dimanche 31 mars 2019
Le voyage de G. Mastorna d'après Federico Fellini
Avec les succès retentissants de La dolce vita, Huit et demi et Juliette des esprits, Fellini était parvenu au faîte de sa carrière. Soutenu au début par le producteur Dino de Laurentis, il se prépare à tourner Le voyage de G.Mastorna avec lequel il tentera de franchir une nouveau cap. Il s'attache cette fois au sort post mortem d'un célèbre violoncelliste. Passager d'un avion pris dans une tempête, il se retrouve avec les autres passagers dans une ville où rien ne fonctionne et où il est parfaitement inconnu. Ce qui est d'autant plus troublant qu'il est incapable de décliner son identité. Marie Rémond, dont les mises en scène ont la particularité de mêler les genres (ce qui est devenu fréquent) et surtout d'être d'une invention à nulle autre pareille, a adapté avec Thomas Quillardet et Aurélien Hamard-Padis ce scénario dont le maestro ne réussit jamais à tirer un film. Le spectacle se focalise sur les quelques jours de préparation de ce qui aurait pu devenir le grand oeuvre de son auteur. Et le public d'être plongé dans un univers de turbulences où le cinéaste a de moins en moins prise sur les événements. Tourmenté de doutes, il en arrive à se demander s'il n'a pas commis une erreur en confiant le rôle de Mastorna à Marcello Mastroianni, son habituel complice. Devenus de plus en plus fréquents les conflits avec son producteur le minent. Le pire est atteint lorsqu'une partie essentielle du décor s'effondre. Ce qui a pour conséquence qu'il s'effondre lui aussi et se réfugie au fond d'un cagibi. Les membres de son équipe tentent en vain de débrouiller les problèmes.Rien n'y fait. Mais le spectacle, tout haché qu'il soit, est, lui, une indéniable réussite qui nous fait explorer un au-delà qui ressemble à s'y méprendre à l'ici-bas. C'est ainsi qu'après sa mort, le violoncelliste se trouve projeté dans un univers où règne le clinquant propre aux émissions de variété télévisuelle. On pense évidement à Ginger et Fred dans lequel Fellini exprimait le dégoût que lui inspirait le petit écran et surtout la décérébration qui déjà menaçait. On remarque d'ailleurs qu'il à intégré de nombreuses scènes du Voyage de G. Mastorna dans ses films suivants. Marie Rémond a réussi à embarquer dans cette aventure à hauts risques des comédiens qui, tous, jouent prodigieusement le jeu.Au premier chef Serge Bagdassarian, qui se glisse avec maestria dans la peau du maître et Laurent Laffite qui prête à la vedette une fragilité et une modestie qui semblent avoir été les siennes. Autour d'eux Alain Lenglet, Georgia Scalliet, Nicolas Lormeau, Jennifer Decker, Yoann Gasiorowski et Jérémy Lopez, qui pour certains passent d'une rôle à l'autre, y vont de tout leur foisonnant talent. A l'exemple des films de Fellini, cette nouvelle production du Français nous plonge par instants dans le halo d'un rêve ou d'un cauchemar. Jusqu'au 5 mai Vieux-Colombier tél 01 44 58 15 15
dimanche 24 mars 2019
Le pays lointain de Jean-Luc Lagarce
Louis a depuis longtemps faussé compagnie aux siens.Il a rejoint la grande ville et y a créé une nouvelle famille fait d'amis proches et de rencontres brèves. Accompagné de l'ami de longue date, il vient rendre visite à sa famille naturelle, comme la désigne son ami, après ne lui avoir que rarement donné signe de vie. S'il tient à la revoir, c'est qu'il veut lui faire savoir qu'il va bientôt mourir. Mais le terrain qu'il retrouve est si plombé qu'il n'en dira pas un mot. La tension familiale est depuis son arrivée à son comble. Etrangement c'est la présence autour de lui de son père défunt et d'un amant qui a, lui aussi fait un pas dans l'au delà (l'expression est d'Hélène Cixous) qui l'apaise. Comme lui dit sa mère sa présence provoque des crispations . En particuliers celles d'Antoine, son frère. Celui-ci le considère comme un cavaleur prodigue. Le temps passant ses rancoeurs ont fermentés. Il considère le silence que lui oppose Louis comme du mépris. Plutôt que de calmer son courroux les interventions de sa femme comme de leur jeune soeur l'exaspère. Les souvenirs de leurs querelles de jeunesse apparaissent inoxydables. Clément-Hervieux Léger qui assure la mise en scène a dirigé ces comédiens tous - à l'exception de Louis(Loic Corbery) - aux comportements à vif avec une douceur et un doigté extrêmes. Il a su s'entourer de comédien(Audrey Bonnet, Vincent Dissez, Nada Strancar, Aymeline Alix Guillaume Rivoire) qui donnent à leur personnage un relief saisissant. Si la première partie du spectacle est à l'évidence trop étirée, il n'en va pas de même de la seconde où la folie langagière et les jaillissements de brutalité rappellent à beaucoup des réminiscences d'un passé qui ne passe pas. Jusqu'au 7 avril Odéon Théâtre de l'Europe tél 01 44 85 40 40
lundi 18 mars 2019
A Bergman affair
Librement adapté par Serge Nicolaï de l'ouvrage d'Ingmar Bergman "Entretiens privés" la pièce s'attache à Anna, une femme mariée et mère de trois enfants qui a liaison avec un amant nettement plus jeune qu'elle. Ce qu'elle confie à son vieux pasteur. Celui-ci lui rappelle les terribles exigences de la foi et lui ordonne d'avouer à son mari qu'elle le trompe et de rompre avec celui dont elle est la maîtresse. L'entretien qu'elle a avec son mari qu'elle n'aime plus tourne mal. Après avoir longuement ruminé, il fait montre d'une inquiétante instabilité psychologique. Ce qui finit par avoir raison de la patience d'Anna. Ses liens avec son jeune amant ne tardent pas, eux non plus, à se défaire. Les unions chez Bergman sont inévitablement funestes. Il se montre, comme on peut s'y attendre, à l'écoute des tourment d'Anna interprétée avec un talent éprouvé (elle travailla longtemps sous la houlette d'Ariane Mnouchkine) par Olivia Corsini. S'inspirant du Bunraku, théâtre de marionettes japonais le metteur en scène a pris le risque de faire diriger, comme s'ils étaient des poupées, les corps des acteurs, et en particulier celui de la femme en proie à un insoutenable sentiment de culpabilité, par un manipulateur. Ce qui révèle avec force le mal être et les doutes qui assaillent les personnages. En fin de vie, le pasteur lui même ne semble plus trouvé de consolation dans la religion. Du pur Bergman! Jusqu'au 23 mars Le Montfort théâtre tél 01 56 08 33 88
vendredi 15 mars 2019
La chauve -souris de Johann Strauss
Pour ses débuts dans la mise en scène d'opérette Célie Pauthe ne s'est pas rendue la tâche facile. Hitler n'ignorait évidement pas que Johann Strauss avait des origines juives. Appréciant la gaieté acidulée de ses opérette, il lui offrit un certificat d'aryanisation. Ses oeuvres ne furent de ce fait jamais interdites. Brillamment mis en scène, le début du spectacle est, avec sa foison de quiproquos et ses danses tourbillonnantes, d'une folle allégresse. Les inflexions harmonieuses des voix des chanteurs-acteurs ajoutent à notre plaisir. Mais la maîtresse d'oeuvre a tenu à ce que le regard rapidement se décille. Les interprètes incarnent les artistes juifs qui furent déportés au camps de Térézin. Ils y jouèrent plusieurs spectacles. La chauve -souris y fut montée en 1944, pour abuser les représentants de la croix rouge à qui les nazis, experts en manipulation, firent croire que ceux qui vivaient dans cette ancienne forteresse y menaient joyeuse vie. Kurt Gernon, cinéaste de grand talent se prêta au jeu. Il filma les "habitants" de Terezin vivant dans des conditions idylliques. Le film terminé et les membres de l'organisation humanitaire partis, il fut comme la majorité de ceux qu'il avait montré profitant d'excellentes conditions de vie, envoyé dans les chambres à gaz d'Auschwitz. Le spectacle chatoyant était en fait une danse de spectres. Ce qu'un acteur à l'ouverture du 3e acte dit sur un ton inutilement larmoyant. C'est là la seule réserve qu'inspire cette représentation pour laquelle Anaïs Romand, plus habituée à mettre son remarquable métier au service du cinéma que de la scène, à conçue des costumes d'une exceptionnelle beauté.Jusqu'au 23 mars MC93 Bobigny tél 01 41 60 72 72 En collaboration avec l'Opéra national de Paris.
lundi 11 mars 2019
La collection d'Harold Pinter
Comme Beckett qu'il vénérait, Harold Pinter s'interroge sur le sens qu'on prête aux mots. Dans La collection, une de ses oeuvres de jeunesse, James tente de savoir ce qui s'est passé entre sa femme Stella et Bill, un créateur de mode. Celui-ci cohabite avec Harry qui prétend avoir sorti Bill des bas fonds. Le lien qui unit les deux homme reste un mystère. Le mari fait irruption dans la demeure de celui qu'il soupçonne d'avoir séduit sa compagne. S'agit-il d'un mensonge galant ou éhonté de la part de Bill? De l'imagination trop vive de James? Stella n'en dira pas plus. Le mari et le prétendu ou vrai amant finissent par s'affronter avec un couteau à fromage. Cette bagarre n'apportera pas plus d'éclaircissements que les remarques pernicieuses qu'échangent les deux adversaires. Ludovic Lagarde qui a adapté le texte et l'a mis en scène donne à la pièce un charme inquiétant. Il a trouvé en Mathieu Amaric, qui fait ses débuts sur un plateau de théâtre, Laurent Poitrenaud, complice attitré de Lagarde et Micha Lescot des interprètes idéaux. Valérie Dashwood écope d'un rôle plus bref où elle excelle. Jusqu'au 23 mars Théâtre des Bouffes du Nord tél 01 46 07 34 50
jeudi 7 mars 2019
Café polisson
Mise en scène avec malice par Jacques Verzier, la chanteuse Nathalie Joly qu'entourent la danseuse Bénédicte Charpiat, la bandéoniste Carmela Delgado et le pianiste Jean-Pierre Gesbert nous plonge au coeur des caf'conc et autres bastringues de la Belle époque. Les chansons qu'a dégotté la comédienne-chanteuse et qu'elle interprète de délectable façon sont, on ne s'en étonnera pas d'une franche gaillardise. Les attitudes qu'elle prend sont celles des modèles des tableaux de femmes dites de mauvaise vie aussi appelées les bitumeuses, les rôdeuses ou les fleurs de pavé. Les termes par lesquels on désignait celles qui vivaient de leurs charmes étaient à l'époque d'une imagination débordante. Vêtues avec l'élégance du trottoir par les soins des talentueuses Claire Risterucci et Carmen Bagoé, Nathalie Joly joue les coquine et compte inlassablement les sous que lui apportent ses activités. Elle rappelle aussi le sort de celles qui détenues à Saint Lazarre, le corps miné. Ne voulant pas clôre le spectacle sur une note sombre, elle nous gratifie, in fine d'une chanson leste qui met tout le monde en joie. Un régal que cette représentation à une époque où la crudité a si méchante réputation; Jusqu'au 3 avril Théâtre de l'Epée de bois tél 01 48 08 39 74
mardi 5 mars 2019
Je ne me souviens pas de Mathieu Lindon
Le journaliste et écrivain Mathieu Lindon prend dans "Je ne me souviens pas" le contrepied de Georges Perec qui dans son célèbre "Je me souviens" se remémore d'événements publics ou de petits riens qui ont trouvé un écho chez tous ceux de sa génération. Lindon parle, lui, de ce dont il a, comme tout un chacun, perdu la mémoire (sa première grippe, son premier rêve.. ) mais se rappelle avec force de comportements dégradants et aussi que son désir des hommes fut souvent pluriel. Sa langue caustique fait merveille. Sous l'oeil de Sylvain Maurice qui, s'il a de nombreuses mises en scène à son compteur n'est jamais autant à son affaire que dans les petites formes, le comédien Christophe Delloque livre les réflexions intimes de l'auteur sur un temps révolu avec une contagieuse délectation. Jusqu'au 6 avril Du jeudi au samedi Les Déchargeurs tél 01 42 36 00 50
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