samedi 31 janvier 2009

Manca solo la domenica

Créé il y a six ans par Patrick Sommier aux commandes de la MC93 de Bobigny, le festival nommé Le standard idéal qui réunit des spectacles venus des horizons les plus divers, réserve immanquablement de divines surprises. Il en est ainsi de Manca solo la domenica (Il ne manque que le dimanche) sorte d'ovni créé à Naples par Licia Maglietta qui en est à fois la metteuse en scène et l'interprète. Adaptant une nouvelle de l'écrivaine sicilienne  Silvana Grasso dont la réputation n' a pas franchi les bornes de la péninsule, elle incarne une habitante d'un village de Sicile qui pourvue d'un physique ingrat s'est vue obligée par son paternel d'épouser un petit homme roux,  grassouillet et couvert d'eczéma qui ne lui a jamais inspiré que du dégoût.   Fort heureusement ce peu appétissant mari part après huit mois de vie commune chercher fortune en Australie. Il la laisse bientôt sans nouvelles. 
Désireuse d'avoir un statut enviable elle joue les veuves, se fabrique de somptueux vêtements de deuil et parcourt les cimetières de la région à la recherche de jeunes défunts dont elle peut tous les jours - le dimanche où peuvent surgir les vraies épouses excepté -honorer la mémoire et fleurir la tombe. Trente ans plus tard un événement inopiné vient bousculer le cours réglé comme du papier à musique de son existence.  Le mari refait surface et la malheureuse d'avoir le moral dans les chaussettes. Ses prières au Coeur de Jésus restant sans réponse elle décide de passer à l'action. Ce qui est d'autant plus facile que le revenant est atteint d'un grave diabète. Comédienne dont le talent explosif rappelle des comédiennes telles qu'Anna Magnani ou Laura Betti, l'actrice napolitaine Licia Maglieta qu'accompagne au bayan (accordéon russe)  Vladimir Denissenkov est un  savoureuse conteuse. 
Son solo évoque  les comédies noires dont Comencini, Monicelli et tant d'autres s'étaient fait autrefois une spécialité. On se dit du reste que l'histoire de cette femme qui rêve de revêtir les insignes d'une dignité qu'elle ne possède pas, celui de veuve,  pourrait faire la matière d'un film mémorable. Joué dans un italien dont la musicalité nous emporte, le spectacle est surtitré. Jusqu'au 8 février MC93 Bobigny  

jeudi 29 janvier 2009

La ville de Martin Crimp

A ses débuts, en 2004, Marc Paquien s'était affronté à deux courtes pièces du dramaturge anglais Martin Crimp : Face au mur et Cas d'urgence sur lesquelles planait déjà l'ange du bizarre. Il a aujourd'hui pris de la bouteille et met en scène une pièce qui sous des dehors conventionnels est d'une étrangeté plus inquiétante encore. Un couple, Claire et Christopher, échange des propos sur la journée qui vient de s'écouler. Mais les  disjonctions narratives que pratique l'auteur a tôt fait de nous faire entendre que quelque chose ne tourne pas rond. Les récits qu'ils font donnent en effet le sentiment qu'ils sont tous deux sur le bord de l'abîme ou plutôt qu'ils se tiennent sur une ligne de crête entre le sordide et le cocasse. Ainsi lorsque l'homme ne raconte pas ses difficultés à entrer dans l'entreprise qui l'emploie - et dont on apprendra plus tard qu'il a été licencié -   ils évoquent des personnages aux comportements singuliers tel ce type aux abois croisé dans la rue qui se plaint que sa belle soeur, une infirmière, a enlevé sa fille. La situation se corse quand une voisine portant un costume d'infirmière fait irruption chez eux et se lance dans un monologue foisonnant et souvent absurde.  On finit par se demander si les divers personnages dont il est question ou qui apparaissent sur le plateau ne sont pas nés  de l'imagination de Claire qui tient un journal lequel est peut être de pure fiction. Et la pièce de devenir du coup une réflexion sur la création. Martin Crimp se garde bien d'apporter la moindre résolution aux mystères dont il est l'instigateur.  Une distribution d'élite qui réunit André Marcon, Marianne Denicourt, Hélène Alexandridis (irradiante d'humour saugrenu) et la jeune Janaïna Suaudeau ainsi que les éclairages qui privilégient les ombres de Roberto Venturi et le décor somptueusement sobre de Gérard Didier font de cette dernière création de Marc Paquien un régal  dont le souvenir restera vivace. Jusqu'au 13 février Théâtre de la Ville - Les Abbesses Paris 75018

mardi 27 janvier 2009

Loth et son dieu

Authentique fleuron de la scène britannique, Howard Barker excelle à revisiter les mythes bibliques (Judith) comme à remettre sur le métier  des pièces de légende telle que Hamlet (Gertrude-le cri) ou Oncle Vania (pas encore monté en France). Se plaisant à décrire des comportement sexuels excentriques, il ne s'accommode pas de demi-mesure. En se penchant sur l'histoire de Loth établi à Sodome, ville de toutes les débauches, il est parfaitement  à son affaire.  Sa femme, qui dans la bible se transforma en statue de sel car elle négligea de suivre le commandement du Tout Puissant qui avait ordonné de quitter la cité sans se retourner est ici ce qu'on appelait jadis une femme  aux moeurs légère. Face à elle l'ange venu la chasser de ce lieu voué à la destruction se trouve affolé de désirs. Auxquels elle ne résistera pas. La question du sexe des anges ne se pose pas. L'ange Drogheda est tout sauf chaste Mise en scène et joué par Agathe Alexis (entouré de trois comédien et d'un danseur qui tous passent avec aisance du drame à la caricature) le spectacle est une pochade infernale assortie d'un humour ravageur. Ainsi cette scène où le danseur sourd, aveugle et muet se met à parler et apparaît comme le dieu dont l'ange est la créature. Imagination échevelée et style rutilant, Howard Barker (dont plusieurs  pièce vont se succéder à l'Odéon jusqu'à fin mars) est un auteur dramatique majeur. 
Jusqu'au 16 février L'Atalante Paris 75018

samedi 24 janvier 2009

dates où l'on peut voir le spectacle du théâtre Dromesko

Jusqu'au 7 février à la Ferme du Haut Bois à Saint- Jacques( proche banlieue de Rennes) du 24 au 28 février MC2 Maison de la Culture de Grenoble, du 10 au 14 mars Espace Malraux Scène Nationale de Chambéry, du 26 au 28 mars Théâtre des Jacobins Dinan, du 5 au 9 avril La Comédie de Reims, du 21 au 25 avril Le Volcan, le Havre puis la saison prochaine à Dijon et Nancy 

Arrêter le monde, je voudrais descendre

Le spectacle se déroule presque entièrement sur un manège d'où contrairement à ce que prétend le titre on n'a nul envie de descendre. Il est en effet occupé entre autres par une chanteuse, une danseuse, un acrobate,un maître de cérémonie des musiciens hongrois et une foule d'animaux parmi lesquels une chèvre évidement mutine, un  cochon aussi jeune qu'appétissant, un âne et un marabout vieillissant  qui est depuis quelques années de tous les spectacles du théâtre Dromesko appelée autrefois La volière Dromesko créée en 1990 par Igor et sa femme Lily (vue fréquemment dans les films d'Otar Iosseliani). Alors que tourne le carrousel où chacun pratique son art dans un inénarrable désordre,  Monique Brun assise devant  la scène discute le bout de gras avec  un comédien ami qui peut avoir les traits de  Martial Di Fonzo Bo comme de David Bursztein, Charlie Nelson ou de quelque autre tout aussi estimable interlocuteur. A une époque où toutes les compétences artistiques tentent de sortir de leur domaine, le théâtre Dromesko fait figure de pionnier,  d'ouvreur de frontières. Dans les oeuvres proliférantes qu'il offre aux spectateurs fusionnent les arts les plus variés. Grâce à cette troupe petits et grands enfants vivent de plein pied avec le merveilleux. 

vendredi 23 janvier 2009

La puce à l'oreille

Père du théâtre de l'absurde, Feydeau a  brodé quantités de comédies dont les personnages tourmentés par leurs pulsions se mettent dans des situations sans issues. Tout au long du spectacle, le public se demande comment ils vont s'en tirer. Chacune de ses pièces est une mécanique parfaite qui, si on joue avec ses rouages s'effondre. C'est malheureusement ce qui est arrivé à Paul Golub qui n'étant pas la moitié d'un gai luron (il monte admirablement des textes dramatiques comme  Un siècle d'industrie de Marc Dugowson)  n'a de cesse d'en rajouter une louche. Résultat : La puce à l'oreille, l'une des oeuvres maîtresses du maître, au lieu d'être un vaudeville effréné ou chaque protagoniste tente de camoufler ses frustrations sexuelles tourne à la grosse farce. Ce qui est d'autant plus navrant que le metteur en scène  avait avec des comédiens comme Brontis Jodorowsky et Valérie Moinet, des interprètes qui, sans en faire trop, étaient à même de trouver le rythme qui convient à ce petit monde de frappa dingues.    

dimanche 18 janvier 2009

Sweet home

Nouvelle étoile des lettres françaises, Arnaud Cathrine à la qualité d'être rebelle aux modes et aux courants. Sweet home est au départ un roman qui a été adapté pour la scène par le metteur en scène Jean-Pierre Garnier. La pièce relate les turbulences existentielles durant trois étés à dix ans d'intervalle des trois enfants  d'une femme dépressive qui finit par mettre fin à ses souffrances psychiques. Chacun des enfants, deux garçons et une fille, conscients que les choses non dites pourrissent en nous, prennent tour à tour la parole laquelle est relayée par celle d'un ami ou plutôt d'un frère de coeur. L'un des frères , sorte de double de l'écrivain, écrit pour adoucir le cours du temps. Son cadet qui n'a gardé de leur mère que les bleus de quelques lointains souvenirs exprime avec le plus de rage son inadéquation au monde. L'ingéniosité du dispositif scénique et l'extrême justesse du jeu de Thibault de Montalembert, Thomas Durand et Sylvain Dieuaide font de cette odyssée de la mémoire l'une des heureuses surprises de la saison.  Rassuré par la subtile adaptation de son oeuvre, Arnaud Cathrine a décidé de la porter à l'écran. Espèrons que le film nous harponnera autant que la pièce qu'a concocté Jean-Pierre Garnier. Jusqu'au 15 février Cartoucherie Théâtre de la Tempête.  

mercredi 14 janvier 2009

Le corps furieux

Jean-Michel Rabeux a l'inventivité provocante. Bouleversant , comme à son habitude, les conventions théâtrales, il il continue, comme il l'a déjà fait dans Les enfers carnaval a creuser avec vigueur un de ses  styles. Huit hommes et femmes (danseur, chanteuse, contorsionniste,rockeuse, peintre...) occupent le plateau. Leurs corps éclatant de jeunesse, décharnés ou déformés par un petit bide sont bien loin d'être soumis à la tyrannie de la perfection comme l'exige aujourd'hui la télévision et même le cinéma. Les séquences se bousculent apparemment sans queue ni tête. Une fille chante sans pouvoir s'arrêter des chansons de variété des années cinquante rendues célèbre par l'inénarrable Dario Moreno, une femme accouche en hurlant, un homme est soumis à une coloscopie. A un autre moment une fille au maquillage gothique dit les vers où Phèdre évoque son amour voué au malheur pour Hyppolite son beau-fils. Ce texte , l'un des plus beaux de la langue française, apparaît comme une incongruité dans ce spectacle ou l'on entend pour l'essentiel des exclamations ou de courtes phrasses comme celle où une  jeune anglo-saxonne dit sa tendresse pour un homme qui a deux fois son âge et un besoin insatiable de consolation. Détestant le pathos mais profondément ému par le sort de ceux que Villon appelait les pauvres humains, le metteur en scène allie constamment le clownesque et le tragique voire le mythique.  Avec cette représentation où le décor est créé par les seuls jeux de lumière, Jean-Michel Rabeux atteint la plénitude de son originalité. Il a de plus l'art de fabriquer un théâtre qui touche en profondeur des jeunes qui, à les en croire, n'y vont jamais. Jusqu'au 27 janvier MC 93 Bobigny

lundi 12 janvier 2009

dimanche 11 janvier 2009

Hamlet de Shakespeare à Howard Barker

Depuis que Patrice Chereau a, il y a des lunes, monté Hamlet aucune mise en scène de cette pièce d'une beauté intemporelle ne nous a autant remué que celle que vient de concevoir Claire Lasne.
Aussi inspirée qu'elle le fut quand elle s'attaqua à Etre père, première version de Ce fou de Platonov de Tchekov, elle a demandé à cet incomparable passeur de l'anglais au français qu'est André Markowicz de lui prêter main forte.  Elle a de plus imaginé un décor immense et foisonnant  au fond duquel se dressent des miroirs. Il reflète à n'en pas douter l'esprit du prince de Danemark, qui depuis la mort plus que suspecte de son père dont il croise le spectre, flotte à la frontière de la raison. Depuis cette disparition qui lui a chamboulé le coeur et la raison, Hamlet est capable d'une férocité parfois brutale, à d'autres instants  suave.  Grâce au jeu d'une sidérante diversité de Patrick Catalifo on passe constamment de la farce à la tragédie la plus noire. Il se confirme que cet acteur qu'on a vu d'une si frappante justesse chez Claude Stratz, Jean-Pierre Vincent ou Patrick Pineau est l'un de ceux capables un jour d'avoir la cote des immenses Michel Piccoli ou Michel Bouquet. Ici il joue en permanence la dualité. Tantôt il aime Ophélie, tantôt il la rejette, à certains moments il veut vivre, à d'autres mourir. Si ses partenaires ne sont pas tous de sa trempe, il a néanmoins parmi eux quelques pointures, comme on dit, notamment  Alain Enjary qui compose un savoureux Polonius. Mais Claire Lasnes à eu l'idée saugrenue et poétique de lui donner des compagnons d'un calibre bien différent à savoir des oiseaux tels qu'un vautour et des grands ducs qui traversent fréquemment le plateau lequel du coup à des allures de donjon du Moyen âge. On l'a compris l'oeil et l'ouïe sont constamment à la fête. Une petite tournée est prévue. Mais il serait navrant qu'un spectacle d'une telle envergure ne soit pas vu à Paris ou dans sa banlieue. 
Hamlet étant devenu un mythe il n'est pas étonnant qu'un auteur contemporain tel que l'anglais Howard Barker s'en empare. Il en donne dans Gertrude (Le Cri) une version au climat carrément orgiaque.  Giorgio Barberio Corsetti qui l'a prise en mains  a créer son décor en s'appuyant sur les travaux d'artistes conceptuels, puis a monté sur un entrelacs de relations passionnelle et morbides une machinerie théâtrale extrêmement sophistiquée.  A l'exception d'Hamlet les personnages sont tous d'une sensualité pressante qui les pousse à commettre de sacrées vilenies.  Si les acteurs semblent à l'aise dans ce bourbier aux tableaux toujours somptueux mais sur lesquels le metteur en scène s'attarde parfois un peu longuement quelques noms se détachent. Ceux d'Anne Alvaro, de Francine Bergé et de John Arnold. Ce spectacle se donne jusqu'au 8 février à l'Odéon Théâtre de l'Europe tandis que Hamlet qu'a mis en scène Claire Lasne  peut se voir jusqu'au 15 janvier ensuite Sous le chapiteau dans le cadre de l'opération "Hiver chapiteau" de la Région Poitou-Charente les 13 et 14 février à Pamproux (Deux Sèvres) et les 27 et 28 février à Dignac (Charentes) Les 10 et 11 mars à Auxerres et du 24 mars au 3 avril aux Théâtres des Célestins à Lyon
Une minute d'innatention m'a fait omettre hier de signaler que Edouard II  est visible jusqu'au 31 janvier au Paris-Villette   

vendredi 9 janvier 2009

Edouard II joué par un acteur en majesté

L'élisabéthain Christopher  Marlowe semblait ne rien ignorer de ce qu'était le marigot politique. Le roi Edouard II d'Angleterre, personnage central de la pièce, ne cache rien de l'intensité passionnelle de ses liens avec Gaveston, un roturier dont il a fait son favori, pis il s'obstine à l'évoquer à tout bout de champs. Ce qui a pour effet de le rendre haïssable aux yeux de ceux qui se considèrent comme bien nés. Cédric Gourmelon qui a réalisé la traduction de cette pièce avec l'appui d'André Markowicz est, on le sait depuis qu'il s'attaqua à Haute surveillance de Genêt, l'un des metteur en scène les plus effrontés et exigeants du moment. Sa manière austère contrebalancée par des bouffées d'un baroque frisant le kitsch fait merveille. Nous avons déjà écrit tout le bien que nous pensons de ce spectacle lors de sa création au festival Mettre en scène à Rennes. Nous avons donc demandé à Vincent Dissez, dont la présence forcenée est pour beaucoup dans la réussite de la représentation de nous en parler mais aussi de se remémorer quelques moments marquants de son parcours. 
"Je n'ai jamais pensé en termes de rôles mais d'équipe ou de metteur en scène. Il y a des rôles qui font plus rêver que d'autres mais je suis incapable de dissocier le personnage du projet théâtral auquel il va être associé. Je n'avais jamais vu de création de Gourmelon mais on se connaissait depuis longtemps. Il m'a dans un premier temps demandé si j'acceptais de faire partie du projet non de jouer Edouard II. Puis quand il a fini par me proposer le rôle j'avais appris à avoir confiance dans son regard. Au cours des discussions j'ai surtout apprécié qu'il ait une idée précise de ce qu'il ne voulait pas par exemple être plus malin que la pièce. Il avait le désir que l'histoire d'amour soit au centre du spectacle, ce qui est délicat car parfois ridicule. Le fait que je sente qu'il avait avec ce texte un vrai rapport d'intimité m'a rassuré car je préssentais qu'on serait en dialogue pour construire le personnage et la pièce. Si sa façon de travailler m'a conquis c'est qu'elle me faisait penser à celle d'autres metteurs en scène que j'apprécie mais qu'il ne connaissait pas comme Patte et Sastre. Ce qu'il demande aux acteurs c'est de raconter ce qu'est ton rapport comme personne à ce que tu es en train de dire. Ce qui te pousse à faire preuve d'une grande honnêteté. On est évidement un peu mis à nu ce qui à la fois fait peur et est très excitant. Cédric a la conviction que l'intérêt du spectacle est de voir vibrer les êtres humains derrière les mots de Marlowe. 
Je retravaillerais avec lui sans hésiter mais nous n'avons pour l'instant aucun projet commun.Parmi les metteurs en scène avec lesquels j'ai eu l'occasion de travailler Jean-Marie Patte est l'un de ceux qui m'a le plus influencé même si je n'avais pas l'expérience pour accepter le dépouillement qu'il exigeait. Parmi ceux qui ont le plus compté pour moi il y a évidement Gabily avec qui j'ai débuté avant de rentrer au conservatoire. Mais j'ai poursuivi l'aventure avec lui alors que j'y étais et après en être sorti.  Je me suis toujours demandé pourquoi Gabily n'était pas nommé au conservatoire. Il est vrai que dans cette maison on apprend avant tout à être employable, à savoir aussi bien jouer Koltès, Molière que Feydeau. Gabily portait sur nous un regard si intense, si amoureux et exigeant qu'on en était porté. Mêmes si on se trouvait pour répéter dans une cave de 15m carré rien n'était plus important au monde que le geste que tu allais y faire. Il nous demandait des choses si insensées que pour ne pas décevoir son attente on était poussé à se créer un imaginaire très riche. Je retrouve quelque chose de cet esprit chez Cédric dans la mesure où il tend à une grande singularité qu'on n'atteint pas par l'inventivité mais par l'approfondissement. J'aime aussi aimé bosser sous la houlette de Jean-Louis - Benoît qui d'une autre manière réclame à ses  comédiens une authentique originalité. C'est avec Jean -,François Sivadier avec lequel j'ai joué joué dans Le roi Lear que j'ai également connu une expérience à coup sûr décisive. Il a, lui, l'art de prendre une pièce pour en faire un spectacle exemplaire contrairement à Cédric qui reste très proche du texte et ne craint pas d'en faire voir les tâtonnements. 
Je m'aperçois que jouer de grands rôles est moins difficile que d'en tenir de petits car on a tout le temps de les développer et que même quand tu n'es pas sur scène on parle de toi. Ce qui ne peut que te faire progresser." Quand on demande à Vincent Dissez où il en est avec le cinéma ou la télévision il répond avec une belle ironie : "Les gens qui travaillent sur les castings ne vont pas voir les spectacles dont je suis. Quand ils me voient mon c.v. ils le jettent donc d'emblée à la poubelle" Ce qui ne semble pas l'affecter outre-mesure.