vendredi 4 décembre 2015
Le méridien d'après Paul Celan
Le moins qu'on puisse dire est que le comédien Nicolas Bouchaud ne craint pas les textes aventureux. Après avoir avec "La loi du marcheur" porté à la scène les réflexions sur le cinéma de Serge Daney puis reconstitué, avec "Un métier idéal" de l'écrivain engagé John Berger, le périple d'un médecin de campagne, il nous entraîne (une fois encore seul en scène mais avec la complicité avisée d'Eric Didry) avec "Le méridien" du poète Paul Celan aux confins du dicible. Lorsqu'il reçu en 1960 le prix Georg-Buchner, le poète juif roumain de langue allemande fit dans la langue de ses parents qui fut aussi celle de leurs bourreaux un discours de réception plus proche du déchaînement pulsionnel que de la péroraison attendue en pareilles circonstances. L'hommage qu'il rend à Buchner est l'occasion de s'interroger sur sa propre pratique. Il commence par évoquer Lucille Desmoulin qui à la fin de "La mort de Danton" crie "Vive le roi"après avoir vu Camille Desmoulin se faire guillotiner. Ces mots qui ne peuvent que la mener à son tour sur l'échafaud n'ont évidement rien d'un signe de ralliement à l'ancien régime mais témoignent de son opposition à un monde où règne l'inhumanité. Restée à l'état de fragment "Lenz" est l'oeuvre de laquelle Celan semble se sentir le plus proche. Atteint de ce qu'on qu'on pourrait appeler une folie langagière, Lenz, comme on dit, s'oublie. Ses mots questionnent plus avant, ce qui est le propre de la poésie. Le comédien ne joue plus mais semble emporté par des forces telluriques. Il faut être un interprète d'une virtuosité phénoménale pour sembler, comme fait Nicolas Bouchaud, n'être plus que dans le vif de l'existence, de l'exaltation et de la douleur. Cette douleur qui l'envahit quand revient inlassablement le souvenir de ce monde sans mots et sans réponses que fut l'Allemagne dont, rappelle Celan, la mort fut un maître. Une amie me dit, avec justesse, à la sortie de la représentation, que si celle-ci se déroulait dans un galerie ou un musée on parlerait d'installation verbale. Une de ces installations qui donne un sentiment d'inquiétante familiarité...
Dans le cadre du festival d'automne Jusqu'au 27 décembre Théâtre du Rond-Point tel 01 44 95 98 21
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