dimanche 31 octobre 2010

Un coeur en herbe de Christophe Botti

Mathan, un jeune provincial, créateur de mangas, débarque dans la capitale et se rend chez un écrivain dont il a fait connaissance via internet. Cet homme dont le temps s'est écoulé sans qu'il le remarque se dit prêt à encourager la vocation de son visiteur. Arrive son compagnon qui était censé être parti avec une de ses conquêtes à San Francisco. Fier de son corps bodybuildé, le prénommé Olivier est une caricature du gay qui écume les lieux de rencontre homosexuels.Au départ il prend le dessinateur en grippe puis tente de le séduire. Ce qu'il réussit presque à faire. Lui vient ensuite l'idée d'une triangulation amoureuse.

La pièce vaut essentiellement pour les réflexions perspicaces du romancier dont l'humour blessé, la hantise du vieillissement et l'intelligence coriace évoquent Yves Navarres, écrivain gay de qualité qui a eu la mauvaise idée de mettre fin à ses jours en 1994 à l'âge de 54 ans. Pour le reste "Un coeur en herbe" qu'a mis en scène Stéphane Botti, frère de l'auteur de la pièce, apparaît comme un document sur les habitudes et mentalités de l'univers gay parisien.

Loin des gaudrioles comme "Pauvre France " ou "La cage aux folles" mais aussi des spectacles semi porno aujourd'hui en vogue, la pièce évoque sans détours les désirs insatiables, l'attirance pour les attraits de la jeunesse et le mépris pour ceux dont le corps se flétrit qui caractérisent la communauté des hommes attirés par des individus du même sexe.

La seule réserve, mais d'importance, qu'inspire ce spectacle est qu'il soit immodérément étiré. Il gagnerait à subir quelques coupes et attirerait du coup un public moins concerné par son sujet.


Jusqu'au 31 décembre les jeudis, vendredis et samedis. Théâtre Clavel tel 01 48 72 91 79

lundi 25 octobre 2010

Le cas de la famille Coleman de Claudio Tolcachir

Auteur dramatique et metteur en scène argentin, Claudio Tolcachir (35 ans) nous entraîne au sein d'une famille ou plutôt d'une meute familiale qui vit dans la débine. Les rapports entre ses membres , une grand-mère qui en a vu de toutes les couleurs, une mère chez qui s'attarde l'enfance et ses quatre enfants, sont d'une intensité volcanique. Le décor : un chaos de chaises, tables et sofas en dit long sur l'état mental de la tribu.

L'un des fils est une gouape ténébreuse et alcoolique qui vit de mystérieux trafics, l'autre, un schizophrène, fait entendre l'humain qui réside dans la folie. Les filles sont moins prisonnières de ce monde clos où domine une agitation tintamaresque. L'une tente de se tirer d'affaire en faisant de la couture. L'autre vit loin de cet univers fracassé avec un mari prospère et deux enfants que les habitants du taudis n'ont jamais vus. Elle se sent néanmoins liée aux siens et financera l'hospitalisation de la grand-mère. La chambre dans laquelle la vieille dame est accueillie et où sa fille et ses petits enfants viennent la visiter ressemblera en un clin d'oeil au lieu miteux où elle essayait - sans grand succès - de veiller sur sa descendance. Au cours d'une scène hilarante la mère et son fils psychotique se retrouvent dans le lit de l'aïeule où il s'en faut de peu qu'ils ne se fassent, comme ils en ont l'habitude, quelques mamours.

La disparition de la grand -mère fera voler la famille en éclats. Alors que les frasques des uns et des autres mettaient jusqu'alors en joie, on est soudain, en voyant le frère dément demeuré seul, pris de mélancolie. Claudio Tolcachir, dont la pièce a fait un tabac en Argentine a un tel sens du rythme que les scènes s'enchaînent à une cadence sidérante. Il se révèle aussi comme un directeur de comédiens hors pair. Si ce spectacle fait un tel triomphe c'est essentiellement parce que ses interprètes nous laissent sur le flanc.

Dans le cadre du Festival d'Automne Juqu'au 13 novembre Théâtre du Rond Point tel 01 44 95 98 21

samedi 23 octobre 2010

Un pied dans le crime d'Eugène Labiche

En grande forme satyrique Eugène Labiche (1815 - 1888) brosse dans Un pied dans le crime, pièce tombée dans l'oubli que Jean-Louis Benoit a eu l'heureuse initiative de le sortir, un portrait peu flatteur de la bourgeoisie du second empire. Les personnages sont au choix des pleutres, des intrigants sans scrupules aucun et un commerçant aux revenus confortables qui, chose rare chez cet auteur, a un goût immodéré pour la gaudriole.

Cette pièce bouffonne tourne autour d'un juge appelé à décider du sort d'un de ses amis accusé d'un méfait qu'il a lui même commis. Alors qu'il tentait d'abattre un chat dont les miaulements l'exaspérait, cet homme qui est tout sauf une fine gâchette, a tiré sur un voisin qui depuis souffre de la présence d'une balle dans la partie la plus charnue de sa personne. Tourmenté par ses scrupules, il a la guigne de recevoir la visite d'un domestique -maître chanteur (Jean-Pol Dubois d'une désopilante rouerie) qui a été témoin de la scène. Ce qui évidement avive ses inquiétudes. Son épouse, une personne guindée, est, elle, prête à commettre les pires forfaits pour tirer son mari d'affaire


Philippe Torreton si décevant losqu'il jouait Richard III ou Don Juan qu'il avait eu la malencontreuse idée de mettre lui -même en scène, retrouve ici la grandeur de ses débuts. Certains de ses partenaires ont un jeu si appuyé qu'ils évoquent davantage des pantins que des individus; On suppose que le metteur en scène voulait de la sorte leur prêter la dégaine des caricatures de Daumier. Cette réserve faite cette comédie vaudeville entrecoupée de couplets chantés est un délice qu'on pourra savourer dans nombre de régions de l'hexagone.

Le 27 octobre Théâtre de Fréjus, les 4 et 5 Novembre Scène Nationale de Narbonne, du 13 au 16 nov La Coursive Scène Nationale de La Rochelle, 20 nov Théâtre de l'Olivier, du 25 au 27 nov Le Cratère Alès, du 2 au au 10 décembre Le Grand T Nantes, du 15 au 19 déc Théâtre de l'Odyssud Blagnac, les 6 et 7 janvier Espace Jean Legendre Compiègne, les 11 et 12 janvier Théâtre de l'Hexagone Meylan, du 18 au 22 janv Théâtre de la Commune Aubervilliers, du 26 au 30 janv Théâtre National de Nice...

dimanche 17 octobre 2010

Don Juan d'après Molière

Il est des spectacles légèrement bancals mais dont certains scènes sont d'une si puissante beauté qu'elles nous laissent pantois. C'est le cas de ce Don Juan auquel s'affronte Marc Sussi pour ses débuts dans la mise en scène. Les pérégrinations sexuelles de cet homme dans la force de l'âge que seuls attirent les paroxysmes de l'existence ont si fréquemment les honneurs de la scène qu'on a le sentiment qu'ils ne peuvent plus nous surprendre. Et pourtant....

Les comédiens, à l'exception de deux d'entre eux, Simon Eine, ce notable de la scène et Philippe Bérodot qui incarne un Sganarelle particulièrement succulent, sont tous de jeunes pousses dont le maître d'oeuvre a su tiré un ingénieux parti. On retiendra parmi les moments forts de la représentation celui où Don Juan reçoit son créancier ,monsieur Dimanche, à qui il jure une amitié indéfectible mais le flanque courtoisement à la porte sans lui avoir cédé le moindre écu.Un autre moment de pur délice est celui ou notre homme, afin de passer quelques heures dorées dans les bras d'une accorte paysanne promise à un autre, la baratine jusqu'à lui promettre le mariage. Une seule comédienne joue les trois rôles féminins, celui d'Elvire dont les amples épanchements de douleur laisse son séducteur de marbre et ceux des filles de la campagne.Le final enfin, où le "héros" sourd aux sermons de son valet comme aux amers reproches de son père, se fait, d'une manière qu'il serait de mauvais goût de dévoiler, dévoré par le feu.

Ceux qui ont découvert ce Don Juan lors de sa création l'ont parfois mal accueilli. Il s'est au fil des représentations nettement étoffé. La preuve : le jeune public qui occupait les trois quarts de la salle était on ne peut plus attentif à la parole insoumise et aux manigances du plus célèbre jouisseur du théâtre classique

Jusqu'au 22 octobre Bastille tel 01 43 57 42 14 .

mercredi 13 octobre 2010

Bidules Trucs de Pierre Notte

Nouveau fleuron de la scène hexagonale, Pierre Notte se joue dans "Bidules Trucs" de toutes les frontières. Il a en effet écrit six contes qui s'adressent aux enfants autant qu'aux adultes qui les accompagnent. Comme il est aussi musicien il ponctue ces historiettes de chansons d'un charme certain jouées sur un piano qui ne cesse de se transformer. Au début il sert de support à des figurines dont l'une est un petit môme, une autre une statuette de lion qui parle d'abondance, une troisième une matrone fan d'opéra que la simple vue d'un enfant met hors d'elle.


Comme l'auteur vit de plein pied avec le loufoque et le merveilleux il nous fait faire connaissance avec un représentant de la force publique qui demande ses papiers à ... un chat qui va dans la nuit sans craintes ni lunettes. Celui-ci lui répond qu'il ne peut en posséder puisque, contrairement au kangourou, il n'a pas de poche. Une autre saynète tourne autour d' une princesse narcissique et mal commode. On se retrouve plus tard en pleine Révolution avec une comédienne qui interprète un Louis XVI bien décidé à faire couper les têtes des meneurs et une Marie - Antoinette, évidement campée par un homme, qui propose de préparer une choucroute il va de soi géante.

Cet humour fêlé convient à merveille - et c'est une surprise - au metteur en scène Sylvain Maurice. Il bénéficie avec Eric Garmirian (par ailleurs instrumentiste) Nadine Berland et Arnault Lecarpentier (tous deux également manipulateurs de marionnettes) d'une interprétation hors pair. L'imaginaire hors de contrôle de Pierre Notte nous laisse une fois de plus béât de reconnaissance.

Tous les mercredis, samedis et dimanches en début d'après-midi La Bruyère tel 01 48 78 88 21

mardi 5 octobre 2010

Le gorille d'après une nouvelle de Franz Kafka

Dans La métamorphose Kafka plonge dans le cauchemar d'un homme qui un matin se découvre transformé en insecte. Dans la nouvelle Rapport pour une académie il imagine un parcours inverse : un gorille est capturé au coeur d' une jungle luxuriante après avoir été atteint de deux balles. Il est embarqué dans un navire à destination de l'Europe et enfermé dans une cage. A son arrivée il a le choix soit de couler des jours monotones dans un zoo soit de se produire dans un music hall. Il opte pour la seconde solution. Mais pour cela il lui faut acquérir la parole autrement dit se transformer en homme.

Devenu un individu opulent il tente de se fondre dans le paysage c'est à dire dans la jungle des humains à l'égard de laquelle, quand il aura découvert les pièges dont elle est hérissée, il émettra de vertes critiques. Convoqué devant les augustes membres d'une académie il ne mâchera pas ses mots pour exprimer son inadéquation au monde de ceux que l'écrivain Vercors appelait les animaux dénaturés.

Seul en scène, Brontis Jodorowsky transformé en homme -singe a la mémoire longue et l'esprit en courroux. On sait que le déracinement produit des pathologies sociales. Ce qui est vrai pour les humains l'est aussi, l'acteur en fait superbement la démonstration, pour ceux qui appartiennent au règne animal. Alors qu'il a constamment les nerfs en pelote, il ne connaît d'apaisement que dans les bras d'une petite guenon. Hélas son regard d'animal domestiqué finira par l'exaspérer. Ce n'est que dans l'éructation qu'il trouvera la force de faire face à sa nuit. L'adaptation et la mise en scène de ce spectacle résolument belliqueux sont l'oeuvre d'Alejandro Jodorowsky, artiste à multiples facettes et père du comédien.

Jusqu'au 27 novembre Lucernaire tel 01 45 44 57 34

dimanche 3 octobre 2010

Toâ de Sacha Guitry

Lorsqu'il monte en 1949 Toâ, nouvelle mouture de Florence qu'il créa dix ans plus tôt, Sacha Guitry a perdu de sa superbe. Il n'est plus le séducteur impénitent de ses pièces d'avant-guerre. Bien qu'il n'ait jamais eu maille à partir avec l'occupant et qu'il continua tout au long des années noires à décrire, au théâtre comme au cinéma, des rapports amoureux fluctuants, personne jamais n'apporta la preuve qu'il collabora. Il connaît à présent la solitude de l'artiste et comme il l'a fait durant toute sa carrière il transpose sa vie privée dans ses oeuvres et fait preuve en matière d'état d'âme de plus de sincérité.

Alors qu'il se laisse griser à ses propres propos, il est vrai pétillants d'esprit, dans un salon calqué sur celui de son hôtel particulier, une spectatrice le prend à partie. On apprend bientôt qu'il s'agit d'une de ses anciennes conquêtes. Le voilà bien penaud. Son ex amie finira par monter sur la scène et fera la paix avec celui qui fut, comme on disait, son galant.

C'est merveille de voir Thomas Joly, un très jeune metteur en scène porter son choix sur une pièce d'un homme qu'on considérait comme un parangon de futilité bourgeoise, pire comme un champion du bon mot. Il ne se contente pas de mettre en relief la pièce, sans doute celle à la facture la plus originale des 155 écrites par le maître, mais s'attribue le rôle principal, comme le faisait immanquablement l'auteur du Roman d'un tricheur.

Mais alors que Guitry parlait d'une voix posée et bien articulée, comme il était de mise à l'époque, Thomas Joly et ses acolytes ont adopté le jeu vif en vigueur de nos jours. Toâ apparaît du coup d'une déconcertante modernité

Jusqu'au 17 octobre Théâtre Gérard-Philipe 93 Saint- Denis tel 01 48 13 70 00

vendredi 1 octobre 2010

Les soliloques de Mariette d'après Albert Cohen

Vieux loup des lettres, Albert Cohen écrivit avec Belle du seigneur son oeuvre la plus fameuse. Anne Quesemand et Anne Danais, son interprète, ont eu la riche idée de créer un spectacle à partir des 4 chapitres consacrés à Mariette, la nounou d'Ariane restée à son service alors qu'elle est déjà adulte. Mariette qui n'est pas sans faire songer à la Félicité d'Un coeur simple de Flaubert éprouve pour Ariane une tendresse qui irradie à chaque phrase. Elle déplore - et se félicité! - qu'elle se soit mariée à un homme qu'elle juge indigne d'elle.

Utilisant le sabir de son enfance et usant d'un accent qui était celui de ses aïeux et qu'elle retrouve chez quelques vieux amis qu'elle a conservé en Charente où elle anime un café théâtre, Anne Danais incarne avec une savoureuse finesse cette femme au caractère bien trempé. Son monologue, elle le parsème de chansons populaires des années 30 souvent tombées dans l'oubli.

L'amusement que suscite ses propos désordonnés sur les membres de sa famille, les maux qui l'accablent ou sur les autres personnes au service de sa tant aimée Ariane va décroître lorsque celle-ci rencontre le grand amour. Se sentant mise sur la touche par celle dont elle se considérait comme une seconde mère, la pauvre Mariette, comme elle s'appelle elle-même, commence à maugréer. Puis trouvant asphyxiant le climat du logement du nouveau couple, elle finira par plier bagage. C'est plaisir que de voir une si truculente comédienne défendre un texte tout ensemble désopilant et poignant.

Jusqu'au 10 octobre Petit Montparnasse tel 01 43 22 77 74