mardi 31 octobre 2017
C'est la vie. Texte et conception Mohamed El Khatib
Donner un avis sur "C'est la vie" n'est pas concevable. Deux comédiens, Daniel Kenigsberg (61 ans) et Fanny Catel (37 ans) ont, il y a trois ans, chacun perdu un enfant. Sam âgé de 25 ans a décidé d'en finir. Josephine souffrait de pathologies lourdes qui, alors qu'elle avait atteint sa cinquième année, ont eu raison d'elle.Chacun raconte avec ses mots ce que ce séisme a provoqué en eux. D'identité culturelle juive, Daniel Kenigsberg a bravé des interdits séculaires en portant le cercueil de son fils ce qu'un père n'est pas autorisé à faire. Alors que le Talmud condamne le suicide il s'est adressé à un rabbin éclairé qui n'a pas souscrit à cette tradition. Les plaisanteries faisant le sel des réunions ashkenazes, il ne se prive pas d'en rappeler quelques unes d'une saveur irrésistibles. Il n'hésite pas non plus à inventer des anecdotes qui mettent en valeur Djamel Debouze ou moquent Christian Clavier. Fanny Catel s'en tient, elle aux faits mais arrive néanmoins à balancer une phrase qui laisse son partenaire sans voix. Il apparaît vite qu'il n'est en français (comme dans la plupart des langues à l'exception de l'hébreu et de l'arabe)pas de mots pour désigner les parents qui ont perdu un enfant.L'initiative de cet ensemble de réflexions sur la perte d'un être cher revient à Mohamed El Khatib qui a, lui, écrit et interprété Finir en beauté où il se remémore la mort de sa mère. Il s'est, cette fois pour ce qui est de l'élaboration et l'écriture de C'est la vie, fait le complice des deux acteurs. Lesquels sont à la fois présents sur scène et sur des écrans conçus par le plasticien vidéaste Frédéric Hocké. Dans le cadre du Festival d'Automne. Jusqu'au 7 novembre Théâtre Ouvert tél 01 42 55 74 40 Du 10 au 22 novembre Espace Cardin/Théâtre de la Ville
jeudi 26 octobre 2017
Intra Muros écrit et mis en scène par Alexis Michalik
Alexis Michalik a le vent en poupe. Ce qui n'est pas fait pour surprendre puisque Le porteur d'histoire, Le cercle des illusionnistes et Edmond, ses précédentes pièces à la langue ciselées sont aussi riches en péripéties, retournements de situation, émotion et humour que des bonnes séries télévisuelles. Ce qui est aussi le cas de Intra muros, sa petite dernière. Elle se déroule entre les quatre murs d'un lieu de détention pour des condamnés à de lourdes peines. Un metteur en scène de théâtre qui, lui, na pas rencontré la gloire, vient y faire son premier cours épaulé par une actrice qui fut sa femme et une assistante sociale moins godiche qu'il n'apparaît de prime abord. Celui qui semble jouer son va tout et espérait que son cours allait attirer de nombreux détenus ne tarde pas à faire la cuisante constatation que seuls deux d'entre eux se montrent intéressés. L'un, Kevin, bouillonne d'énergie, l'autre nettement plus âgé ne décroche pas un mot. Petit à petit chacun -y compris les théâtreux - vont se livrer. Les récits s'enchevêtrent à merveille grâce au métier dont font preuve les cinq comédiens - soutenus par un musicien - qui passent d'un rôle à l'autre. On aurait raison de trouver parfois mécanique le déploiement de virtuosité, qui caractérise les mises en scène d'Alexis Michalik et déplorer que l'avalanche de rebondissements jamais ne connaisse de répit. Mais on ne peut que constater que le public, en majorité jeune, y trouve son compte. La Pépinière théâtre tél 01 42 61 44 16
mardi 17 octobre 2017
Ceux qui restent. Conception David Lescot
Lorsque la Pologne tombe en 1939 sous le joug nazi Paul avait 7 ans, sa cousine Wlodka 12. Ils sont du petit nombre des témoins encore en vie des atrocités commises dans le ghetto de Varsovie avant qu'il ne fut liquidé et ses habitants déportés à plein convois. Face à David Lescot, ils ont rameutés des souvenirs que pendant des décennies ils furent incapables de mettre en mots. Paul est le fils d'un libre penseur, sa cousine la fille d'un membre du Bund (mouvement révolutionnaire juif) Si les deux enfants purent échapper à une soldatesque rompue à l'insensibilité c'est que des jeunes non juifs les aident à travestir leur identité et leur trouvent des familles qui contre paiement acceptent de les cacher. Si quelques personnes leur viennent en aide, la plupart, se souviennent-ils, étaient plutôt enclins à les dénoncer.Par amour de l'argent comme par haine du "youpin"Malgré ce que Paul appelle des couacs de la mémoire, il en arrive à en rassembler des bribes. Arrivé en France où il vécut dans des maisons d'enfants de l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide il ne dira mot de son passé. Jamais les enfants regroupés dans ces lieux n'évoquent leur famille disparue ou les épreuves qu'ils ont traversés. Plus tard il est devenu astrophysicien et a, comme sa cousine, fondé une famille. A celle-ci il s'est, sur ses vieux jours, mis à parler. A une époque où tant d'humains sont à nouveau privés du droit d'avoir des droits les témoignages de Paul et de Wlodka ne peuvent qu'éclairer une jeunesse abreuvée d'informations souvent douteuses. Les interprétations d'Antoine Mathieu et de Marie Desgrange qui, sous la direction délicate de David Lescot, se glissent dans la peau et les nerfs des enfants rescapés sont de celles qui s'impriment en nous. Du 18 au 28 octobre puis du 7 novembre au 9 décembre. Théâtre Dejazet tél 01 48 87 52 55
samedi 14 octobre 2017
Zig Zig de Laila Soliman
Figure phare de la scène égyptienne Laila Soliman rappelle dans Zig Zig des faits atroces que se sont produits en 1919 dans un village de son pays alors sous mandat britannique. Pour se venger d'une agression subie dans la région des soldats de l'empire ont violé de nombreuses paysannes puis après avoir fait main basse sur l'argent et les bijoux ont incendiés leurs maisons. Un procès a suivi au cours duquel plusieurs des femmes outragées ont pris la parole et décrit leur calvaire. Ces récits cinq comédiennes s'en sont emparés qui se glissent tour à tour dans la peau des victimes et de ceux qui jugent de la véracité de leurs témoignages. Il s'agit là d'un théâtre a minima mais d'une puissance peu commune. Les sévices subis par ces femmes ont provoqués chez plusieurs d'entre elles des troubles de l'identité. Ce qui permet à ceux qui les jugent de distordre les faits et de considérer mensongères leurs dépositions. Rentrés au pays les soldats violeurs s'en tirent, eux, sans casse. Ce théâtre documentaire trouve en cette époque qui connaît tant de séismes politiques de troublants échos. Il est,on le remarque, fait peu de cas des paroles de ceux qu'on appelle les migrants. Allégeant la représentation les comédiennes exécutent quelques pas de danse. A d'autres instants c'est pour notre plus grand plaisir que s'élève la voix d'Oum Khalthoum. Dans le cadre du Festival d'Automne. Jusqu'au 21 octobre Nouveau Théâtre de Montreuil tél O1 48 70 48 90
lundi 2 octobre 2017
Stadium Performance documentaire Texte de Mohamed El Khatib
Stadium a l'immense mérite de ne s'inscrire dans aucune tradition. Pour en écrire le texte Mohamed El Khatib, lui-même fan de foot qu'il a pratiqué à haut niveau, s'est longuement entretenu avec des supporters du RC Lens. A partir du matériau recueilli il a conçu ce qu'il appelle une performance documentée et documentaire. Le plateau est occupé par une foule d'hommes, de femmes et d'enfants qui consacrent une part substantielle de leur temps à leur passion et surtout à supporter leur club. Ce qui, on s'en doute leur permet d'échapper aux pesanteurs de la réalité. Et semble les rendre solidaires les uns des autres. Une grand-mère qui défend avec conviction les couleurs du club est entourée de sa nombreuses descendance dont tous les membres - à l'exception d'une belle fille qui soutient une autres équipe... - partagent sa passion. Tous s'expriment sans détour et d'une façon le plus souvent savoureuse. Beaucoup y vont de quelques paroles bien senties où ils apparaissent d'une parfaite lucidité tant pour ce qui est de l'assujettissement des clubs sportifs au système marchand qu'en ce qui concerne les difficultés que connaît leur région où depuis la fermeture des mines et l'effondrement de l'industrie sidérurgique le chômage va en progressant. Ce qui, comme le souligne un maire du Nord Pas de Calais explique le vote protestataire en faveur du Front national d'électeurs d'une région traditionnellement de gauche. Certains se livrent sur un écran situé en fond de scène notamment un homme jeune qui constate que le supporterisme l'intéresse au delà de toute mesure et lui fait faire des sacrifices qu'il risque fort de regretter dans quelques années. Tout n'est donc pas rose chez les membre du Racing Club de Lens. Ce qui n'empêche que le nombre grandissant de supporters qui ont rejoint le plateau où beaucoup se sont mis à danser évoquent irrésistiblement les kermesses et marchés peints par Breughel l'ancien. Dans le cadre du Festival d'Automne et en collaboration avec le Théâtre de la Ville. Jusqu'au 7 octobre La Colline tél 01 44 62 52 52
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