Lorsqu'à la fin des années 60 David Storey écrivit Home l'hôpital psychiatrique apparaissait comme un miroir où se réfracte la société. Que Sarkozy puisse criminaliser la folie sans que cela provoque des montées de colère prouve que l'aspiration à une pseudo normalité l'a emportée. On en sait d'autant plus gré à Chantal Morel d'avoir pris l'initiative de remonter cette pièce dont elle s'était déjà emparée à deux reprises dans les années 80. Elle fait évidement partie de ceux qui, comme le disait le psychiatre Lucien Bonnaffé, juge une société sur la manière dont elle traite ses fous.
Dans ce huis clos admirablement adapté par Marguerite Duras (pour Claude Régy qui est le premier en France à l'avoir mise en scène) ils sont cinq pensionnaires, deux hommes d'âge mûr, deux femmes de la même génération mais au parler beaucoup plus crû et Alfred, un jeune à qui, à en croire les deux fortes en gueules, on a enlevé un bout de cervelle. Il est, lui, chargé de rentrer le soir les chaises sur lesquelles ses ainés passent tour à tour leur temps Si chez les hommes, dont les conversation manquent de suivi, l'émotion est palpable (ils ont même souvent les yeux embués de larmes), les deux femmes, certainement dépositaires d'aussi lourdes souffrances, apparaissent sacrément plus vindicatives et pleines de vie.
David Storey - connu notamment pour avoir écrit le roman This sporting life qui fut adapté au cinéma par Lindsay Anderson et sorti en France sous le titre "Le prix d'un homme" - sait pertinemment que les psychotiques vivent dans la peur. Si les hommes ont tout au long de leurs conversations des moments de terreur silencieuses, les femmes chassent leurs démons à coups de rires gras ou de jets d'injures. Tous parlent de leur île qui est à la fois l'Angleterre et le lieu où ils végètent.
A la création par Régy les personnages étaient interprétés par des acteurs aussi fameux que Michael Lonsdale, Gérard Depardieu, Tatiana Moukhine... Ce sont aujourd'hui les moins connus mais aussi talentueux Marilyne Even, Jean-Jacques Le Vessier, Nicolas Cartier, Line Wiblé et Rémi Rauzier qui ont pris la relève. Forts des indications dune metteuse en scène osons le mot d'élite, ils projettent cette pièce indémodable à une altitude exceptionnelle.
Jusqu'au 8 avril Théâtre Nanterre-Amandier tel 01 46 14 70 00
lundi 19 mars 2012
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