lundi 21 mars 2011

Long voyage du jour à la nuit d'Eugène O' Neil

C'est à ne pas croire! Après les si enthousiasmants Ma chambre froide de Joël Pommerat et Louise, elle est folle de Leslie Kaplan on découvre avec ce Long Voyage du jour à la nuit d'Eugène O'Neil, dont le maître d'oeuvre est Célie Pauthe, un spectacle tout aussi éblouissant. Mais contrairement aux deux autres il est d'entrée de jeu tamisé d'une nostalgie feutrée.

O'Neil y fait réapparaître les fantômes de sa jeunesse, époque où sa mère droguée à la morphine, son père, un acteur d'une pingrerie pathologique et son frère qui noyait dans l'alcool son ironie dépressive étaient persuadés qu'il serait sous peu emporté par la tuberculose. En dépit de sa constitution fragile il leur survécut et pu ainsi raconté, à la fin de sa vie, l'histoire d'une journée de ce quatuor familial, dont il était issu lui, l'écrivain justement considéré comme l'inventeur du théâtre américain.

Le huis clos familial se déroule dans une pièce chichement meublée où la lumière plus que réduite en dit long et sur l'avarice du pater familia et sur le fait que les personnages sont plongés dans une nuit dont ils ne peuvent émerger. D'origine catholique irlandaise, les parents invoquent fréquemment le Tout puissant qui les a laissé dans un marasme mental dont ils ne peuvent se sortir. Lorsqu'elle est sous l'effet de la drogue la mère évoque les moments les plus douloureux du passé. A son mari qui lui reproche de ressasser ces souvenirs elle rétorque "passé et présent ne font qu'un". Le frère de l'auteur a des paroles tout aussi fortes qui lui avoue lorsqu'il a l'esprit entamé par l'alcool"méfie toi de moi car je te déteste" il ajoute ensuite " mais je t'aime encore plus que je ne te déteste" On aura rarement exprimé avec des mots aussi simples de quoi sont tissées les relations entre deux frères ou deux soeurs.

Avec ce spectacle d'une intensité contenue, Célie Pauthe, travailleuse acharnée, prouve qu'elle est de la caste des grands. Une de ses nombreuses qualités est d'avoir su choisir comme responsable des lumières l'extrêmement doué Joël Hourbeigt et pour interprètes des comédiens aussi riche de talent que Alain Libolt, Pierre Beaux et Philippe Duclos. Quant à Valérie Dréville si on savait de quel bois précieux elle se chauffe, elle arrive encore à nous surprendre tant son jeu chavire le coeur.

Eugène O'Neil est l'arriére grand-père de l'immense James Thierré lequel a une admiration éperdue et amplement justifiée pour son aïeul Charlie Chaplin. Il serait bon qu'il aille découvrir ce spectacle pour savoir que son autre ascendant est à la littérature ce que Charlot est au cinéma.

Jusqu'au 9 avril La Colline tel 01 44 62 52 52

Aucun commentaire: