Dans l'espace confiné d'un appartement deux couples aux destins froissés se croisent. L'un quitte les lieux où il vécut de nombreuses années, l'autre y emménage. Très vite les temps se confondent. Peut être s'agit-il des mêmes personnes à une vingtaines d'années de distance. Ce qui est sûr est que tous deux ont perdu un fils et que cet intolérable passé les tire par la manche. Si les hommes parviennent à ne manifester que fugitivement que cette épreuve les a fait dépérir, les deux femmes ne cachent pas leur instabilité mentale. Lorsque celle qui se sent aux abords de la vieillesse, tente de dire à la plus jeune que le temps viendra où la lumière réapparaîtra, celle-ci lui rétorque qu'elle n'a aucun désir d'aller mieux.
Lars Norén atteint ici la plénitude de son originalité tant sur le plan de l'écriture que de la mise en scène alors que celle de "A la mémoire d'Anna Politkovska" à laquelle il s'attella il y a quelque mois n'était guère convaincante. Comme pétrifiés les comédiens balancent un texte d'une densité intimidante. Il faut dire que l'interprétation mérite un coup de chapeau collectif. Catherine Sauval (trop rarement distribuée), Christian Cloarec, Alexandre Pavloff et Françoise Gillard acceptent notre finitude avec autant de douloureuse élégance que les créatures imaginées par Bergman.
La dernière image réalisée en vidéo (qui pour une fois n'apparaît pas comme un gadget) est d'une puissance si tétanisante que plutôt que d'applaudir ce spectacle qui porte haut l'exigence artistique on a envie de s'éclipser sur la pointe des pieds.
Jusqu'au 17 mai Théâtre du Vieux-Colombier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire