Le temps chez ce couple établi dans une maison du bout du monde passe au fil d'anodines conversations. Celles-ci tournent autour de l'obscurité dans laquelle est plongé le paysage alentour, de la pèche que l'homme reprendra au printemps, du voisin porté sur la bouteille et du fils qui a mis les voiles, serait devenu musicien et balade sa vie on ne sait où. Comme toujours chez le dramaturge norvégien Jon Fosse - dont Claude Régy puis Patrice Chereau ont contribué a haussé la cote - les phrases restent en suspens.
On voit bientôt débarquer le fils qui, malgré les questions feutrées de ses parents, ne livrera qu'un entrebâillement de lui- même, puis le dit voisin, grand échalas au visage crayeux et à la langue bien pendue. Il prétend que le fils, qui lui a jadis barboté quelques bouteilles, a fait de la prison.
Jon Fosse a l'art immense de saisir les personnages dans leur déséquilibre intime et cela à travers une intrigue squelettique. Il y a donc intérêt à faire appel à des interprètes de première grandeur. Ce que le metteur en scène Jacques Lasalle n'a pas manqué de faire puisqu'il a réuni ces deux grands "anciens"de la Comédie Française que sont Catherine Hiégel et le si savoureux, le toujours inattendu Michel Aumont. Jean-Marc Stehlé fait , quant à lui, une composition haute en couleur de vieil homme dont la fébrilité mentale évoque à la fois l'écrivain Céline et Léo Ferré. Il aurait, en revanche, sans doute été préférable que Lassalle choisisse pour jouer le fils , plutôt qu'une jeune pousse, un acteur qui a de la bouteille. Ce qui aurait rendu la situation plus éprouvante. Dommage aussi que la toile de fond peinte soit aussi hideuse. La bonne idée aurait peut être été qu'il n'y ait pas de décor du tout...
"Le fils "est tout ensemble la peinture placide d'un monde finissant et celle d'une société où les sentiments jamais ne s'expriment. Ce qui est le plus visible au cours de la scènes où le fils réapparaît et qu'aucun bras ne s'ouvre et aussi de celle où Catherine Hiégel , apparemment pas plus émue que cela, met un coussin sous la tête d'un mort.
Théâtre de la Madeleine tel 01 42 65 07 09
vendredi 27 avril 2012
mercredi 25 avril 2012
The suit de Can Temba mis en scène par Peter Brook
Rebelle aux modes et aux courants, le metteur en scène à présent octogénaire Peter Brook n'a rien perdu de son entrain d'artisan qui monte pour la seconde fois "The suit" tiré de la nouvelle de l'auteur sud- africain Can Themba. La première version jouée en français tourna des années durant. Celle-ci est en tous points différente. Non seulement car ses interprètes sont de langue anglaise (les surtitres sont d'une rare clarté!), mais aussi parce que le texte, adapté par Brook lui-même, Marie Hélène Estienne et Frank Krawczyk, a été enrichi et surtout parce que des musiciens jouent en live sur le plateau et participent à l'action avec des fraîcheurs de gamin.
Pendant les années de haute tension qui ont précédées la proclamation de l'apartheid, un jeune marié dévoué à sa belle découvre que celle-ci lui est infidèle. Utilisant le costume dont l'amant n' pas eu le temps de se revêtir lorsqu'il fit irruption dans la maison, il fera de la vie de la femme adultère un enfer, franchissant constamment des crans supplémentaires dans son désir de l'humilier. Bien que l'argument soit féroce, la fantaisie la plus délicieuse souvent gouverne. Et l'on est de bout en bout (le spectacle ne dure qu'une heure quinze) sous le charme d'une distribution en état de grâce et des arabesques mélodiques. Mettant la barre sacrément haut, le maître a choisi pour interprètes William Nadylam, qui avait joué sous sa direction Hamlet, le new yorkais à la voix qui ferait croire au ciel Jared McNeill et Nonhlanhla Kheswa, chanteuse d'un talent fou originaire du Sowoto. Les sources musicales du spectacle vont de Schubert à Myriam Makeba. C'est dire combien les oreilles sont comblées.
Cette (re)création qui tient de la farce, de la tragédie et du spectacle musical et qui réussit si parfaitement la fusion entre la fiction et l'effroyable réalité politique est d'un Peter Brook au sommet de sa maîtrise
Jusqu'au 5 mai Théâtre des Bouffes du Nord tel 01 46 07 34 50
Pendant les années de haute tension qui ont précédées la proclamation de l'apartheid, un jeune marié dévoué à sa belle découvre que celle-ci lui est infidèle. Utilisant le costume dont l'amant n' pas eu le temps de se revêtir lorsqu'il fit irruption dans la maison, il fera de la vie de la femme adultère un enfer, franchissant constamment des crans supplémentaires dans son désir de l'humilier. Bien que l'argument soit féroce, la fantaisie la plus délicieuse souvent gouverne. Et l'on est de bout en bout (le spectacle ne dure qu'une heure quinze) sous le charme d'une distribution en état de grâce et des arabesques mélodiques. Mettant la barre sacrément haut, le maître a choisi pour interprètes William Nadylam, qui avait joué sous sa direction Hamlet, le new yorkais à la voix qui ferait croire au ciel Jared McNeill et Nonhlanhla Kheswa, chanteuse d'un talent fou originaire du Sowoto. Les sources musicales du spectacle vont de Schubert à Myriam Makeba. C'est dire combien les oreilles sont comblées.
Cette (re)création qui tient de la farce, de la tragédie et du spectacle musical et qui réussit si parfaitement la fusion entre la fiction et l'effroyable réalité politique est d'un Peter Brook au sommet de sa maîtrise
Jusqu'au 5 mai Théâtre des Bouffes du Nord tel 01 46 07 34 50
jeudi 5 avril 2012
Mesure pour mesure de Shakeseare
Dans cette pièce rarement montée (elle l'a néanmoins été récemment et de brillante manière par Jean-Yves Ruf) Shakespeare met, comme souvent, l'accent sur les exactions des puissants. Désireux de prendre du champs, le duc de Vienne délègue pour une période indéterminée son pouvoir absolu à son cousin Angelo dont la réputation d'intégrité est reconnue par (presque) tous. Ce parangon de vertu a quelque peu tendance à confondre plaisir de la chair et noirceur de l'âme. Ce qui le pousse à faire condamner à mort un homme jeune qui, sans l'avoir encore épousée, à rendu enceinte la fille qu'il aime.
Le condamné supplie sa soeur, une gracieuse novice, d'intercéder en sa faveur auprès de leur nouveau seigneur. D'abord inflexible, ce dernier, séduit par les attraits de la demoiselle,ne va pas tarder à devoir affronter des forces aveugles, à savoir celles de sa libido.Il accepte de gracier le frère si la soeur couche avec lui. Un moine au sourire bénin va alors s'en mêler et jouer avec une perversité enjouée des sentiments et des désirs de chacun.
Disons le tout net si la patte de Thomas Ostermeyer, l'un des plus grands de la scène allemande, est incontestable, ce spectacle ne vaut pas, et de loin, Othello et surtout Hamlet auxquels il s'est précédemment mesuré.Les comédiens sont, comme toujours chez lui, solides au poste. Mais qu'avait-il besoin de céder au goût de la provocation à deux balles en nous infligeant entre autres le spectacle d'un fier à bras qui se masturbe ou de faire se mouvoir la novice - qui n'est pas du genre à pratiquer le pardon des offenses - dans une robe blanche parsemée de taches de sang, signe un peu trop évident du viol dont elle a été victime. Pour ce qui est des réserve qu'inspire la représentation on peut aussi déplorer la piètre qualité de la traduction qu'on peine à lire sur les surtitres.
Par ailleurs, il s'agit évidement d'une représentation de haute tenue dont les protagonistes se révèlent aussi remarquables chanteurs que comédiens.Les récitatifs chantés sont d'une beauté à ne pas croire. En les introduisant de multiples fois, Ostermeyer fait preuve d'une audace, celle-là, digne de lui.
Jusqu'au 14 avril Théâtre de l'Odéon 6e tel 01 44 85 40 40
Le condamné supplie sa soeur, une gracieuse novice, d'intercéder en sa faveur auprès de leur nouveau seigneur. D'abord inflexible, ce dernier, séduit par les attraits de la demoiselle,ne va pas tarder à devoir affronter des forces aveugles, à savoir celles de sa libido.Il accepte de gracier le frère si la soeur couche avec lui. Un moine au sourire bénin va alors s'en mêler et jouer avec une perversité enjouée des sentiments et des désirs de chacun.
Disons le tout net si la patte de Thomas Ostermeyer, l'un des plus grands de la scène allemande, est incontestable, ce spectacle ne vaut pas, et de loin, Othello et surtout Hamlet auxquels il s'est précédemment mesuré.Les comédiens sont, comme toujours chez lui, solides au poste. Mais qu'avait-il besoin de céder au goût de la provocation à deux balles en nous infligeant entre autres le spectacle d'un fier à bras qui se masturbe ou de faire se mouvoir la novice - qui n'est pas du genre à pratiquer le pardon des offenses - dans une robe blanche parsemée de taches de sang, signe un peu trop évident du viol dont elle a été victime. Pour ce qui est des réserve qu'inspire la représentation on peut aussi déplorer la piètre qualité de la traduction qu'on peine à lire sur les surtitres.
Par ailleurs, il s'agit évidement d'une représentation de haute tenue dont les protagonistes se révèlent aussi remarquables chanteurs que comédiens.Les récitatifs chantés sont d'une beauté à ne pas croire. En les introduisant de multiples fois, Ostermeyer fait preuve d'une audace, celle-là, digne de lui.
Jusqu'au 14 avril Théâtre de l'Odéon 6e tel 01 44 85 40 40
dimanche 1 avril 2012
AbilifaÏe Leponaix
Un hôpital de jour où se retrouvent quatre schizophrènes. Leurs paroles ont été recueillies par une psychologue dans un carnet qu'a découvert le metteur en scène Jean-Christophe Dollé. Lequel a intitulé le spectacle qu'il en a tiré par le nom de deux médicaments donnés aux hommes et femmes qui se sentent aspirés par le néant.
Parfois en choeur, à d'autres moments seuls les fous, comme ils s'appellent eux mêmes, parlent d'abondance. L'un est en proie à des effusions mystiques, un autre n'arrête de se remémorer les trempes que lui filait une mère incapable de l'aimer, une troisième entend des voix... Tous parlent de la puissance de la pensée. Laquelle peut leur donner une perception du monde d'une stupéfiante acuité mais plus fréquemment, comme cette jeune femme qui "balance " ses médicaments, le sentiment de mener une vie de cadavre. Devant tous s'ouvrent des abîmes de vertige. Ce qui explique qu'ils aient si fréquemment des regards de personnes foudroyées.
Il importait, après les propos inqualifiables tenus par Sarkozy sur les schizophrènes dont il veut à tout prix donner une image criminogène, d'en montrer les vrais visages. Ce que réussissent admirablement les quatre comédiens dont les prestations sur le fil du rasoir nous étreignent d'autant plus le coeur que les souffrances qui habitent ces êtres désamarrés ne nous sont pas totalement étrangères. On pourrait pinailler, regretter que le metteur en scène fonce parfois vers le cliché, que les anecdotes que racontent les psychotiques sont parfois éculées. Mais ce serait faire un mauvais procès à un homme de spectacle qui non seulement a placé le sien à des hauteurs bigrement estimables et qui, surtout, rappelle que le fou occupe dans notre société la place du dernier des hommes.
Jusqu'au 14 avril Ciné 13 Théâtre tel 01 42 54 15 12
Parfois en choeur, à d'autres moments seuls les fous, comme ils s'appellent eux mêmes, parlent d'abondance. L'un est en proie à des effusions mystiques, un autre n'arrête de se remémorer les trempes que lui filait une mère incapable de l'aimer, une troisième entend des voix... Tous parlent de la puissance de la pensée. Laquelle peut leur donner une perception du monde d'une stupéfiante acuité mais plus fréquemment, comme cette jeune femme qui "balance " ses médicaments, le sentiment de mener une vie de cadavre. Devant tous s'ouvrent des abîmes de vertige. Ce qui explique qu'ils aient si fréquemment des regards de personnes foudroyées.
Il importait, après les propos inqualifiables tenus par Sarkozy sur les schizophrènes dont il veut à tout prix donner une image criminogène, d'en montrer les vrais visages. Ce que réussissent admirablement les quatre comédiens dont les prestations sur le fil du rasoir nous étreignent d'autant plus le coeur que les souffrances qui habitent ces êtres désamarrés ne nous sont pas totalement étrangères. On pourrait pinailler, regretter que le metteur en scène fonce parfois vers le cliché, que les anecdotes que racontent les psychotiques sont parfois éculées. Mais ce serait faire un mauvais procès à un homme de spectacle qui non seulement a placé le sien à des hauteurs bigrement estimables et qui, surtout, rappelle que le fou occupe dans notre société la place du dernier des hommes.
Jusqu'au 14 avril Ciné 13 Théâtre tel 01 42 54 15 12
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