lundi 19 octobre 2015

Le retour au désert de Bernard-Marie Koltès

Le désert dont il est question dans le titre de la pièce est le fin fond de la province française où revient Mathilde accompagnée de deux enfants. Elle a quitté l'Algérie qui, en ce début des années 60, est en ébullition. Le climat de la maison familiale qu'elle a rejoint n'est pas non plus des plus guilleret. L'accueil d'Adrien, son frère - qui y vit avec sa deuxième épouse qui bibine du matin au soir et un fils qui rêve d'ailleurs mais n'a pas le droit de franchir la porte du jardin - n'est pas franchement enthousiaste. Jamais à court d'une réflexion vacharde, Mathilde semble décidée à aviver les tensions. La guerre civile ne ravage pas seulement l'Algérie. Elle se déroule aussi dans la demeure familiale où, pour ne pas apaiser les esprits rôde le fantôme de Marie, la première femme d'Adrien, le maître de maison et où surgit sans crier gare un parachutiste noir. Bernard-Marie Koltès écrivit cette pièce pour Jacqueline Maillant qui dut à son extravagant tempérament comique de devenir la reine du théâtre de boulevard. En 1988, elle créa sous la direction de Patrice Chereau le rôle de Mathilde. Comédienne aussi douée pour la farce que pour le tragique, Catherine Hiégel se glisse aujourd'hui avec superbe dans la peau et les nerfs de ce personnage. Elle a trouvé en Didier Bezace un partenaire à sa démesure. Comme le reste de la distribution est à l'avenant, le spectacle mis en scène avec une effarante perspicacité par Arnaud Meunier est de ceux qui ne s'oublient pas. D'autant que la pièce, où alternent dialogues et longs monologues dans lesquels chacun en dit long sur lui-même et sur une société dont le fonctionnement ne peut qu'engendrer de la haine, semble annoncer le triomphe actuel des populismes. On sait combien Koltès tenait à ce qu'un personnage maghrébin ou originaire d'Afrique noire soit joué par un interprète de la même identité. Aujourd'hui signe des temps désolants que nous traversons un metteur en scène qui fut proche de Chéreau confie le rôle d'Othello à un acteur vedette blanc. Il serait honteux de ne pas y trouver à redire. Le spectacle créé à La Comédie de Saint Etienne entame sous peu sa tournée qui le mènera dans un premier temps le 4 nov à la Scène nationale d'Albi, les 9 et 10 nov au Grand R -Scène Nationale de la Roche - sur- Yon et le 13 nov au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine (tel 01 55 53 1O 60).

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