dimanche 18 juillet 2010

La dame de chez Maxim de Georges Feydeau

Jean-François Sivadier ne pouvait qu'être séduit par l'absurdité désopilante du théâtre de Feydeau dont il ne fait plus un plis qu'il avait un grain. Parmi les nombreuses pièces qu'il a laissé une de celles qui virent le plus à la mascarade grotesque étant La dame de chez Maxim, il s'est rué dessus.

Le docteur Petypont ramène chez lui après, une nuit arrosée, une gigolette surnommée la Môme crevette A son réveil il a la méchante surprise de la trouver dans son lit. L'affaire se corse quand débarque d'Afrique sans crier gare un tonton à héritage.Le pétulant parent prend la môme, qu'il trouve visiblement à son goût, pour la légitime de son neveu. Celui-ci le laisse dans l'erreur. Se bousculent d'innombrables quiproquos auxquels se trouvent mêlés la véritable madame Petypont, une givrée de dieu, et un intime du couple que le peu vaillant docteur fait passer aux yeux de son visiteur pour le mari de sa femme.

Comme dans Occupe toi d'Amélie, cet autre sommet de drôlerie hélas rarement monté, c'est l'arrivée inopinée d'un oncle fortuné lequel interprête de travers les événements dont il est témoin qui jette en pleine tourmente la société de gens de mauvaise foi à laquelle il se trouve mêlé. Le seul personnage qui peut garder la tête haute est la Môme crevette qui fait croire aux dames de la meilleure société provinciale que son langage relâché et ses manières lestes sont du dernier chic parisien.

Les acteurs doués d'une sacrée puissance facétieuse sont tous de vieux compagnons de route de Jean-François Sivadier dont ce spectacle qu'il créa il y a deux ans méritait largement une reprise.

Jusqu'au 31 juillet Théâtre Monfort Dans le cadre de Paris Quartier d'Eté tel 01 56 08 33 88

samedi 10 juillet 2010

15e festival de la correspondance de Grignan

Anne Rotenberg ne s'y est pas trompée en faisant donner le coup d'envoi de ce festival avec les lettres qu'adressa Madame de Sévigné à sa fille Madame de Grignan qui vivait au château qui domine le village. Le thème de la manifestation étant cette année le théâtre, elle a eu le bon goût de demander à Macha Meril , comédienne dont la prestance évoque Edwige Feuillère, de lire des extraits de ses observations sur les spécificités de son époque faite par cette mère, qui se sentait avec sa fille en résonance profonde.

La scène occupe dans ces missives toute en délicates coquetteries une place de choix. Elle parle abondamment de Corneille qu'elle vénérait et de Racine dont elle appréciait peu la mentalité courtisane mais admirait le talent en particulier dans Esther qu'elle découvrit en compagnie du Roi et de Madame de Maintenon. Macha Meril joue des scènes de quelques unes de ces oeuvres à la beauté toujours aussi prenante ce qui a pour effet de faire scintiller sa prestations d'instants magnifiques . Et Madame de Sévigné d'apparaître comme la créatrice de l'auto-fiction.

"Jean Vilar et ses compagnons "qu'a mis en espace Richard Brunel et où Myriam Boyer entourée de deux jeunes partenaires apporte le renfort de sa célébrité, raconte l'odyssée de quelques artistes qui après la seconde guerre mondiale s'échinèrent à sortir la province de son sous- développement culturel. Des hommes de la trempe de Jean Dasté, André Clavel et bien évidement Jean Vilar, épaulés par Jeanne Laurent alors en poste aux Affaires culturelles de l'Etat partent initier à la création artistique un public qui en ignorait tout. Plus tard Roger Planchon prendra leur relève. La virulence pamphlétaire des lettres qu'ils adressaient aux responsables du désastre spirituel dont ils étaient témoins attestent qu'ils n'ont pour le moins pas eu la tâche aisée. "La culture, dit de Gaulle lors de son retour au pouvoir, est la condition de la civilisation." Phrase que notre actuelle gouvernance s'obstine à jeter aux orties.


Autres évènements auxquels nous n'avons hélas pu assister : Claire Chazal loin de l'image figée qu'elle donne d'elle lors de ses apparitions au petit écran a lu "Spectre mes compagnons" de Charlotte Delbo qui après avoir été l'assistante de Louis Jouvet rejoignit la Résistance, fut arrêtée et expédiée à Auschwitz dont elle réchappa. On sent dans cet ouvrage essentiel son sens organique de la faiblesse mais aussi de la force humaine. Jérôme Kircher quant à lui, se basant sur le carnet de bord de Jean-Louis Barrault, raconte la création plus que mouvementée des Paravents de Jean Genêt, un des auteurs qui ont bouleversé le champs de l'art scénique, au Théâtre de l'Odéon. Ces pages on s'en doute ont fait vibrer la mémoire de ceux qui furent les contemporains de cette bateille qu'on ose dire plus importante que celle d'Hernani.


Invité d'honneur, Michel Bouquet, oeil bienveillant et sourire malicieux, a parlé devant un parterre de spectateurs de sa conception du théâtre. Pour lui seul compte l'auteur, ce diable d'homme dont il tente tout au long des représentations de percer les secrets sans jamais y parvenir. Je crois à l'intuition répéta t-il tout du long (mon art, dit-il, est de ne pas jouer mais celui de tout ressentir) avant de faire l'éloge de Molière car dit- il n'a cessé d'engager un combat avec lui-même sans jamais se donner raison de se voir aussi médiocre et effrayant. S'il nous est si proche c'est qu'il est le plus sincère de tous. On a compris que sa rencontre avec le public fut un moment miraculeux.

Réservation pour la saison prochaine : 04 75 46 55 83

jeudi 8 juillet 2010

Le roi s'amuse de Victor Hugo

Comme chaque année un spectacle destiné à un large public se donne devant le superbe château de Grignan. C'est cet été une pièce rarement représentée du maître du mélodrame Victor Hugo qui a été choisie Il s'agit du Roi s'amuse auquel se mesure avec un bonheur certain François Rancillac Il a d'autant plus de mérite que le premier acte de ce drame populaire au goût d'apocalypse est d'un intérêt succinct. S'enchaînent ensuite une multitude de redoutables péripéties
Triboulet, le fou du roi qui évoque Quasimodo a une fille qu'il tient enfermée dans une maison isolée avec pour seule compagnie une vieille domestique. Le seul lieu où elle a le droit de se rendre est l'église. Mais elle n'y est pas autant à l'abri des tentations que son père le croit. Un inconnu a remarqué son innocente beauté et trame un mauvais plan. Ce beau parleur n'est autre que le souverain, qui cache sous airs distingués une âme de débauché. Difficile de ne pas comparer Triboulet à l'Arnolphe de l'Ecole des femmes. Hugo ne s'est d'ailleurs pas gêné pour braconner sur les terres non seulement de l'auteur de L'avare mais aussi sur celles de Musset.

On retrouve ici la fureur inspirée de l'écrivain qui s'insurgea contre le pouvoir avec des mots si percutant qu'il fut contraint à l'exil. Si cette pièce semble si bien résister au vieillissement c'est que François Rancillac a eu l'idée forte de confier le rôle de Triboulet à Denis Lavant, un comédien d'une puissance et d'une présence proprement stupéfiantes. La longue scène de clôture où il se laisse aller à un insurmontable chagrin fait remonter des grands fonds le souvenirs des instants les plus rudes de nos existences. Si j'ajouterai que la scénographie de Raymond Sarti, qui nous plonge dans un monde de luxure laisse pantois, vous aurez compris que le metteur en scène - qui fut l'un des premiers à voir en Jean-Luc Lagarce un auteur dramatique d'importance - s'est surpassé.

Juqu'au 21 aoûtt Château de Grignan Les fêtes nocturnes Tel 04 75 91 83 65