et d'ombres". Pour ce qui est du décor, l'immense plateau de la Cartoucherie est traversé de filins tandis que surgissent par instants la carcasse du rafiot ou des peintures de glaciers ou de mers déchaînées. Ce spectacle, l'un des plus beaux - avec Cercles/Fictions de Joël Pommerat - qu'il nous ait depuis longtemps donné de voir, se termine sur un inter-titre où est écrit ;"Apportons aux vaisseaux qui errent dans le noir la lueur obstinée d'un phare". C'est bien là ce que font Ariane Mnouchkine, Hélène Cixous et la troupe du Théâtre du soleil.
Cartoucherie Théâtre du Soleil tel 01 43 74 24 08
dimanche 21 février 2010
vendredi 19 février 2010
Le standard idéal
Conçu il y a sept ans par Patrick Sommier, qui est à la direction de la MC 93 de Bobigny, cette manifestation, qui rivalise sans mal avec le Festival d'automne, rassemble à chacune de ses éditions des spectacles que son maître d'oeuvre est aller piocher entre autres en Russie, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Argentine. La manifestation a débuté avec La flûte enchantée dont la direction artistique était assurée par Mario Tronco qui a rassemblé des artistes, musiciens, danseurs et chanteurs venus des quatre coins du monde mais qui tous vivent dans le même quartier de Rome. Si les instruments sont issus des cultures les plus disparates on y parle aussi portugais, arabe, wolof et j'en passe. Le moment le plus fort, on pourrait même dire d'une grâce absolue est celui où la chanteuse italienne Petra Magoni chante La reine de la nuit d'une voix qui évoque celle si stupéfiante de Nina Haguen. Coup de chapeau à Mozart autant qu'hymne à la diversité, ce spectacle qui avait tout du pari chimérique se conclut par un triomphe.
Habitué du lieu où ses mises en scène ont éblouis les privilégiés qui ont pu les découvrir, l'argentin Daniel Veronese a donné des interprétations inhabituelles aux pièces si souvent jouées d'Ibsen, La maison de poupée et Hedda Gabler. L'espagnol Alex Rigola a, lui, eu l'audace d'adapter 2666, le roman fleuve du regretté écrivain chilien Roberto Bolano.
Un des moments les plus forts de cette édition aura été La toison d'or de l'autrichien Franz Grillparzer qui reconstitue l'intégralité de l'histoire de Médée avec quatre comédiens d'une classe folle, un décor épuré à l'extrême et un violoncelle. Lorsque l'abominable lui tombe dessus cette fille de roi d'un pays considéré comme sauvage connaît des tourments incurables.Avec cette version qui comprend un long prologue où Jason s'emploie à la séduire on comprend mieux qu'on ne l'a jamais fait pourquoi cette trahison lui tourne -boule l'esprit au point d'assassiner ses enfants.
On ne peut qu'espérer et se battre pour que la coupe des subventions ne mette pas ce festival annuel si foisonnant en péril.
Du 29 janvier au 19 février MC93 Bobigny tel 01 41 60 72 72.
Habitué du lieu où ses mises en scène ont éblouis les privilégiés qui ont pu les découvrir, l'argentin Daniel Veronese a donné des interprétations inhabituelles aux pièces si souvent jouées d'Ibsen, La maison de poupée et Hedda Gabler. L'espagnol Alex Rigola a, lui, eu l'audace d'adapter 2666, le roman fleuve du regretté écrivain chilien Roberto Bolano.
Un des moments les plus forts de cette édition aura été La toison d'or de l'autrichien Franz Grillparzer qui reconstitue l'intégralité de l'histoire de Médée avec quatre comédiens d'une classe folle, un décor épuré à l'extrême et un violoncelle. Lorsque l'abominable lui tombe dessus cette fille de roi d'un pays considéré comme sauvage connaît des tourments incurables.Avec cette version qui comprend un long prologue où Jason s'emploie à la séduire on comprend mieux qu'on ne l'a jamais fait pourquoi cette trahison lui tourne -boule l'esprit au point d'assassiner ses enfants.
On ne peut qu'espérer et se battre pour que la coupe des subventions ne mette pas ce festival annuel si foisonnant en péril.
Du 29 janvier au 19 février MC93 Bobigny tel 01 41 60 72 72.
jeudi 18 février 2010
Mystère bouffe et fabulages de Dario Fo
Sollicité par Antoine Vitez alors administrateur du Français, Dario Fo y avait monté deux pièces de Molière, C'est cette fois avec les textes de Mystère bouffe nés de la tradition orale et qu'il joua des années durant avec Franca Rame, sa femme, qu'il revient dans la Maison de Molière. Profondément marqué comme le fut Pasolini à qui il voua une admiration sans bornes, par le christianisme des origines, il raconte avec les paroles du peuple et non celle des pères de l'Eglise, des épisodes renommés de la vie de Jésus
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Alors que nous assistons à la passion du Christ à travers de courtes scènes jouées par la troupe d'élèves comédiens, quelques-uns des acteurs les plus inventifs de la troupe disent des monologues dopés aux anachronismes. Se rappelant que le théâtre est, du moins en occident, né sur les tréteaux, chacun des interprètes retrouve via un jeu dont on avait perdu la trace, ses racines de jongleurs de mots. Il s'agit pour chacun d'eux de raconter avec ses propres paroles et mimiques les aventures incertaines du sauveur de l'humanité considéré par ses ennemis comme un artisan de maléfices
On est donc plus proches de la tradition orale que de récits écrits dans le marbre. Alors que le modèle social aujourd'hui se délite, les injustices dont est victime un paysan dont un puissant veut s'emparer des terres trouve des échos dans la société actuelle de plus en plus dure aux miséreux et favorable aux possédants. C'est dans le monologue final joué par Hervé Pierre avec une bonhomie qui tourne au désespoir qu'on retrouve le plus la manière de Dario Fo, amuseur clairvoyant des incuries des princes qui nous gouvernent.
Catherine Hiegel, Véronique Vella Christian Hecq, Stéphane Varupenne et leurs partenaires dont certains jouent en alternance, contribient tout autant à la réussite de cette mise en scène de Muriel Mayette qui a eu l'astucieuse initiative de faire rentrer l'immense Dario Fo au répertoire de la Comédie- Française.
Jusqu'au 19 juin En alternance Comédie-Française tel 08 25 10 16 80
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Alors que nous assistons à la passion du Christ à travers de courtes scènes jouées par la troupe d'élèves comédiens, quelques-uns des acteurs les plus inventifs de la troupe disent des monologues dopés aux anachronismes. Se rappelant que le théâtre est, du moins en occident, né sur les tréteaux, chacun des interprètes retrouve via un jeu dont on avait perdu la trace, ses racines de jongleurs de mots. Il s'agit pour chacun d'eux de raconter avec ses propres paroles et mimiques les aventures incertaines du sauveur de l'humanité considéré par ses ennemis comme un artisan de maléfices
On est donc plus proches de la tradition orale que de récits écrits dans le marbre. Alors que le modèle social aujourd'hui se délite, les injustices dont est victime un paysan dont un puissant veut s'emparer des terres trouve des échos dans la société actuelle de plus en plus dure aux miséreux et favorable aux possédants. C'est dans le monologue final joué par Hervé Pierre avec une bonhomie qui tourne au désespoir qu'on retrouve le plus la manière de Dario Fo, amuseur clairvoyant des incuries des princes qui nous gouvernent.
Catherine Hiegel, Véronique Vella Christian Hecq, Stéphane Varupenne et leurs partenaires dont certains jouent en alternance, contribient tout autant à la réussite de cette mise en scène de Muriel Mayette qui a eu l'astucieuse initiative de faire rentrer l'immense Dario Fo au répertoire de la Comédie- Française.
Jusqu'au 19 juin En alternance Comédie-Française tel 08 25 10 16 80
dimanche 14 février 2010
Dehors peste le chiffre noir de Kathrin Röggla
La metteuse en scène Eva Vallejo et le musicien Bruno Soulier qui travaillent en duo sont loin d'être des inconnus. On n'est pas prêt d'oublier "La mastication des morts" de Patrick Kermann qu'ils ont montés en 2006 où les défunts enterrés dans le cimetière d'un village racontaient des épisodes pas toujours reluisants de leur existence. Ils ont, cette fois, choisi un texte d'une actualité brûlante écrit par l'auteure autrichienne établie à Berlin, Kathrin Röggla qui, après quantité d'enquêtes, se penche sur le surendettement des classes moyennes.
Comme dans toutes leurs créations, celle-ci réunit une multiplicité de personnages (jouées par cinq acteurs qu'accompagnent trois musiciens). Une mise en scène chorale donne la parole à des victimes de l'idéologie de la consommation qui mêlent paroles individuelles et paroles collectives.. Ce qui nous vaut quantité de scènes au climat dynamique où des hommes et femmes qui achètent à tout va voient la vie en rose. Jusqu'au jour où ils découvrent que leurs moyens se trouvent de plus en plus rabotés et leurs créanciers de moins en moins accommodants. Peu à peu se créent de vertigineux gouffres sociaux.Ce qui n'empêchent pas les 15 -24 ans d'être en proie à une faim dévorante de marques.
Ce qui frappe le plus dans ce spectacles hors norme est outre la performance physique des interprètes, le fait que les deux concepteurs se gardent bien de donner des leçons et d'engager ceux que leur confiance enthousiaste a parfois jeter sur le trottoir, à adopter un mode de vie plus strict. Ils savent pertinemment que l'humour qui est leur cheval de bataille, frappe davantage les esprits que les mises en garde. En donnant ainsi corps et voix aux laissés-pour-compte de la société de consommation, Eva Vallejo et Bruno Soulier inventent une nouvelle forme de théâtre politique à côté duquel les revendications militantes semblent d'un autre âge.
Il faut ajouter que pour ce qui est des éclairages leur talent est si considérable que c'est dans une lumière soudain rouge comme les flammes de l'enfer que les malheureux, saisissant enfin qu'ils ont été dupés, perdent spectaculairement la tête.
Jusqu'au 21 février Théâtre du Rond -Point tel 01 44 95 98 21
Comme dans toutes leurs créations, celle-ci réunit une multiplicité de personnages (jouées par cinq acteurs qu'accompagnent trois musiciens). Une mise en scène chorale donne la parole à des victimes de l'idéologie de la consommation qui mêlent paroles individuelles et paroles collectives.. Ce qui nous vaut quantité de scènes au climat dynamique où des hommes et femmes qui achètent à tout va voient la vie en rose. Jusqu'au jour où ils découvrent que leurs moyens se trouvent de plus en plus rabotés et leurs créanciers de moins en moins accommodants. Peu à peu se créent de vertigineux gouffres sociaux.Ce qui n'empêchent pas les 15 -24 ans d'être en proie à une faim dévorante de marques.
Ce qui frappe le plus dans ce spectacles hors norme est outre la performance physique des interprètes, le fait que les deux concepteurs se gardent bien de donner des leçons et d'engager ceux que leur confiance enthousiaste a parfois jeter sur le trottoir, à adopter un mode de vie plus strict. Ils savent pertinemment que l'humour qui est leur cheval de bataille, frappe davantage les esprits que les mises en garde. En donnant ainsi corps et voix aux laissés-pour-compte de la société de consommation, Eva Vallejo et Bruno Soulier inventent une nouvelle forme de théâtre politique à côté duquel les revendications militantes semblent d'un autre âge.
Il faut ajouter que pour ce qui est des éclairages leur talent est si considérable que c'est dans une lumière soudain rouge comme les flammes de l'enfer que les malheureux, saisissant enfin qu'ils ont été dupés, perdent spectaculairement la tête.
Jusqu'au 21 février Théâtre du Rond -Point tel 01 44 95 98 21
samedi 13 février 2010
Le bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau
Dans un pays d'Afrique en perdition (mais qui réverbère aussi le Cambodge d' il y deux décennies ou la Colombie des Farcs) une fille au bord de l'adolescence prend sous son aile un gosse de huit ans qui, comme elle, a été arrachée aux siens. La petite, dénommée Elika, est chargée des besogne traditionnellement dévolues aux femmes et sert d'esclave sexuelle. A 13 ans (lors de son enlèvement elle en avait 10) elle est rompue aux pires batailles de la vie. Elle a fort à faire pour insuffler énergie et lucidité au gosse gracile dont le corps souvent déclare forfait.
La pièce de Suzanne Lebeau née en 1948 au Québec est bien sûr fondée sur des épisodes réels. C'est une infirmière qui découvrit le journal qu'elle écrivit sur sa monstrueuse odyssée lorsqu'après de patientes tentatives elle réussit à lui céder la kalachnikov dont elle ne se séparait jamais.
Dans le magma de sa mémoire, la "teenager" comme on disait ici se remémore comment elle fut happée par les événements et joua elle-même les terreurs. A travers l'aventure de ces enfants foudroyés, l'écrivaine se se demande jusqu' à quel degré de distorsion un être humain reste t-il encore lui même. La réponse est claire puisque avant de mourir à 15 ans du sida, la jeune fille prend conscience de l'état de barbarie dans lequel elle vécut. La metteuse en scène Anne-Marie Liégeois a réalisé un travail admirable de sobriété. Il faut reconnaître qu'elle disposait avec Isabelle Gardien, Suliane Brahim et Benjamin Jungers de comédiens doués à l'extrême.
Notre regret : ce spectacle si justement conçu et applaudi à tout rompre ne reste à l'affiche que dix jours.
Jusqu'au 21 février Studio -Théâtre Tel 01 44 58 98 58
La pièce de Suzanne Lebeau née en 1948 au Québec est bien sûr fondée sur des épisodes réels. C'est une infirmière qui découvrit le journal qu'elle écrivit sur sa monstrueuse odyssée lorsqu'après de patientes tentatives elle réussit à lui céder la kalachnikov dont elle ne se séparait jamais.
Dans le magma de sa mémoire, la "teenager" comme on disait ici se remémore comment elle fut happée par les événements et joua elle-même les terreurs. A travers l'aventure de ces enfants foudroyés, l'écrivaine se se demande jusqu' à quel degré de distorsion un être humain reste t-il encore lui même. La réponse est claire puisque avant de mourir à 15 ans du sida, la jeune fille prend conscience de l'état de barbarie dans lequel elle vécut. La metteuse en scène Anne-Marie Liégeois a réalisé un travail admirable de sobriété. Il faut reconnaître qu'elle disposait avec Isabelle Gardien, Suliane Brahim et Benjamin Jungers de comédiens doués à l'extrême.
Notre regret : ce spectacle si justement conçu et applaudi à tout rompre ne reste à l'affiche que dix jours.
Jusqu'au 21 février Studio -Théâtre Tel 01 44 58 98 58
lundi 8 février 2010
Un tramway d'après Tennessee Williams
Quand on a découvert au théâtre Purifiés de Sarah Kane, Le Dibbuk d'après Shlomo Anski, Kroum de Hanokh Levin ou Angels in America de Tony Kushner et à l'opéra Iphigénie en Tauride de Gluck et L'affaire Makropoulos de Leos Janacecek, on était persuadé tenir avec le polonais Krzysztof Walikowski un nouveau prodige des arts de la scène. Un Tramway adapté d'Un tramway nommé désir de Tennessee sent la commande à plein nez. Or Walikowski, esprit farouchement indépendant, est incapable de souscrire à de tels contrats. D'où la déception que procure ce spectacle.
Seule Isabelle Huppert nous éblouit. Ce qui est d'autant plus surprenant que comédienne de première force lorsqu'elle se trouve devant une caméra, elle a sur scène, comme l'ont prouvés Quartet de Heiner Müller dont s'était emparé Bob Wilson ou le calamiteux Hedda Gabler d'Ibsen mis en scène par Eric Lacascade, une fâcheuse tendance à ne pas tenir compte de ses partenaires. Reprenant le rôle de Blanche Dubois immortalisé à l'écrant par Vivien Leigh dans le film d'Elia Kazan, elle surgit chez sa soeur mariée à un polonais plutôt fruste et sème le chaos. Véritable champs de ruine psychique toujours prête à se livrer à de nouvelles inconséquences, elle décourage le dévouement de sa soeur qui finira, lorsqu'elle sera mère, par la laisser tomber et s'attire l'hostilité de son beau-frère qui ne voit en elle qu'une femme d'âge mûr emportée par sa libido, ce dont il profite avec sauvagerie avant de la livrer aux porteurs d'une camisole de force. Jamais, sauf lorsque le texte l'oblige à jouer seule, l'actrice qui, cette fois, est en phase avec les détenteurs des autres rôles, ne nous aura à ce point remués.
Plus modeste, mais nettement plus réussi est Je ne sais quoi de Nathalie Joly. Cet exquis numéro de caf conc qu'on a pu voir il y a peu à La vieille grille (où il se donnait à bureaux fermés) poursuit sa carrière au Lucernaire. L'irremplaçable Yvette Guilbert à laquelle Nathalie Joly prête sa voix enchanteresse était aussi une personne rayonnante d'intelligence ce qui lui valut de devenir une proche de Freud avec lequel elle échangea une abondante correspondance. Dans ce spectacle réalisé avec une application sourcilleuse et pleine d'esprit, par Jacques Verzier, la chanteuse alterne des chansons polissonnes à des extraits de la correspondance qu'elle entretint avec le découvreur de l'inconscient.
Jusqu'au 3 avril Odeon Théâtre de l'Europe Un tramway tel 01 44 85 40 40
Jusqu'au 28 mars Le Lucernaire Je ne sais quoi tel 01 45 44 57 34
Seule Isabelle Huppert nous éblouit. Ce qui est d'autant plus surprenant que comédienne de première force lorsqu'elle se trouve devant une caméra, elle a sur scène, comme l'ont prouvés Quartet de Heiner Müller dont s'était emparé Bob Wilson ou le calamiteux Hedda Gabler d'Ibsen mis en scène par Eric Lacascade, une fâcheuse tendance à ne pas tenir compte de ses partenaires. Reprenant le rôle de Blanche Dubois immortalisé à l'écrant par Vivien Leigh dans le film d'Elia Kazan, elle surgit chez sa soeur mariée à un polonais plutôt fruste et sème le chaos. Véritable champs de ruine psychique toujours prête à se livrer à de nouvelles inconséquences, elle décourage le dévouement de sa soeur qui finira, lorsqu'elle sera mère, par la laisser tomber et s'attire l'hostilité de son beau-frère qui ne voit en elle qu'une femme d'âge mûr emportée par sa libido, ce dont il profite avec sauvagerie avant de la livrer aux porteurs d'une camisole de force. Jamais, sauf lorsque le texte l'oblige à jouer seule, l'actrice qui, cette fois, est en phase avec les détenteurs des autres rôles, ne nous aura à ce point remués.
Plus modeste, mais nettement plus réussi est Je ne sais quoi de Nathalie Joly. Cet exquis numéro de caf conc qu'on a pu voir il y a peu à La vieille grille (où il se donnait à bureaux fermés) poursuit sa carrière au Lucernaire. L'irremplaçable Yvette Guilbert à laquelle Nathalie Joly prête sa voix enchanteresse était aussi une personne rayonnante d'intelligence ce qui lui valut de devenir une proche de Freud avec lequel elle échangea une abondante correspondance. Dans ce spectacle réalisé avec une application sourcilleuse et pleine d'esprit, par Jacques Verzier, la chanteuse alterne des chansons polissonnes à des extraits de la correspondance qu'elle entretint avec le découvreur de l'inconscient.
Jusqu'au 3 avril Odeon Théâtre de l'Europe Un tramway tel 01 44 85 40 40
Jusqu'au 28 mars Le Lucernaire Je ne sais quoi tel 01 45 44 57 34
samedi 6 février 2010
Le recours aux Forêts de Jean Lambert-wild
Comme toutes les créations de Jean Lambert-Wild, cette dernière chemine à travers des sentiers inédits. A la tête de la Comédie de Caen- Centre Dramatique National de Normandie il aime, dit-il, employant une formule heureuse "le temps d'une représentation se remplir les poumons de l'air dansant" Pour ce faire il a pris pour complices le compositeur Jean-Luc Therminarias, l'essayiste Michel Onfray, la chorégraphe Carolyn Carlson, le chef opérateur notamment de La marche de l'empereur François Royet et le peintre ou plutôt pictoglyphe Mark Alsterlind. Ce dernier est doué d'un si remarquable talent que le sol petit à petit se couvre d'un chatoiement de couleurs vives
.
Au centre du plateau danse dans le plus simple appareil et comme un dieu le chorégraphe et membre de la compagnie de Carolyn Carlson, le finlandais Juha Marsalo. Ce qui ne contribue pas qu'un peu à la poésie visuelle de ce projet somptueusement hybride. Un déluge d'effets spéciaux crée une brume qui contribue largement à ce que soient explorés de nouvelles pistes théâtrales, musicales et scénographiques et du coup bousculés les codes de la narration. Si le début du spectacle est en trois dimensions et se regarde avec des lunettes, les multiples disciplines tout du long s'enchâssent harmonieusement.
La seule réserve que suscite cette production qui se démarque de toutes celles qui nous sont donnés de découvrir est la prose torrentielle de Michel Onfray que tente de mettre en valeur un choeur de quatre comédiens. Avec un humanisme sentencieux, il dénonce une époque qui change pour le pire et qu'à l'exemple du danseur si effrontément libre de ses mouvement et de son allure devrait renouer avec un monde que les normes n'étouffent pas autrement dit l'âge d'or qui précède nos si contraignantes civilisations.
Le 19 mars Théâtre de Chelles
Le 30 mars Au Volcan - Scène nationale du Havre
Le spectacle revient la saison prochaine dans la région parisienne notamment à la Maison de la Culture de Créteil
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Au centre du plateau danse dans le plus simple appareil et comme un dieu le chorégraphe et membre de la compagnie de Carolyn Carlson, le finlandais Juha Marsalo. Ce qui ne contribue pas qu'un peu à la poésie visuelle de ce projet somptueusement hybride. Un déluge d'effets spéciaux crée une brume qui contribue largement à ce que soient explorés de nouvelles pistes théâtrales, musicales et scénographiques et du coup bousculés les codes de la narration. Si le début du spectacle est en trois dimensions et se regarde avec des lunettes, les multiples disciplines tout du long s'enchâssent harmonieusement.
La seule réserve que suscite cette production qui se démarque de toutes celles qui nous sont donnés de découvrir est la prose torrentielle de Michel Onfray que tente de mettre en valeur un choeur de quatre comédiens. Avec un humanisme sentencieux, il dénonce une époque qui change pour le pire et qu'à l'exemple du danseur si effrontément libre de ses mouvement et de son allure devrait renouer avec un monde que les normes n'étouffent pas autrement dit l'âge d'or qui précède nos si contraignantes civilisations.
Le 19 mars Théâtre de Chelles
Le 30 mars Au Volcan - Scène nationale du Havre
Le spectacle revient la saison prochaine dans la région parisienne notamment à la Maison de la Culture de Créteil
jeudi 4 février 2010
Macbeth de Shakespeare
Spécialiste de théâtre élisabéthain et en particulier de Shakespeare, le metteur en scène anglais Declan Donnelan s'attaque aujourd'hui à sa tragédie la plus courte mais aussi la plus compacte et la plus sombre. Le décor est souvent chez cette sommité de la scène totalement inexistant. Il est ici d'une superbe austérité. Les comédiens sont tous vêtus de noir et comme il s'agit d'une machination que a pour cadre l'Ecosse le développement complexe de l'intrigue est entrelardé de chansons et de danses au rythme entraînant de cette région du Royaume pas encore Uni.
Le roi a décidé de venir passer une nuit chez les Macbeth qu'il considère comme des fidèles. Averti de cette décision le couple se transforme en association de criminels. Profitant du sommeil du souverain, ils l'égorgent donnant ainsi raison aux sorcière qui avaient prédit que Macbeth ceindrait un jour, à son tour, la couronne. Contrairement à la tradition ces prophétesses de malheurs n'ont en rien l'air de sortir des enfers. Macbeth, à présent maître du jeu, se transforme en tyran sanguinaire et se fait d'innombrables ennemis. La nuit ne tarde à entrer dans les tréfonds des deux meurtriers tandis que leurs adversaires préparent leur perte, L'esprit de Lady Macbeth flotte bientôt à la frontière de la raison. Une scène de somnambulisme au milieu des gens de la cour cour distille une angoisse à laquelle succombe les témoins de cet accès de culpabilité.
Entourés de compagnons musclés dont les mouvements font songer à une chorégraphie, Macbeth sans cesse soliloque. Et c'est tout l'horrible si bien partagé de la condition humaine qui transparaît à travers ses paroles. La majesté et la démence shakespearienne ont rarement été aussi présents sur un plateau. Declan Donnelan s'est emparé de cette pièce que beaucoup jugent maudite car les personnages principaux ne sont mus que par le mal et en a, comme des cinéastes de l'importance d'Orson Welles, Akira kurosawa et Roman Polanski, tiré un chef d'oeuvre.
Jusqu'au 21 février Les Gémeaux tel 01 46 61 36 37 Du 3 au 6 mars Théâtre des Célestins (Lyon) du 19 Au 22 mai Théâtre du Nord (Lille)
Le roi a décidé de venir passer une nuit chez les Macbeth qu'il considère comme des fidèles. Averti de cette décision le couple se transforme en association de criminels. Profitant du sommeil du souverain, ils l'égorgent donnant ainsi raison aux sorcière qui avaient prédit que Macbeth ceindrait un jour, à son tour, la couronne. Contrairement à la tradition ces prophétesses de malheurs n'ont en rien l'air de sortir des enfers. Macbeth, à présent maître du jeu, se transforme en tyran sanguinaire et se fait d'innombrables ennemis. La nuit ne tarde à entrer dans les tréfonds des deux meurtriers tandis que leurs adversaires préparent leur perte, L'esprit de Lady Macbeth flotte bientôt à la frontière de la raison. Une scène de somnambulisme au milieu des gens de la cour cour distille une angoisse à laquelle succombe les témoins de cet accès de culpabilité.
Entourés de compagnons musclés dont les mouvements font songer à une chorégraphie, Macbeth sans cesse soliloque. Et c'est tout l'horrible si bien partagé de la condition humaine qui transparaît à travers ses paroles. La majesté et la démence shakespearienne ont rarement été aussi présents sur un plateau. Declan Donnelan s'est emparé de cette pièce que beaucoup jugent maudite car les personnages principaux ne sont mus que par le mal et en a, comme des cinéastes de l'importance d'Orson Welles, Akira kurosawa et Roman Polanski, tiré un chef d'oeuvre.
Jusqu'au 21 février Les Gémeaux tel 01 46 61 36 37 Du 3 au 6 mars Théâtre des Célestins (Lyon) du 19 Au 22 mai Théâtre du Nord (Lille)
mardi 2 février 2010
Menschel et Romanska de Hanokh Levin
Il fut en Israêl beaucoup reproché à Hanokh Levin (1943 - 1999) de donner une image peu flatteuse de la société qui le vit naître. Ce n'est certes pas avec la nouvelle dont a été tirée cette pièce qu'il fait amende honorable. Menschel a lié connaissance avec Romanska par téléphone. Il est persuadé qu'une fille qui porte un nom aussi romanesque ne peut être qu'un délicieux échantillon de l'éternel féminin. C'est le sexe en feu qu'il se rend au rendez-vous qu'ils se sont fixés. La fille a hélas les cheveux gras et le corps gourds de celles qui n'ont jamais été embrassée sauf, précise t-elle, par son papa quand elle avait 4 ans.
Menschel ne songe qu'à se faire la paire. Toute aussi déçue, Romanska qui espérait de cette rencontre qu'elle l'aide à sortir de son âpre routine quotidienne tient à défaut de commencer une nouvelle vie que Menschel l'invite dans un restaurant de renom. Mais le bonhomme est d'une nature avare et lui propose d'avaler un falafel (boulettes de pois chiche enveloppées dans un sandwich dégoulinant de sauce blanche appelée tehina) dans un marché populaire. La soirée dans laquelle ils avaient tous les deux placés tant d'espoirs est un fiasco. Romanska se sent traitée comme un paillasson tandis qu'il ne sait comment faire pour se consoler de la défaite de son ardente attente. Une fois la femme aux mines bilieuses partie, il se précipite dans un snack. A son grand dam, il y retrouve celle qu'il pensait ne jamais revoir.Il ne leur reste plus qu'à échanger des photos prises en un temps où ils étaient de ravissants petiots qui n'imaginaient évidement pas quelle vie en pente serait la leur. Comme disait l'un de mes amis cette pièce décrit la rencontre de deux vieux bébés.
Seul en scène, l'excellent Daniel Kenigsberg est non seulement le narrateur de ce navrant face à face, il suit aussi l'écheveau de la pensée des deux protagonistes qui chacun s'apitoie sur son sort. Souvent féroce, parfois cocasse, ce récit d'une histoire d'amour qui ne pouvait avoir lieu est typique de l'oeuvre de celui que beaucoup considèrent comme le plus grand auteur dramatique de langue hébraïque.
Cette création de la comédie de Caen peut être vue jusqu'au 21 février au Théâtre de la Vieille Grille tel 01 47 07 22 11
Menschel ne songe qu'à se faire la paire. Toute aussi déçue, Romanska qui espérait de cette rencontre qu'elle l'aide à sortir de son âpre routine quotidienne tient à défaut de commencer une nouvelle vie que Menschel l'invite dans un restaurant de renom. Mais le bonhomme est d'une nature avare et lui propose d'avaler un falafel (boulettes de pois chiche enveloppées dans un sandwich dégoulinant de sauce blanche appelée tehina) dans un marché populaire. La soirée dans laquelle ils avaient tous les deux placés tant d'espoirs est un fiasco. Romanska se sent traitée comme un paillasson tandis qu'il ne sait comment faire pour se consoler de la défaite de son ardente attente. Une fois la femme aux mines bilieuses partie, il se précipite dans un snack. A son grand dam, il y retrouve celle qu'il pensait ne jamais revoir.Il ne leur reste plus qu'à échanger des photos prises en un temps où ils étaient de ravissants petiots qui n'imaginaient évidement pas quelle vie en pente serait la leur. Comme disait l'un de mes amis cette pièce décrit la rencontre de deux vieux bébés.
Seul en scène, l'excellent Daniel Kenigsberg est non seulement le narrateur de ce navrant face à face, il suit aussi l'écheveau de la pensée des deux protagonistes qui chacun s'apitoie sur son sort. Souvent féroce, parfois cocasse, ce récit d'une histoire d'amour qui ne pouvait avoir lieu est typique de l'oeuvre de celui que beaucoup considèrent comme le plus grand auteur dramatique de langue hébraïque.
Cette création de la comédie de Caen peut être vue jusqu'au 21 février au Théâtre de la Vieille Grille tel 01 47 07 22 11
lundi 1 février 2010
Arrêter le monde, je voudrais descendre
Ce spectacle qui pulse d'une vibration unique se passe presque intégralement sur un manège d'où contrairement à ce que prétend le titre on n'a nul envie de descendre. Il est, en effet, occupé notamment par une chanteuse, une danseuse, un acrobate, un maître de cérémonie, des musiciens hongrois et une kyrielle d'animaux parmi lesquels un adorable cochonnet et un âne. Un marabout vieillissant est lui aussi depuis quelques années de toutes les créations du théâtre Dromesko appelé autrefois La volière Dromesko créé en 1990 par Igor et sa femme Lily (actrice fétiche du cinéaste Otar Iosseliani).
Alors que tourne le carrousel où chacun pratique son art dans un inénarrable fourbi, Monique Brun assise devant le plateau discute le bout de gras avec un comédien qui a selon les soirs des visages différents. A une époque où les différentes disciplines artistiques tentent de s'imbriquer, le Théâtre Dromesko fait figure de pionnier, d'ouvreur de frontières. Les amateurs des créations scéniques les plus diverses seront donc comblés par cette oeuvre proliférante et bourrée d'imprévus.
Grâce à cette troupe invitée par le Théâtre de la ville dans une salle qui n'est pas sien, petits et grands vivent, le temps d'une représentation, de plein pied avec le merveilleux
Jusqu'au 6 mars Sylvia Montfort Théâtre tel 01 56 08 33 88
Alors que tourne le carrousel où chacun pratique son art dans un inénarrable fourbi, Monique Brun assise devant le plateau discute le bout de gras avec un comédien qui a selon les soirs des visages différents. A une époque où les différentes disciplines artistiques tentent de s'imbriquer, le Théâtre Dromesko fait figure de pionnier, d'ouvreur de frontières. Les amateurs des créations scéniques les plus diverses seront donc comblés par cette oeuvre proliférante et bourrée d'imprévus.
Grâce à cette troupe invitée par le Théâtre de la ville dans une salle qui n'est pas sien, petits et grands vivent, le temps d'une représentation, de plein pied avec le merveilleux
Jusqu'au 6 mars Sylvia Montfort Théâtre tel 01 56 08 33 88
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