vendredi 4 août 2017
Quelques perles glanées dans le off d'Avignon
Plusieurs jours déjà que le festival a pris fin. Mais les souvenirs de quelques spectacles découverts in extremis dans le off restent vifs.Ce qui est le cas de "Tu seras un Homme papa" de Gaël Leiblang qui, sous la direction de Thibault Amorfini, l'interprète en solo. Ancien journaliste sportif, il se remémore les 13 jours chagrin où Roman, son fils né prématurément, fut gardé en couveuse. Avant le dénouement redouté la famille du nouveau né connut l'épreuve des espoirs constamment déçus. L'écriture aida le père à tenir le coup. Le sportif qu'il n'a cessé d'être s'employa à se battre contre l'effondrement. Une sorte de journal on ne peut plus intime est né dont, convaincu que le théâtre peut grandement contribuer à se refaire, Thibault Amorfini, metteur en scène aussi précis que doué d'une sensibilité exacerbé a tiré un spectacle qu'on quitte submergé par l'émotion.
Dans "Chuuuuuut!" Emmanuelle Rivière, également seule en scène, fait de sa vie la matière première de son spectacles. Ses souvenirs, notamment celui de sa bruyante grand-mère espagnole, remontent à tire d'aile. Du temps de son enfance, elle aussi d'un tempérament excessif, s'entendit sans cesse dire qu'elle en faisait trop. Après l'avoir du coup trop souvent bouclée elle laisse son esprit dériver et nous livre avec un humour incendiaire ce qu'elle appelle son brouhaha intérieur. Auteur dramatique à la réputation amplement méritée, l'irlandais Martin Mcdonagh s'attache dans "La reine de beauté de Leenane" - dont s'est emparée Sophie Parel - à un couple mère-fille englué dans une vie sans autre distraction que les incidents qui les dresse l'une contre l'autre. Revenu pour quelques jours de Londres où il est allé gagné de quoi subsister un garçon découvre, après n'avoir songé qu'à passer avec elle du bon temps, qu'il s'est épris de la fille de la misérable maison. Peu après il lui demandera de tenter avec lui l'aventure de l'Amérique. Grâce à la traduction fidèle du parler terrien des personnages faite par Gildas Bourdet et au jeu impressionnant de justesse de Marie-Christine Barrault (qui l'a joué en alternance avec Catherine Salviat), d'Alexandre Zambeaux et d'Arnaud Dupont ce spectacle a fait tout du long salle comble. Jean-Louis Bourdon nous dépeint avec "L'étrange destin de M. et Mme Wallace", sur lequel Marion Bierry a jetté son dévolu, une Amérique qui n'est, elle, pas de rêve. Madame Wallace est une femme dévastée par l'ennui et par le souvenir d'une fausse couche. Le jour où elle découvre dans sa poubelle un nourrisson noir elle ne se tient plus de joie. Le mari l'a, lui, mauvaise. Ce qui n'est pas étonnant puisqu'il est un membre actif du Ku klux Klan. Il finit pourtant par comprendre que sa femme et lui menaient jusqu'alors un existence rabougrie.Opinion que ses compagnons de virée ne partagent pas. Comédienne à très forte présence, Marianne Epin tire adroitement son épingle du jeu. Il faut en revanche beaucoup d'imagination pour se convaincre que Bernard Menez, qui excelle dans les rôles de benêt, puisse être un leader d'une bande de racistes prêts à commettre les pires exactions. De racisme il est aussi question dans le captivant "Voyage de Dranreb Cholb" qu'a écrit (d'abord sous forme de récit puis de pièce) et monté Bernard Bloch. Seul juif d'un groupe de touristes qui sillonnaient Israël et les territoires occupés, il discuta avec quantité de personnes dont la plupart exhalèrent leur amertume. Les témoignages les plus marquants sont restitués par l'entremise de comédiens qui apparaissent sur un écran. Sur le plateau c'est le toujours excellent Patrick Le Mauff qui relate les étapes de ce voyage dans une région du monde où les compromis politiques apparaissent décidément, et sans doute pour le malheur de tous, inenvisageables. Joué par Thomas Durant et Mélissa Broutin "La nuit et le moment" de l'écrivain libertin Crébillon fils fut un des moments les plus délectables du off. Un homme et une femme évoquent dans une langue délicieusement ciselée leurs bonnes fortunes passées. Les mots virevoltent alors qu'ils se font tantôt des avances
tantôt mine de se repousser. L'atmosphère est, pour notre plus grand plaisir, électrique. Le dernier coup d'archet fut donné par Vivaldi Piazzolla. Sous la conduite de Marianne Piketty de jeunes musiciens interprètent Les saisons de Vivaldi et celles de Piazzolla lesquelles s'enchevêtrent.Et l'on sourit enfin aux anges.
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