jeudi 16 juillet 2009

livre :J'y arriverai un jour

Parce qu'il décrit dans son théâtre, ses opéras et ses films la violence destructrice du désir les créations de Patrice Chéreau agissent sur les spectateurs comme des directs au coeur. Dans l'entretien qu'il a accordé à Georges Banu, ce metteur en scène au faîte de la réussite reconnaît sans mal que s'il a, à certains moments, cesser de monter des pièces et des opéras c'est qu'il était arrivé à une sorte de d'habileté qui lui faisait utiliser des recettes. Pas tendre avec lui-même, il reconnaît aussi que ses débuts au cinéma étaient très mauvais mais que maintenant c'est un peu mieux...
Pour notre part on place L'homme blessé et Intimité qu'il tourna à Londres, ville qui lui était étrangère, nettement au dessus du lot. On avoue aussi notre attachement à Hôtel de France, adaptation de Ce fou de Platonov de Tchekhov joué à l'économie par les élèves de Nanterre. En revanche la passion, la sienne comme celle de ses interprètes incendiait le film.
Lorsque Banu lui fait remarquer que depuis Nanterre il s'est davantage concentré sur les écritures contemporaines, il reconnaît son besoin tardif de travailler avec des écrivains de sa génération. En tête évidement Bernard-Marie Koltès qui, affirme t-il sans détour, était quelqu'un de plus rebelle que lui. Cette période où il collabora avec cet homme si familier des univers en marge fut, dit-il, comme un âge d'or. Ce dont on ne doute pas. Sa mort a d'ailleurs, avoue-t-il, eu un effet immédiat sur son éloignement relatif du théâtre.
Aujourd'hui, pour reprendre les paroles de Banu il a opéré un déplacement visible en passant d'une théâtralisation extrême avec tous ses sortilèges vers une concentration vers l'acteur et le jeu. C'est sans doute pourquoi il lit à l'heure actuelle, seul ou accompagné, des pages déflagrantes puisées chez Dostoïewsky, Guyotat ou Duras.
Le seul de ses propos avec lequel nous sommes en désaccord est qu'il affirme qu'il ne peut travailler qu'avec des comédiens qui lui tiennent tête. Ce qui est loin d'être le cas. Le livre se clôt sur des déclarations d'amitié et des proclamations d'admirations d'acteurs totalement à sa dévotion. Le portrait qu'en eut tracé Gérard Desarthe, si merveilleusement possédé par la puissance du verbe quand il fut sous sa direction Peer Gynt ou Hamlet, Laurence Bourdil ou tant d'autres a la personnalité remuante aurait été infiniment plus complexe et gorgé de vie. On retiendra cependant parmi les interviews marquantes celle de François Regnault et surtout celle de son complice de toujours Richard Peduzzi qui a, à son sujet, cette phrase grandiose : "son savoir et ses émotions nous font entrevoir les traits de l'immense face cachée de l'univers"
Chéreau confie, quant à lui, que s'il est aujourd'hui tant maître de son geste il le doit pour une large part aux fantômes qui l'accompagnent : Bernard-Marie Koltès bien sûr, mais aussi Maria Casarès, Pierre Romans, Hervé Guybert, Daniel Delannoy et autres complices de la même envergure. Acte Sud 22E

lundi 13 juillet 2009

Blanche-neige de Robert Walser

Considéré comme un forcené de la cervelle, l'écrivain helvétique Robert Walser qui passa une large partie de sa vie en hôpital psychiatrique, arracha à ses ténèbres des pages somptueuses. Ce qui est le cas de cette Blanche-neige qui monte Sylvie Reteuna. Revisitant le conte des frères Grimm il décrit une reine que la jeunesse éclatante de sa fille ou de sa belle fille (ce qui n'est pas spécifié) rend chèvre. Elle prend visiblement un malin plaisir à lui éreinter les nerfs. Sa voix parfois prend des expression cajoleuses alors qu'à d'autres instants elle la menace de terrifiants sévices.
Le reste de l'entourage de la jeune fille n'est guère moins inquiétant qui réunit un chasseur qui est aussi le narrateur et l'amant de la première dame du royaume et un prince filiforme à chaussures vertes à hauts talons. Une vidéo aux images aussi fluctuantes que faites pour alimenter notre potentiel onirique occupe le fond de scène.
La metteuse en scène a par ailleurs tiré un superbe parti de l'hétérogénéité de sa distribution. Elle comprend outre Claude Degliame dont l'éloge n'est plus à faire, de jeunes comédiens plein de ressources mais qui ne se sont pas encore faits un nom. Ce spectacle qui ne s'intègre à aucun courant est l'une des plus heureuses surprises de l'été. Seuls les spectateurs qui veulent du bien normé risquent de quitter la salle furax.
du 15 au 26 juillet Théâtre de l'Etoile du Nord Paris 75018