vendredi 28 septembre 2018
Les démons d'après Fiodor Dostoïevski
Qu'il s'affronte à Baal de Brecht, s'interroge sur la Terreur ou sur le Capital de Marx, Sylvain Creuzevault monte des spectacles à l'atmosphère électrisante. L'univers de Dostoïevski, dont il adapte, à sa façon fébrile, en en privilégiant certaines parties et en bouleversant la trame, Les démons de Dostoïevski, convient, on ne peut mieux, à ce metteur en scène dont les créations sont portées par le souffle de la pensée. La Russie de la fin du 19e siècle que dépeint l'écrivain semble habitée par des êtres égarés qui ne trouvent un sens à leur existence qu'en s'en remettant à Dieu ou croyant, pour combattre l'iniquité sociale, à une révolution de préférence sanglante. Difficile de ne pas établir de liens avec le délitement contemporain. Ce que fait le maître d'oeuvre qui évoque entre autres la présence sur nos terres du glyphosate. Pour la première fois il a joint à des comédiens avec lesquels il a l'habitude d'oeuvrer de nouveaux venus tels que Valérie Drévile et Nicolas Bouchaud qui ont eu maintes occasions de montrer de quelles prouesses ils sont capables Si Sylvain Creuzevault déborde, lui aussi, de multiples et rares talents, il n'a pas celui de diriger ses interprètes. Certains (pas tous!) en font du coup trop.Ce qui au fil des représentations ne peut que s'arranger. Nikolaï Stavroguine, personnage clé du roman, est, lui, joué avec maestria par Vladislas Galard. On se souvient que,double de nombreuses figures dostoïevskiennes, il croit à la rédemption par le péché. Et le mal, il ne se prive pas de le commettre.Si le spectacle apparaît souvent grandiose c'est grâce aussi à des acteurs de la trempe de Michèle Goddet, impeccable notamment en théoricienne d'un nouvel et sévère art de vivre, d'Arthur Igual et de Léo-Antonin Lutinier. Ajoutons enfin que la traduction d'André Markowicz est on ne peut plus fidèle à l'esprit de l'auteur et que la scénographie signée Jean Baptiste Bellon, mise rapidement en charpie, en dit long sur le mal de vivre de ceux qui y errent, s'y confessent, y meurent. Jusqu'au 21 octobre Festival d'Automne à Paris Ateliers Berthier de l'Odéon-Théâtre de l'Europe tél 0144854040
samedi 22 septembre 2018
Le procés d'après Franz Kafka
Une fois de plus le metteur en scène polonais Krystian Lupa tire d'une oeuvre littéraire particulièrement saillante un spectacle d'une amplitude considérable. La première partie de la représentation est fidèle au début du roman où Joseph K est arrêté par des hommes pour qui l'affaire semble entendue. Contrairement à l'inculpé qui ignore de quoi il est accusé. Chez Kafka les situations cauchemardesques sont monnaies courantes. Ce qui est aussi le cas dans La Pologne d'aujourd'hui dirigée par une clique notoirement réactionnaire, qui rétrécit les libertés, notamment celles des artistes. Krystian Lupa, que le pouvoir a dans le collimateur et tente de l'empêcher d'oeuvrer comme il l'entend, en sait quelque chose. Avant de clore le procès inique dont K est victime, Lupa insère une longue et grandiose scène sans lien avec le roman. Des proches de Kafka font le sien de procès. Parmi eux la plus véhémente est la berlinoise Félice Bauer avec qui l'écrivain pragois a entretenu une féconde correspondance mais rompit deux fois les fiançailles. Rendu amère par l'indécidabilité de celui qui écrivait lui vouer un amour infini son "ex promise" a des mots d'une dureté extrême. C'est dans cette partie centrale du spectacle que se déploie avec le plus de force les talents de metteur en scène, de scénographe et de créateur de lumières de Krystian Lupa.Il faut ajouter que son utilisation presque constante de la vidéo (devenue si souvent un cache misère) est d'une maîtrise et d'une invention exceptionnelles. Trop étiré, Le procés, n'est pas, quoi qu'on en dise, le spectacle le plus abouti du grand homme. Mais il recèle tant de richesses et est joué par des comédiens au talent si immense qu'il constitue un événement. Dans le cadre du Festival d'Automne à Paris Jusqu'au 30 septembre Odéon Théâtre de l'Europe tél 01 44 85 40 40
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