Les chaises occupent dans l'oeuvre d'ionesco une place de choix. Prenant par les cornes sa vieille obsession du vieillissement et du néant, il met en scène un couple de nonagénaires qui remâchent des bribes de souvenirs et de récits. Leur mémoire leur joue évidement des tours. Elle se souvient de leur fils qui quitta la maison à sept ans, l'âge de raison dit-elle. il a, lui, effacé cet épisode décisif de sa mémoire. il se remémore, en revanche, d'avoir laissé sa mère mourir seule alors que sa compagne se persuade qu'il fut un fils admirable.
La pièce atteint son point d'ébullition quand se présentent à leur porte un nombre grandissant d'invités invisibles venus écouter le message que le vieil homme souhaite révéler à l'humanité. A chacune des arrivée les deux vieillards se dépensent en courbettes et flatteries. Tandis qu'il s'entretient avec ses anciennes connaissances, sa femme apporte une impressionnante quantité de chaises afin que les fantômes puissent prendre place. Mais ceux-ci se font si nombreux que l'homme et la femme se trouvent séparés. Ce qui leur est insupportable.
Maquillages soutenus, parler contraint Alexis Rangheard et Monica Companys, comédienne sourde incarnent avec une délicatesse stupéfiante ces êtres sur le point de disparaître. La mise en scène d'un Phillipe Adrien des grands jours et la splendide scénographie de Gérard Didier contribuent aussi largement à ce que cette pièce souvent montée apparaisse sous un jour plus irréel et attachant que d'ordinaire. L'apparition dans une lumière d'une poignante douceur de l'acteur aveugle Bruno Netter clôt le spectacle en beauté.
Jusqu'au 5 novembre La Tempête Cartoucherie tel 01 43 28 36 36
jeudi 27 octobre 2011
mercredi 12 octobre 2011
La nuit arabe/Le dragon d'or de Roland Schimmelpfennig
A travers La nuit arabe et Le dragon d'or, écrites à dix ans d'intervalle et qui toutes deux se déroulent dans des immeubles habités par une population peu fortunée Roland Schimmelpfennig figure phare du jeune théâtre allemand, règle ses comptes avec notre temps. Mais contrairement aux dramaturges des années 70 tel que Franz Kroetz, il ne se contente pas de reproduire le quotidien de ses contemporains les moins choyés par le sort. La particularité de son théâtre est que réalité et merveilleux ne s'y lâchent pas d'une semelle.
S'il rappelle constamment que la barbarie est au coeur de la civilisation, il a le chic pour rendre cocasse les situations les plus intolérables. Qu'ils soient faits de chair et de nerfs ou droits sortis d'un conte des mille et une nuit comme dans La nuit arabe ou de la fable La cigale et la fourmi dans Le dragon d'or, les personnages traversent d'abominables épreuves. Mais la maîtrise et l'humour dont font preuve les comédiens (Jean-Claude Durand, Claire Wauthion, Agathe Molière, Alexandre Zambeaux, Clément Carabédian, Marianne Pommier) sont tels qu'on se surprend souvent à rire. Dans Le dragon d'or, la plus réussie et récente des deux pièces, chacun des acteurs joue plusieurs rôles, change régulièrement d'identité sexuelle et s'affronte à un texte abondant dans lequel alternent dialogues, récits et soliloques.
Une structure métallique à trois étages oblige les interprètes à constamment monter et descendre des escaliers.Ce qui en dit long sur la difficulté d'être des innombrables personnages qui peuplent les lieux. Employé dans la cuisine d'un restaurant thaï-chinois-vietnamien, un jeune émigré clandestin qui souffre d'une rage de dents connaît le destin le plus tragique. L'auteur dénonce via ce malheureux la violence d'Etat qui s'exerce aujourd'hui contre les sans papiers.
Fine mouche, la metteuse en scène Claudia Stavisky a saisi que Schimelpfennig est le dramaturge contemporain le plus à même de faire respirer l'air des temps accablants que nous vivons. Grâce aux acteurs qu'elle a choisi avec discernement l'ironie dont il fait preuve pour renforcer son propos est présente de bout en bout.
Jusqu'au 16 octobre Célestins Lyon tel 04 72 77 40 00 puis du 3 au 10 novembre Théâtre de la Manufacture - Nancy, les 22 et 23 novembre Nouveau Théâtre d'Angers, du 29 nov au 3 déc La Criée - Théâtre national de Marseille, du 13 au 16 déc Théâtre national de Bordeaux
S'il rappelle constamment que la barbarie est au coeur de la civilisation, il a le chic pour rendre cocasse les situations les plus intolérables. Qu'ils soient faits de chair et de nerfs ou droits sortis d'un conte des mille et une nuit comme dans La nuit arabe ou de la fable La cigale et la fourmi dans Le dragon d'or, les personnages traversent d'abominables épreuves. Mais la maîtrise et l'humour dont font preuve les comédiens (Jean-Claude Durand, Claire Wauthion, Agathe Molière, Alexandre Zambeaux, Clément Carabédian, Marianne Pommier) sont tels qu'on se surprend souvent à rire. Dans Le dragon d'or, la plus réussie et récente des deux pièces, chacun des acteurs joue plusieurs rôles, change régulièrement d'identité sexuelle et s'affronte à un texte abondant dans lequel alternent dialogues, récits et soliloques.
Une structure métallique à trois étages oblige les interprètes à constamment monter et descendre des escaliers.Ce qui en dit long sur la difficulté d'être des innombrables personnages qui peuplent les lieux. Employé dans la cuisine d'un restaurant thaï-chinois-vietnamien, un jeune émigré clandestin qui souffre d'une rage de dents connaît le destin le plus tragique. L'auteur dénonce via ce malheureux la violence d'Etat qui s'exerce aujourd'hui contre les sans papiers.
Fine mouche, la metteuse en scène Claudia Stavisky a saisi que Schimelpfennig est le dramaturge contemporain le plus à même de faire respirer l'air des temps accablants que nous vivons. Grâce aux acteurs qu'elle a choisi avec discernement l'ironie dont il fait preuve pour renforcer son propos est présente de bout en bout.
Jusqu'au 16 octobre Célestins Lyon tel 04 72 77 40 00 puis du 3 au 10 novembre Théâtre de la Manufacture - Nancy, les 22 et 23 novembre Nouveau Théâtre d'Angers, du 29 nov au 3 déc La Criée - Théâtre national de Marseille, du 13 au 16 déc Théâtre national de Bordeaux
vendredi 7 octobre 2011
Tokyo bar de Tennessee Williams
Lorsqu'il écrit Tokyo bar Tennessee Williams vit des temps orageux. Il a perdu depuis peu l'homme de sa vie, noie sa tristesse dans l'alcool et s'est fait interner par son frère en hôpital psychiatrique. Le peintre renommé et déchu qui a échoué dans un hôtel luxueux de Tokyo est à l'évidence son double. Myriam, sa femme, accompagne son crépuscule ou plutôt le fuit en se jetant au cou ou plus exactement sur la braguette des hommes qu'elle rencontre.
On connaît le penchant de l'auteur pour les personnages sulfureux. Comme la Blanche Dubois d'Un tramway nommé désir ou La chatte sur un toît brûlant, Myriam est une dévoreuse d'hommes qui masque sous ses airs conquérants un inguérissable mal de vivre. Christine Boisson trouve enfin là un rôle à sa démesure. On ne pourra oublier de si tôt l'éclat animal de son regard quand elle fait flamber sa rage. Ni sa voix altérée lorsqu'elle se laisse aller à monologuer un texte aussi peu clair que l'esprit de son personnage. Jean-Marie Besset s'est retrouvé face à un texte parfois obscur. Mais adaptateur de talent il a su rendre attachante l'incohérence de certains propos.
S'il a fait preuve de discernement en choisissant Christine Boisson pour jouer Myriam, le metteur en scène Gilbert Désveaux a eu la main moins heureuse en confiant le rôle de Mark, son peintre à bout de force et de désir de mari, à Robert Plagnol.Peu habité par ce rôle, il le surjoue ou si l'on préfère joue en force la fragilité.Ce qui est une gageure. Dont on se serait volontiers passée
Ecrite au début des années 60, Tokyo bar n'avait jamais été montée en France. Ce qui est d'autant plus surprenant qu'il s'agit d'une oeuvre majeure où l'écrivain va au bout de ses hantises.
Jusqu'au 14 octobre Théâtre des 13 vents Montpellier tel 04 67 99 25 00 puis en tournée et du 27 avril au 2 juin 2012 Théâtre de La Tempête Paris
On connaît le penchant de l'auteur pour les personnages sulfureux. Comme la Blanche Dubois d'Un tramway nommé désir ou La chatte sur un toît brûlant, Myriam est une dévoreuse d'hommes qui masque sous ses airs conquérants un inguérissable mal de vivre. Christine Boisson trouve enfin là un rôle à sa démesure. On ne pourra oublier de si tôt l'éclat animal de son regard quand elle fait flamber sa rage. Ni sa voix altérée lorsqu'elle se laisse aller à monologuer un texte aussi peu clair que l'esprit de son personnage. Jean-Marie Besset s'est retrouvé face à un texte parfois obscur. Mais adaptateur de talent il a su rendre attachante l'incohérence de certains propos.
S'il a fait preuve de discernement en choisissant Christine Boisson pour jouer Myriam, le metteur en scène Gilbert Désveaux a eu la main moins heureuse en confiant le rôle de Mark, son peintre à bout de force et de désir de mari, à Robert Plagnol.Peu habité par ce rôle, il le surjoue ou si l'on préfère joue en force la fragilité.Ce qui est une gageure. Dont on se serait volontiers passée
Ecrite au début des années 60, Tokyo bar n'avait jamais été montée en France. Ce qui est d'autant plus surprenant qu'il s'agit d'une oeuvre majeure où l'écrivain va au bout de ses hantises.
Jusqu'au 14 octobre Théâtre des 13 vents Montpellier tel 04 67 99 25 00 puis en tournée et du 27 avril au 2 juin 2012 Théâtre de La Tempête Paris
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