Relégué au purgatoire depuis quantité d'années le théâtre de Sartre n'est pas aussi daté qu'on le prétend. Même si certaines de ses pièces telles que La putain respectueuse ou Morts sans sépulture pèchent par un manichéisme exaspérant. Il en va tout autrement de Huis clos où un homme et deux femmes se retrouvent après leur mort dans une chambre surchauffée où ils ne tardent pas à se prendre de bec. Le climat d'inimitié qui règne entre eux se détériore davantage encore quand chacun aura vidé son sac et offrira aux deux autres une image peu flatteuse de sa personne. Ils en arrivent vite à constater que s'ils se trouvent réunis c'est qu'ils possèdent la faculté d'être les tourmenteurs les uns des autres.
Qui ne se souvient de la phrase "L'enfer c'est les autres"? Elle n'est pourtant guère généralisable. Les trois quidams contraints de partager un lieu à la physionomie accablante ont été choisies car elles n'ont aucune affinités. Ils serait donc plus judicieux de dire que l'enfer c'est le défilé morne et sans fin des heures. Agathe Alexis, qui joue la lesbienne à la verve assassine, a ordonné une mise en scène qui met le texte sous tension. L'excellence des acteurs est pour beaucoup dans la réussite de la représentation. Bruno Boulzaguet, le seul qui n'a pas attenté à la vie de quiconque a la partition la plus difficile. Mais son personnage nous est rapidement d'une inquiétante familarité.
Un spectacle qui en cette période de programmation chétive vaut la découverte.
Jusqu'au 31 août Le Lucernaire tel 01 45 44 57 34
samedi 13 juillet 2013
lundi 8 juillet 2013
Chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams
La seule condition à laquelle sont soumis les metteurs en scène chargés de monter une pièce durant les mois de juillet et août devant la façade du château de Grignan est de ne pas avoir le goût aventureux. Résultat ce sont immanquablement des comédies de Molière, de Goldoni, ou de Shakepeare qui sont proposées à un public qui, à chaque représentation, vient en nombre. Il faut donc saluer bien bas Claudia Stavisky qui en portant son choix sur La chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams rompt avec des habitudes bien ancrées. Qu'on se rassure cependant : cet auteur qui aime décrire des règlement de compte familiaux sulfureux ne pratique pas de disjonctions narratives et évoque sans détours de bien honteuses manigances.
Un homme nanti, - qui bien qu'en fin de course se délecte à tomber à bras raccourcis sur sa soumise épouse- reçoit la visite de ses deux fils. L'un qui a une jambe cassée et est constamment imbibé a pour épouse une femme que ses poses et propos aguicheurs laissent froid. L'autre, heureux papa de quatre enfant (bientôt de cinq!) attend l'occasion qui, il l'a appris, ne tardera pas, de mettre la main sur les biens du vieil homme aux colères homériques. Lequel visiblement, lui préfère son frère. Si des symboles tels que la jambe en piteux état de celui qui refuse de faire l'amour à sa femme sont rudement datés, la représentation ne manque pas de saveur. Grâce essentiellement à Alan Pralon et à Christiane Cohendy qui jouent on ne peut mieux des parents à peine plus marteaux que beaucoup d'autres. Clothilde Mollet est tout autant à applaudir à qui échoit le rôle de la belle fille à la voix souvent mauvaise et à la tripotée d'enfants. Bien que son personnage de fils mal aimé soit plus effacé, Stéphane Olivié Bisson arrive à jouer la fausse bonhommie avec juste ce qu'il faut de sourires contraints.
Si elle n'a pas retrouvé la flamme avec laquelle elle ordonna, il y a quelques mois, La mort d'un commis voyageur d'Arthur Miller, Claudia Stavisky a su redonner du relief à ce drame qui, pensait-on - contrairement à d'autres écrits de Tennessee Williams - tombait en poussières. Il ne fait pas de doutes que le spectacle encore un peu vert prendra au fil des semaines de l'épaisseur.
Jusqu'au 24 août Fêtes nocturnes 2013 Château de Grignan tel 04 75 91 83 65
Du 19 septembre au 20 octobre Célestins Lyon tel 04 72 77 40 40
Un homme nanti, - qui bien qu'en fin de course se délecte à tomber à bras raccourcis sur sa soumise épouse- reçoit la visite de ses deux fils. L'un qui a une jambe cassée et est constamment imbibé a pour épouse une femme que ses poses et propos aguicheurs laissent froid. L'autre, heureux papa de quatre enfant (bientôt de cinq!) attend l'occasion qui, il l'a appris, ne tardera pas, de mettre la main sur les biens du vieil homme aux colères homériques. Lequel visiblement, lui préfère son frère. Si des symboles tels que la jambe en piteux état de celui qui refuse de faire l'amour à sa femme sont rudement datés, la représentation ne manque pas de saveur. Grâce essentiellement à Alan Pralon et à Christiane Cohendy qui jouent on ne peut mieux des parents à peine plus marteaux que beaucoup d'autres. Clothilde Mollet est tout autant à applaudir à qui échoit le rôle de la belle fille à la voix souvent mauvaise et à la tripotée d'enfants. Bien que son personnage de fils mal aimé soit plus effacé, Stéphane Olivié Bisson arrive à jouer la fausse bonhommie avec juste ce qu'il faut de sourires contraints.
Si elle n'a pas retrouvé la flamme avec laquelle elle ordonna, il y a quelques mois, La mort d'un commis voyageur d'Arthur Miller, Claudia Stavisky a su redonner du relief à ce drame qui, pensait-on - contrairement à d'autres écrits de Tennessee Williams - tombait en poussières. Il ne fait pas de doutes que le spectacle encore un peu vert prendra au fil des semaines de l'épaisseur.
Jusqu'au 24 août Fêtes nocturnes 2013 Château de Grignan tel 04 75 91 83 65
Du 19 septembre au 20 octobre Célestins Lyon tel 04 72 77 40 40
vendredi 5 juillet 2013
Festival de la correspondance de Grignan
Astucieux de débuter ce festival piloté par Anne Rotenberg et qui, cette année à pour thème l'Amérique, par des lettres envoyées à son paternel, à sa mère et à des amis par le juriste débutant Alexis de Tocqueville qui, en 1831, partit à la découverte du Nouveau Monde. Curieux d'en découvrir le système pénitentiaire et de voir s'il pouvait être imité en France, il fit un séjour à Sing Sing (qui n'avait pas encore la sinistre réputation dont il ne s'est jamais défait) Il trouva à ce lieu d'innombrables vertus. Il fut, en revanche, déçu par New York aux rues alors mal pavées et à l'aspect monotone.... S'il constate sans porter de jugement la passion de faire fortune des habitants du pays on est quelque peu surpris qu'il admire la pureté des moeurs qu'engendre à son avis cette obsession du gain. Ses pérégrinations le conduisent dans des régions souvent d'une beauté chavirante mais où règne une brutalité qui ternit son enthousiasme. S'il décrit brièvement le sort de quelques esclaves noirs il est surtout ulcéré par les conditions de vies criantes d'injustice imposées aux tribus indiennes. Considéré souvent comme un surdoué de la scène, Xavier Gallais transmet ce texte avec une pétulance qui rappelle que son auteur était à l'époque où il envoya ces missives encore palpitant de jeunesse.
Lorsque William Faulkner vient en 1925 s'imprégner de l'air de Paris il est, lui aussi, encore un jeunot.
Impossible de deviner à travers les lettres divertissantes qu'il expédie aux siens l'enfer que sera sa vie auprès d'une femme portée, comme lui, sur la boisson. Le Paris qu'il découvre - même s'il est illuminé par la présence de Josephine Baker, Picasso, Gertrude Stein, Cocteau, Max Jacob et de nombreux américains venus s'y'encanailler- a encore du mal à cicatriser les plaies laissées par la Grande Guerre. Dans les restaurants qu'il fréquente on sert du lapin de gouttière c'est à dire du chat... L'Angleterre, où il fait un séjour, lui fait une impression carrément désastreuse. C'est Olivier Brunhes, épaulé par François Peyrony, musicien promis à un bel avenir, qui capte avec subtilité les humeurs du futur auteur d'Absalon, Absalon.
La comédienne et écrivaine Véronique Olmi lit, pour sa part, d'une voix prenante l'adaptation réalisée par Michèle Fitoussi des lettres de la romancière Carson Mccullers dont il est inutile de rappeler combien son talent en impose. Plus que son oeuvre elle évoque celui avec lequel elle aura vécu 18 ans durant un fol amour : Reeves Mccullers auquel elle fut mariée deux fois. L'éblouissement que sa beauté suscita en elle à leur première rencontre jamais ne la quitta. Lorsque devenu une épave alcoolique il mit un terme à sa vie elle garda dans les replis de sa mémoire l'image, dont elle était la seule à se souvenir, de celui dont les traits l'avait enflammée. Les mots ici nouent la gorge.
C'est Pio Marmaï, acteur généralement happé par le cinéma qui balance, sous la direction affûtée de Richard Brunel, des textes écrits par le journaliste et inapaisé chronique qu'était Hunter Thompson. Bien que passionné d'armes à feu, il professait le plus profond mépris pour ceux qui s'en servent en prenant des humains pour cibles, La mesure n'étant pas son fort Hunter inventa une forme de journalisme insolent et subjectif qui lui valut une gloire dont il n'avait rien à foutre. Ses articles étaient des festivals d'uppercuts verbaux. Ainsi il ne se priva pas de dénoncer la félonie de Richard Nixon ni à la mort de John Wayne de dire tout le mal qu'il en pensait. Si cette lecture nous laisse sonné c'est évidement grâce au comédien et à celui qui l'a dirigé mais aussi à Jean-Philippe Minart et Serge Sandor qui ont tiré de ces écrits une matière qui en ces temps de déploration fait plaisir à entendre. Mais ne nous laissons pas bercé par l'illusion que le monde d'hier était plus vivable que le nôtre. Moralement et politiquement ravagé Thompson a devancé l'appel peu après le 11 septembre 2001.
Le festival se poursuit jusqu'au 7 juillet. Le moins qu'on puisse dire est qu'il affiche déjà un beau bilan
Tel 04 75 46 55 83
Lorsque William Faulkner vient en 1925 s'imprégner de l'air de Paris il est, lui aussi, encore un jeunot.
Impossible de deviner à travers les lettres divertissantes qu'il expédie aux siens l'enfer que sera sa vie auprès d'une femme portée, comme lui, sur la boisson. Le Paris qu'il découvre - même s'il est illuminé par la présence de Josephine Baker, Picasso, Gertrude Stein, Cocteau, Max Jacob et de nombreux américains venus s'y'encanailler- a encore du mal à cicatriser les plaies laissées par la Grande Guerre. Dans les restaurants qu'il fréquente on sert du lapin de gouttière c'est à dire du chat... L'Angleterre, où il fait un séjour, lui fait une impression carrément désastreuse. C'est Olivier Brunhes, épaulé par François Peyrony, musicien promis à un bel avenir, qui capte avec subtilité les humeurs du futur auteur d'Absalon, Absalon.
La comédienne et écrivaine Véronique Olmi lit, pour sa part, d'une voix prenante l'adaptation réalisée par Michèle Fitoussi des lettres de la romancière Carson Mccullers dont il est inutile de rappeler combien son talent en impose. Plus que son oeuvre elle évoque celui avec lequel elle aura vécu 18 ans durant un fol amour : Reeves Mccullers auquel elle fut mariée deux fois. L'éblouissement que sa beauté suscita en elle à leur première rencontre jamais ne la quitta. Lorsque devenu une épave alcoolique il mit un terme à sa vie elle garda dans les replis de sa mémoire l'image, dont elle était la seule à se souvenir, de celui dont les traits l'avait enflammée. Les mots ici nouent la gorge.
C'est Pio Marmaï, acteur généralement happé par le cinéma qui balance, sous la direction affûtée de Richard Brunel, des textes écrits par le journaliste et inapaisé chronique qu'était Hunter Thompson. Bien que passionné d'armes à feu, il professait le plus profond mépris pour ceux qui s'en servent en prenant des humains pour cibles, La mesure n'étant pas son fort Hunter inventa une forme de journalisme insolent et subjectif qui lui valut une gloire dont il n'avait rien à foutre. Ses articles étaient des festivals d'uppercuts verbaux. Ainsi il ne se priva pas de dénoncer la félonie de Richard Nixon ni à la mort de John Wayne de dire tout le mal qu'il en pensait. Si cette lecture nous laisse sonné c'est évidement grâce au comédien et à celui qui l'a dirigé mais aussi à Jean-Philippe Minart et Serge Sandor qui ont tiré de ces écrits une matière qui en ces temps de déploration fait plaisir à entendre. Mais ne nous laissons pas bercé par l'illusion que le monde d'hier était plus vivable que le nôtre. Moralement et politiquement ravagé Thompson a devancé l'appel peu après le 11 septembre 2001.
Le festival se poursuit jusqu'au 7 juillet. Le moins qu'on puisse dire est qu'il affiche déjà un beau bilan
Tel 04 75 46 55 83
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