samedi 20 avril 2019
Séparation(s) d'après Bérénice de Jean Racine et La clôture de l'amour de Pascal Rambert
Si Denis Loubaton a imbriqué ces deux pièces c'est que Pascal Rambert ne cache pas qu'il s'est inspiré pour écrire La clôture de l'amour de l'incandescente Bérénice de Racine. Lorsqu'il annonce à Audrey, sa compagne, qu'il se sépare d'elle Stan se sent surpuissant et n'a pas de mots assez durs pour lui faire entendre qu'ils ont joué à s'aimer mais que pour sa part il ne joue plus. Vient le moment où il en arrive à dire à celle que son discours semble avoir mise à terre "tu voudrais m'arracher la langue". Au lieu de s'effondrer davantage Audrey se redresse, rit et lui lance "les mots grandiloquents sont ta marque de fabrique" Dorénavant c'est elle qui mène le jeu. Il n'en va pas de même pour Bérénice que son éviction blesse au plus profond. Elle sait combien Rome la hait. A ses supplications Titus rétorque que pour lui il ne s'agit plus de vivre mais de régner. Audrey, figure féminine à poigne, aura le dessus tandis que les paroles de Bérénice n'arriveront pas à amollir le coeur de Titus. Le charme du spectacle tient évidement à langue d'une beauté sans pareille de Racine mais aussi à celle infiniment plus triviale de Rambert qui met dans la bouche d'Audrey des expressions telle que "on est où là? " Le metteur en scène a trouvé en Roman Jean-Elie et en Astrid Bayiha (promise, c'est sûr, à un bel avenir) des interprètes de choix. Joué en trifrontal et bercé à un moment clé par une musique africaine (Bonga Angola), ce spectacle réalisé avec des moyens réduits est d'une peu courante séduction. Il se joue dans un coin du 18e arrondissement qui n'a pas encore la laideur policée de tant de quartiers de Paris. Jusqu'au 28 avril Lavoir Moderne Parisien tél 01 46 06 08 05
vendredi 5 avril 2019
Plus grand que moi de Nathalie Fillon
Cassandre Archambault née au mitan des années 80 pédale sur un vélo d'appartement et laisse une cohorte de souvenirs et de pensées biscornues l'envahir. Elle donne le sentiment de s'être lancée dans une course de vitesse contre l'infamie. A travers elle c'est toute une génération qu'on entend se rebiffer contre un monde toujours plus invivable, un monde ou les disparités sociales ne choquent plus et où le racisme, le rejet des migrants se porte bien. Nathalie Fillon a écrit et mis en scène ce monologue riche de déviations inattendues pour Manon Kneusé, une grande gigue à la présence d'une bluffante intensité. Prénommée Cassandre, elle sait que ses paroles aussi averties qu'elle soient ne seront pas entendues. Consciente d'être face à une comédienne qui n'a pas davantage peur des mots qui produisent du malaise que de mettre son corps à contribution, l'auteure n'a pas craint de mettre la gomme. C'est pourquoi le spectacle, aussi alarmant soit-il, arrive à nous épater. Jusqu'au 28 avril Théâtre du Rond-Point tél 01 44 95 98 21
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