En s'attachant à deux pièces de Marguerite Duras écrites à quelques années de distance, Didier Bezace prend un sacré risque. Celui de permettre d'évaluer un auteur qui connut autrefois une exceptionnelle fortune littéraire. Ses textes eurent longtemps la réputation d'être hypnotiques. Il n'est pas certains qu'ils apparaissent encore tels aujourd'hui.
Si Le square qui détaille la rencontre d'une bonne à tout faire et d'un voyageur de commerce, tous deux sérieusement ébréchés, tient toujours la route, il n'en va pas de même de Savannah Bay. Une femme à la mémoire en déclin est poussée par une proche, plus jeune qu'elle, à se rappeler le temps d'autrefois. Temps où elle était une comédienne de théâtre extrêmement prisée. Temps de sa jeunesse marqué par l'irruption dans sa vie d' un amant magnifique dont la disparition la laissa inconsolée. L'émotion que provoque la présence de cette comédienne inclassable qu'est Emmanuelle Riva est indéniable. Le jeu tout en finesse d'Anne Consigny pourrait ajouter à notre ravissement. Mais ce serait oublier les trop longs silences qui ponctuent la représentation et la lassitude que provoque un thème que Duras a trop souvent rebattu.
Les personnage du Square n'ont, en revanche, rien de caricaturaux. L'homme qui mène une existence on ne peut plus chiche en vient à évoquer un court voyage qui chassa son mal être. La femme, elle, triture au plus profond de ses sentiments et en vient à parler des envies de meurtre que fait naître en elle une vieillarde obèse et gâteuse dont il lui faut s'occuper. Difficile de ne pas songer à cette pièce magistrale de l'auteur qu'est Une journée entière dans les arbres ou une autre "héroïne" durassienne trucide sa cousine débile. Et surtout à sa malheureuse phrase à propos de l'affaire Guillemin où elle considérait la mère de l'enfant assassiné "coupable, forcément coupable"...
Didier Bezace, qui ne se contente pas d'être à la manoeuvre, apporte une fois de plus la preuve qu'il a du métier à revendre. Sa partenaire, Clothilde Mollet, dont l'interprétation est riche de rebonds, apparaît, c'est une habitude, comme une surdouée de la scène.
Jusqu'au 5 juillet Atelier tel 01 46 06 49 24
vendredi 30 mai 2014
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