Depuis que Patrice Chereau a, il y a des lunes, monté Hamlet aucune mise en scène de cette pièce d'une beauté intemporelle ne nous a autant remué que celle que vient de concevoir Claire Lasne.
Aussi inspirée qu'elle le fut quand elle s'attaqua à Etre père, première version de Ce fou de Platonov de Tchekov, elle a demandé à cet incomparable passeur de l'anglais au français qu'est André Markowicz de lui prêter main forte. Elle a de plus imaginé un décor immense et foisonnant au fond duquel se dressent des miroirs. Il reflète à n'en pas douter l'esprit du prince de Danemark, qui depuis la mort plus que suspecte de son père dont il croise le spectre, flotte à la frontière de la raison. Depuis cette disparition qui lui a chamboulé le coeur et la raison, Hamlet est capable d'une férocité parfois brutale, à d'autres instants suave. Grâce au jeu d'une sidérante diversité de Patrick Catalifo on passe constamment de la farce à la tragédie la plus noire. Il se confirme que cet acteur qu'on a vu d'une si frappante justesse chez Claude Stratz, Jean-Pierre Vincent ou Patrick Pineau est l'un de ceux capables un jour d'avoir la cote des immenses Michel Piccoli ou Michel Bouquet. Ici il joue en permanence la dualité. Tantôt il aime Ophélie, tantôt il la rejette, à certains moments il veut vivre, à d'autres mourir. Si ses partenaires ne sont pas tous de sa trempe, il a néanmoins parmi eux quelques pointures, comme on dit, notamment Alain Enjary qui compose un savoureux Polonius. Mais Claire Lasnes à eu l'idée saugrenue et poétique de lui donner des compagnons d'un calibre bien différent à savoir des oiseaux tels qu'un vautour et des grands ducs qui traversent fréquemment le plateau lequel du coup à des allures de donjon du Moyen âge. On l'a compris l'oeil et l'ouïe sont constamment à la fête. Une petite tournée est prévue. Mais il serait navrant qu'un spectacle d'une telle envergure ne soit pas vu à Paris ou dans sa banlieue.
Hamlet étant devenu un mythe il n'est pas étonnant qu'un auteur contemporain tel que l'anglais Howard Barker s'en empare. Il en donne dans Gertrude (Le Cri) une version au climat carrément orgiaque. Giorgio Barberio Corsetti qui l'a prise en mains a créer son décor en s'appuyant sur les travaux d'artistes conceptuels, puis a monté sur un entrelacs de relations passionnelle et morbides une machinerie théâtrale extrêmement sophistiquée. A l'exception d'Hamlet les personnages sont tous d'une sensualité pressante qui les pousse à commettre de sacrées vilenies. Si les acteurs semblent à l'aise dans ce bourbier aux tableaux toujours somptueux mais sur lesquels le metteur en scène s'attarde parfois un peu longuement quelques noms se détachent. Ceux d'Anne Alvaro, de Francine Bergé et de John Arnold. Ce spectacle se donne jusqu'au 8 février à l'Odéon Théâtre de l'Europe tandis que Hamlet qu'a mis en scène Claire Lasne peut se voir jusqu'au 15 janvier ensuite Sous le chapiteau dans le cadre de l'opération "Hiver chapiteau" de la Région Poitou-Charente les 13 et 14 février à Pamproux (Deux Sèvres) et les 27 et 28 février à Dignac (Charentes) Les 10 et 11 mars à Auxerres et du 24 mars au 3 avril aux Théâtres des Célestins à Lyon
Une minute d'innatention m'a fait omettre hier de signaler que Edouard II est visible jusqu'au 31 janvier au Paris-Villette