dimanche 10 février 2019

La fin de l'homme rouge d'après le roman de Svetlana Alexievitch

Pendant quarante ans Svetlana Alexievitch, qui a obtenu en 2015 le prix Nobel de Littérature, a sillonné l'URSS puis, après sa disparition en 1991, des miettes de cet ancien "empire" et a enregistré des centaines de témoignages. Tous accablants. Emmanuel Meirieu qui a à maintes reprises prouvé sa capacité à porter des romans à la scène s'est emparé de ces paroles d'hommes et de femmes broyés par un système politique. Comme dans tous ses spectacles des comédiens viennent tour à tour raconter les événements dont ils ont été témoins ou victimes. Après qu'une mère ait évoqué son fils de 14 ans qui semble avoir prémédité sa fin c'est un ami de l'adolescent disparu qui relate le destin de ses autres copains de jeunesse. Viendront successivement une femme qui retrouve des années après l'avoir quitté l'univers désolé de la steppe où elle fut une enfant martyr et son fils qui après avoir été officier, et avoir vécu la conquête loupée et meurtrière de l'Afghanistan est devenu un homme d'affaire. Chacun se remémore combien rude fut l'érosion de ses espérances. Certains en arrivent à raconter le sort atroce de ceux, innombrables, qui furent considérés comme des ennemis du peuple. Seul un vieillard qui rejoignit à 15 ans le parti communiste lui est resté fidèle. Cela malgré l'arrestation sur dénonciation de sa femme militante elle aussi puis la sienne et avoir vu avec quelle cruauté, quel sadisme étaient traités les détenus. Libéré après deux ans de captivité, il ne songea plus qu'à reprendre la carte du parti. Que ses petits enfants lui disent que croire au communisme leur apparaît aussi absurde que d'être persuadé de l'existence des extra-terrestres ne le fait pas bouger d'un iota. Il constate en revanche que les jeunes gens d'aujourd'hui n'ont, contrairement à ceux qu'il fréquenta dans son jeune âge, aucune flamme dans le regard. Le fond de l'air, constate t'il non sans raison, est cyniquement marchand. Sept comédiens (Anouk Grimberg, Stéphane Balmino, Evelyne Didi, Jérôme Kircher, Xavier Gallais, Maud Wyler et André Wilms) incarnent avec une inoubliable intensité ces êtres qui ont réalisé l'ampleur de la tragédie qu'ils ont connu dans ces vastes étendues où régnait un socialisme inhumain. Il s'agit, on l'a compris d'un spectacle d'une puissance exceptionnelle. Jusqu'au 17 févier Les Gémeaux. Scène Nationale-Sceaux tél 01 46 61 36 67 Puis en tournée.

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