dimanche 18 octobre 2020

Un jour, je reviendrai composé de L'apprentissage et du Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce

Dans les deux textes autobiographiques qu'a réuni le metteur en scène Sylvain Maurice,  Jean-Luc Lagarce s'exprime à la première personne.  L'apprentissage est le récit de sa sortie du coma. Ouvrant un oeil il devine ou croit voir A, son frère d'adoption. Une présence réconfortante. Celle d'une grosse femme souvent présente mais qui ne s'adresse jamais à lui n'est, quant à elle,  en rien réjouissante. Avec elle comme avec les autres membres du personnel hospitalier il a le sentiment d'être condamné au rebut. Les chambres voisines sont occupées, il l'entend, par des hommes aussi peu vaillants que lui. La mort, dont il prend connaissance,  de l'un d'entre eux fait davantage encore chuter son moral.  Remis sur pied il fait le récit de son Voyage à La Haye. A. à présent le secoue, supporte mal ses troubles de l'humeur, lui reproche de se montrer blessant avec les membres de sa troupe. Lorsque celle-ci s'en va jouer en Hollande  une des pièces régie par lui il ne se sent pas le courage de faire le trajet en compagnie de ses acteurs. Avant de les rejoindre il retrouve Amsterdam où il erre dans des lieux où il assouvit autrefois son désir des garçons. Jean-Luc Lagarce appartenait à cette frange d'artiste qui au plus fort de l'épidémie de sida évoqua sans détour son homosexualité.  La force de son écriture tient en partie à la franchise avec laquelle il aborde les situations qu'il lui faut affronter. Il lui suffit de quelques mots pour faire entendre qu'il est des moments où il se vit comme un vieillard. C'est avec la même simplicité, alors qu'il sait son temps compté, qu'il s'attarde sur l'effet produit sur lui par son médecin, le bel Antoine. Si sa lucidité ne faiblit pas, on le sent au fil des phrases de plus en plus détaché. Vincent Dissez saisit avec une délicatesse hors du commun les états d'esprit de l'écrivain.  Il en arrive à donner le sentiment qu'il s'est immergé dans les profondeurs de son être. On ne sera pas étonné que ces deux monologues si magnifiquement proposés apparaissent comme les miroirs des temps pandémiques que nous subissons.  Jusqu'au 23 octobre Théâtre Sartrouville Yvelines CDN tél 01 30 88 77 79

Aucun commentaire: