jeudi 23 avril 2015
Antigone de Sophocle
Peu de tragédies venues du fond des âges ont conservées autant d'impact que l'Antigone de Sophocle. C'est qu'ils sont, comme autrefois, innombrables les détenteurs du pouvoir qui promulguent - ou inspirent- des lois iniques. Malheur à ceux qui, comme Antigone, les bafouent. Considéré comme l'un des metteurs en scène phare d'aujourd'hui, Ivo van Hove a monté la pièces avec des acteurs britanniques et la française Juliette Binoche aussi à l'aise dans la langue de Shakespeare que dans la sienne. Disons le d'emblée : les comédiens, et en particulier Patrick O'Kane qui interprète Créon, sont remarquables de sobre intensité. D'où vient alors le sentiment de gêne qui parfois nous gagne? Assurément à une trop grande quantité d'effets sonores et surtout visuels. Difficile aussi de ne pas être surpris par le découpage du texte. Antigone morte ressurgit pour lancer des phrases qui devaient échoir à l'un des autres protagonistes. Ce qui est d'autant plus navrant que la traduction de Anne Carson (qu'on découvre en surtitres)restitue avec des phrases incandescentes la force du drame. Reste qu'en ces temps couturés de guerres et de mensonges d'Etat, la tragédie de Sophocle apparaît plus que jamais comme un vibrant appel à l'insubordination.
Jusqu'au 14 mai Théâtre de la Ville tel 01 42 74 22 77
jeudi 16 avril 2015
Les inquiets et les brutes de Nis -Momme Stockmann
Deux frères dont les relations se sont visiblement espacées découvrent ensemble leur père mort. S'ils se montrent modérément émus, ils n'ont guère idée de ce qu'il convient de faire du corps souillé du vieillard. L'auteur dramatique allemand Nis -Momme Stockmann n'est amateur ni de psychologie, ni de conventions narratives ni enfin des situations trash si courantes dans le théâtre d'au delà du Rhin. Si les frères en viennent parfois aux mains, ils n'ont pas de ces discussions si attendues dans de telles circonstances au cours desquelles chacun déballe ses griefs. L'aîné puis son cadet, se laissent aller à des pensées qui peu à peu s'égarent. Et leur permet d'interroger l'inconnu en lui. L'écriture hallucinée de l'auteur âgé seulement de 34 ans n'est pas sans évoquer celle de Peter Handke. Olivier Martinaud qui a mis en scène cette pièce d'une force secouante (qu'il a traduit de l'allemand avec Nis Haarmann) a déniché pour la jouer deux comédiens dont la démesure intérieure convient on ne peut mieux à cet univers d'une intensité peu commune. Il s'agit de Daniel Delabesse (vu dans des créations de Didier Bezace) et de Laurent Sauvage (remarqué en compagnon de route de Stanislas Nordey)
JUsqu'au 16 mai Le Lucernaire tel 01 45 44 57 34
lundi 13 avril 2015
Dehors devant la porte de Wolfgang Borchert
Deux spectacles d'écrivains allemands actuellement à l'affiche à Paris évoquent le retour au pays d'un soldat parti guerroyer. Hinkemann d'Ernst Toller décrit les désastreuses retrouvailles avec sa femme d'un homme qui a perdu durant la saignée de 14-18 ses attributs sexuels. Bien que mise en scène avec maestria par Christine Letailleur la pièce portée aux nues par la critique nous a semblé inconsidérément bavarde et lorgner trop résolument du côté de Bertolt Brecht. Dehors devant la porte de Wolfgang Borchert est d'un acabit nettement supérieur. Revenu de Sibérie où il passé plus de deux ans, le sous officier Beckmann qui participa à la bataille de Stalingrad a une jambe raide et porte des lunettes de masque à gaz. Celles-ci devaient permettre à ceux qui les chaussaient de foncer droit sur l'ennemi. L'ennemi à présent sont plutôt ses compatriotes qui le prennent de haut et ne lui offrent aucune aide. Son allure et ses paroles lui valent au contraire des rires malveillants. Il atteint le bout de ce chemin de douleur quand une voisine de ses parents, avec des accents mauvais, lui relate leur sort. Qu'on laisse découvrir tant il dépasse l'imagination. La jeune Lou Wenzel s'est saisie de cette pièce qui, on l'aura compris, baigne dans le noir de son temps, avec des moyens réduits et un art déjà consommé de la mise en scène et de la direction de comédiens. Wolfgang Borchert écrivit ce texte (et quelques nouvelles) au sortir de la guerre. Il mourut peu après âgé de 26 ans. Le prodige est que l'élan qui soulève la troupe est diablement porteur d'espoir.
Jusqu'au 19 avril à La Parole errante - Montreuil Réservations : louwenzel@free.fr
dimanche 12 avril 2015
La révolte de Auguste de Villiers de l'Isle -Adam
On ne peut que complimenter Marc Paquien qui a eu la riche idée de monter ce texte d'une aigre splendeur de Villiers de l'Isle-Adam. Ce que fit déjà il a quelques années et de façon mémorable Alain Olivier. Une jeune femme, prénommée Elisabeth, tient avec sagacité le livre de comptes de son époux. Une nuit, lasse de se sentir happée par le néant de cet homme, qui amasse, trafique, fait les poches à ceux qui sont dans le besoin, elle lui annonce qu'elle le quitte. Pour lui expliquer son geste elle descend en elle-même, lui parle de sa vie réglée comme une horloge, de sa soif d'intensité. Ce qui ne sape pas le moins du monde les certitude du mari. Lequel ne retient pas un traitre mot des explications de celle qu'il considère davantage comme sa comptable que comme sa femme ou que comme la mère de son enfant. Mais Elisabeth qui avait tout misé sur la fuite revient quelques heures plus tard. Consciente que l'ennui qui l'accablait ne peut se dissiper. Ce texte subversif, le maître d'oeuvre l'a mis en scène de manière on ne peut plus classique. Acteurs au cordeau, Anouk Grinberg et Hervé Briaux ont, comme on pouvait s'y attendre, un jeu sans failles.
Jusqu'au 25 avril Théâtre de Bouffes du Nord tel 01 46 07 34 50
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