samedi 24 janvier 2015
La maison d'à côté de Sharr White
On ne saurait trop recommander d'aller découvrir cette pièce de Sharr White, jeune auteur américain déjà en vogue dans son pays mais qui n'avait pas encore été monté en France. Juliana, le personnage central, est une scientifique qualifiée qui a breveté une molécule censée apaiser les tumultes intérieurs. Son incontinence verbale, les disjonctions de sa pensée, ses obsessions enragées envers une femme en bikini qu'elle a croisée sur un lieu de villégiature prouvent que ce traitement n'a sur sa personne aucun effet salutaire. Il apparaît, au fil de la représentation, que le passé, demeure, en ce qui la concerne, une plaie ouverte. Qu'elle est - en dépit des prévenances de son mari dont elle se dit séparée et d'une psychiatre sur le qui vive - sévèrement perchée. Ce passé qui deviendra de moins en moins nébuleux la tire par la manche. Au cours d'une scène d'une puissance déflagrante où se cristallisent toutes ses angoisses, elle s'introduit dans une maison qu'elle habita autrefois et qu'elle croit toujours sienne. La propriétaire est une jeune femme qui masque sous des apparences disons normales une personnalité sérieusement ébréchée.Si la pièce ne prête pas à la folle hilarité elle n'en est pas pour autant lugubre. On se surprend souvent à rire aux éclats. Cela grâce à la mise en scène toute en astuces de Philipe Adrien qui a, à de multiples reprises, montré que pour ce qui est de l'éloignement de la réalité il en connaît un bout. Le personnage de Juliana semble avoir été taillé à l'aune de Caroline Silhol. Tant elle y est à son affaire. Léna Bréban et Hervé Dubourjal font tout du long jeu égal avec elle. Une vidéo conçue avec une véritable empathie pour cet univers troublé par Jean Haas reflète étonnamment l'état mental de la femme dont est relaté l'itinéraire.
THÉÂTRE DU petit ST-MARTIN tel 01 42 08 00 32
vendredi 16 janvier 2015
Nos serments. Texte Guy-Patrick Sainderichin et Julie Duclos
Il fut un temps où le cinéaste Eric Roehmer réalisait des films où il mettait en scène et faisait parler (d'abondance!) des personnages qui avaient deux générations de moins que lui. Ils utilisaient évidement des mots qui auraient pu être les siens. Il y va tout autrement dans "Nos serments" où des acteurs (files et des garçons d'une vingtaines d'années) se retrouvent dans la peau et les nerfs de jeunes gens des années 70. Epoque que vécut Guy_Patrick Sainderichin, l'un des deux auteurs de la pièce, et au cours de laquelle il découvrit "La maman et la putain" film de Jean Eustache qui fut emblématique de ces années d'avant les portables, le web,l'obsession de la réussite sociale... A ses côtés, n'ayant pas besoin de puiser dans sa réserve de souvenirs, la jeune Julie Duclos avec laquelle il s'inspira des improvisations des comédiens pour fourbir dialogues et monologues intérieurs et qui dirige ceux qui, il y a peu, firent,souvent,avec elle leurs classes au conservatoire.
Le récit est celui d'un homme qui après avoir vécu avec une femme disons un brin possessive, partage la vie d'une autre et s'autorise à vivre une histoire d'amour avec une infirmière polonaise récemment arrivée en France. On n'a, à ma connaissance jamais évoqué avec une tel naturel la liberté d'aimer qui provoqua dans les années d'avant le sida tant d'ivresse et d'effondrements Mélancolie et humour sont d'ailleurs du début à la fin du spectacle indémêlables. Une heureuse sélection de tubes de l'époque font fréquemment palpiter la représentation. On ne saurait assez louer les cinq interprètes (Maëlia Gentil, David Houri, Alix Riemer, Magdalena Malina et Yohann Lopez qui incarne une sorte de témoin pas neutre du tout des événements ) qui donnent à des personnages inactuels une vérité attachante. Le mot attachant est à l'évidence celui qui sied le mieux à ce spectacle fait de subtils allers retours entre théâtre et vidéo.
Jusqu'au 14 février la Colline-théâtre national Tel 01 44 62 52 52
vendredi 9 janvier 2015
Sandre de Solenn Denis
Comme nombre de couples celui de la femme qui parle s'est décomposé. Sur les conseils de sa mère qui lui affirmait qu'on tient l'homme par l'estomac elle était pourtant devenue une sorte de fée du logis. L'arrivée de deux enfants n'empêcha pas non plus qu'il cessa de l'aimer et prit pour amante ... sa secrétaire. On le sait : tout cliché abrite une part de vérité. Elle garda le sourire, jamais ne donna libre cours à sa rancoeur. Puis passa à l'acte. Solenn Denis s'est mise à l'écoute d'une femme meurtrière. Ses paroles sont foisonnantes. De multiples voix s'échappent d'elle. Des examens psychiatriques attestent qu'elle n'est pas folle. Les sévices moraux qu'elle a subi en ont fait un personnage de tragédie. C'est un homme, Erwan Daouphars, acteur d'un talent consommé qui incarne cet être au bout du rouleau, hanté par ses souvenirs, inconsolable. La mise en scène est, dit Solenn Denis, collégiale. Le fruit de la prodigieuse ténacité du collectif Denisyak. Il n'en reste pas moins que l'écrivaine possède un style qui ne ressemble à celui de personne, un talent inné, une intuition qui laisse médusé.
Jusqu'au 16 janvier Théâtre de La Loge 77, rue de Charonne Paris 75011 21h
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