En ces temps où le moral fléchit les deux auteurs et interprètes du spectacle nous entraînent, pour notre grand plaisir, sur d'irrésistibles chemins buissonniers. Alice Vannier et Sacha Ribeiro ont l'art de s'affranchir des codes sociaux. Alors qu'ils sont au départ vêtus, elle d'une robe de soirée, lui d'un costume, ils ont en fin de parcours échangés leurs fringues. Une manière malicieuse d'affirmer que les frontières entre les sexes sont poreuses. Les deux complices disposent pour tout décor de quelques chaises et de loupiotes qui égayent le plateau. Ils arrivent néanmoins à faire voir à travers ce show conçu avec une évidente économie de fortune qu'ils sont de bien talentueux boute-en train. Difficile de ne pas s'esclaffer quand il chante à la manière de son idole Mylène Farmer ou quand elle se glisse dans la peau et les nerfs d'une femme gravement constipée. Ils apparaissent à travers un entre-lac de situations au cours desquelles ils dansent ou poussent la chansonnette comme des comédiens tous terrain. Pas surprenant qu'on quitte la salle un brin requinqué. Jeudi, samedi, mardi 19h Reine Blanche tél 01 40 05 06 96
samedi 24 octobre 2020
J'existe (même si je ne sais pas comment faire) rêvé, écrit et joué par Alice Vannier et Sacha Ribeiro
dimanche 18 octobre 2020
Un jour, je reviendrai composé de L'apprentissage et du Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce
Dans les deux textes autobiographiques qu'a réuni le metteur en scène Sylvain Maurice, Jean-Luc Lagarce s'exprime à la première personne. L'apprentissage est le récit de sa sortie du coma. Ouvrant un oeil il devine ou croit voir A, son frère d'adoption. Une présence réconfortante. Celle d'une grosse femme souvent présente mais qui ne s'adresse jamais à lui n'est, quant à elle, en rien réjouissante. Avec elle comme avec les autres membres du personnel hospitalier il a le sentiment d'être condamné au rebut. Les chambres voisines sont occupées, il l'entend, par des hommes aussi peu vaillants que lui. La mort, dont il prend connaissance, de l'un d'entre eux fait davantage encore chuter son moral. Remis sur pied il fait le récit de son Voyage à La Haye. A. à présent le secoue, supporte mal ses troubles de l'humeur, lui reproche de se montrer blessant avec les membres de sa troupe. Lorsque celle-ci s'en va jouer en Hollande une des pièces régie par lui il ne se sent pas le courage de faire le trajet en compagnie de ses acteurs. Avant de les rejoindre il retrouve Amsterdam où il erre dans des lieux où il assouvit autrefois son désir des garçons. Jean-Luc Lagarce appartenait à cette frange d'artiste qui au plus fort de l'épidémie de sida évoqua sans détour son homosexualité. La force de son écriture tient en partie à la franchise avec laquelle il aborde les situations qu'il lui faut affronter. Il lui suffit de quelques mots pour faire entendre qu'il est des moments où il se vit comme un vieillard. C'est avec la même simplicité, alors qu'il sait son temps compté, qu'il s'attarde sur l'effet produit sur lui par son médecin, le bel Antoine. Si sa lucidité ne faiblit pas, on le sent au fil des phrases de plus en plus détaché. Vincent Dissez saisit avec une délicatesse hors du commun les états d'esprit de l'écrivain. Il en arrive à donner le sentiment qu'il s'est immergé dans les profondeurs de son être. On ne sera pas étonné que ces deux monologues si magnifiquement proposés apparaissent comme les miroirs des temps pandémiques que nous subissons. Jusqu'au 23 octobre Théâtre Sartrouville Yvelines CDN tél 01 30 88 77 79
dimanche 4 octobre 2020
Le côté de Guermantes d'après Marcel Proust
Heureuse idée qu'a eu Christophe Honoré d'avoir choisi dans le grand oeuvre de Proust Du côté de Guermantes. Marcel (Stéphane Varupenne) un jeune écrivain, y est introduit par le marquis Robert de Saint Loup (Sébastien Pouderoux) , qui prise son amitié, dans les salons d'une société de gens à particules dont il ignore tout. Son désir le plus tenace est de faire la connaissance de la duchesse Oriane de Guermantes (Elsa Lepoivre), dont il a vu le portrait et qui est la tante de son ami. L'homme éblouit qu'il est quand il fait ses premiers pas dans ce monde de nantis va peu à peu déchanter. Il découvre un univers saturé de faux semblants où l'on rivalise de bons mots pour déniger les absents. Tous, à l'exemple de la Célimène du Misanthrope, ont l'art de trousser de divertissantes vacheries. Oriane de Guermantes n'est pas en reste. Bien au contraire. Mais elle se montrera quand l'un de ses proches sera frappé par le malheur d'une sollicitude dont son entourage est, à l'évidence, dépourvu.Ce qui frappe chez ces princes du bon mot, où Marcel occupe une place excentrée, est le plaisir qu'à chacun à déniger les juifs. Nous sommes en cette dite Belle époque en pleine affaire Dreyfus. Personne dans ce milieu ne s'aventure à défendre l'officier prétendument félon. Qu'il reste à l'Ile du diable même si il est innocent dit une de ces femmes du grand monde. Christophe Honoré a remarquablement reconstitué ce monde appartenant à un temps révolu. Ponctuant la représentation de moments musicaux familiers à nos oreilles et choisis avec un goût certain, il jette un pont entre les débuts du 20e siècle et le temps présent. On est moins emballé par la présence insistante de jeunes hommes munis de perches. Ce qui se fait à présent fréquemment sur les scènes de théâtre et rappelle de plus de façon inopportune que le metteur en scène est aussi cinéaste. Cette menue réserve n'empêche pas le spectacle d'enchanter. Cela grâce à des comédiens qui s'en donnent à coeur joie. Il faut en particuliers souligner combien les interprétations de Dominique Blanc, Elsa Lepoivre, Serge Bagdasarien et Loïc Corbery (dans un rôle bref) nous ont comblés. Jusqu'au 15 novembre Comédie-Française au Théâtre Marigny Tél 01 44 58 15 15
vendredi 2 octobre 2020
Crise de nerf. Trois pièces dAnton Tchekhov
Après s'être des années durant mesuré avec succés aux grandes oeuvres de Tchekhov, le metteur en scène allemand Peter Stein s'est décidé à monté trois de ses courtes pièces. Dans "Le chant du cygne" un comédien, dont le temps ou le rêve de gloire, est passé, s'est assoupi dans un théâtre. Le souffleur tente de le convaincre de rejoindre son logement. Plutôt que de suivre ce conseil il s'enlise dans ses souvenirs de textes renommés.Débutant sur un ton plus léger "Les méfaits du tabac" dresse le portait d'un homme qui cache sous ses dehors excentriques sa peine d'avoir mené une existence rabougrie. Venu faire une conférence sur les méfaits du tabac il ne résiste pas à son besoin de laisser les digues céder. Le récit qu'il fait de sa vie sous le joug d'une femme qui le traite avec mépris est d'autant plus sidérant que Jacques Weber (au centre de la représentation) y va de toute sa démesure. Perruqué, grimé, loeil dans le vague, il est prodigieux. Transformé en hobereau dans "La demande en mariage" il reçoit avc une affabilité qui n'est que de façade un jeune voisin lequel s'est pour la circonstance pomponné. C'est qu'il venu demander la main de la fille du maître des lieux. Plutôt que d'échanger des amabilités les deux promis ne tardent pas à s'empailler. L'acteur laisse cete fois ses jeunes partenaires occuper la place. Manon Combes se montre comme Loïc Mobihan dignes du prestigieux héros de la soirée. Théâtre de l'Atelier 01 46 06 49 24 En principe jusqu'à début janvier.
jeudi 1 octobre 2020
La loi de la gravité d'Olivier Sylvestre
Séduite par la lecture de La loi de la gravité du jeune auteur dramatique québecois Olivier Sevestre, Cécile Backès en a tiré un spectacle qui émerveille. Dom et Fred ont quatorze ans et sont en proie à un tumulte intérieur dont ils parlent dès leur première rencontre.Dom est une fille qui sèche les cours qui la font, dit-elle, vomir. Son nouvel ami se remet mal de la mort de sa mère. Leur complicité leur permet de se maintenir à flot et les pousse à tenter ,pour ce qui est de leurs objets de désir, d'y voir plus clair. Eprise d'une fille de son âge qui semble lui rendre la pareille, Dom nage dans le bonheur. Pour un temps. Fred, est lui, tenté d'en finir, de rejoindre sa chère disparue. Les deux jeunes tendrons vont, à l'intiative de Dom, faire un bout de route ensemble. Si on ne peut guère résister à la fraîcheur qui émane de ce spectacle c'est qu'il cerne avec une infinie délicatesse les troubles de l'identité propre à l'adolescence. Cécile Backes fait, comme à son habitude, preuve d'une impressionnante intelligence scénique. Elle a trouvé en Marion Verstraeten et Ulysse Bosshard des interpètes rêvés.Le spectacle est tout du long soutenu par la batterie d'Arnaud Biscay (en alternance avec Héloïse Divilly). Le scénographe Marc Lainé a, pour sa part, conçu un ingénieux décor dont n'a de cesse de jouer l'artisane accomplie qu'est la metteuse en scène. On ajoutera qu'avec ses tournures inusitées la verve langagière de l'auteur canadien est pur délice. Jusqu'au 10 octobre Comédie de Béthune - CDN Hauts-de-France tél 03 21 63 29 19 Du 17 au 20 novembre Théâtre de Sartrouville - CDN Yvelines, Du 24 au 27 novembre Comédie de Béthune, du 1er au 3 décembre Comédie de Saint-Etienne, les 17 et 18 décembre Scènes du Golfe. Théâtres Aradon-Vannes.
mardi 15 septembre 2020
Un conte de noel
Arnaud Desplechin et Julie Deliquet, qui a adapté pour la scène le scénario du film Un conte de Noel, partagent la même fascination mêlée de répulsion pour les relations familiales et les eaux souvent saumâtres dans lesquelles elles baignent. Noel s'annonçant Abel et Junon reçoivent leur progéniture. Ce qui est d'autant plus délicat que la mère, dont la santé décline doit recevoir la moelle de l'un de ses descendants, et qu'Elisabeth, leur fille a mis Henri,l'un de ses deux frères au ban de la tribu. Eloigné des "siens" depuis 6 ans l'indésirable revient accompagné d'une superbe jeune femme. Il apparaît d'emblée qu'il ne s'encombre pas de civilités. Et que la haine que lui voue sa soeur, qui le considére comme un bon à rien, est intacte. Dans la constellation de souvenirs qui sont ravivés certains vont réveiller de vieilles meurtrissures. La disposition bi-frontale du public lui donne le sentiment d'être un témoin privilégié de ces pugilats et élans de tendresse.Remarquablement choisis et dirigés Marie-Christine Orry, Jean-Marie Winling,Stephen Butel, Hélène Vivies, Jean-Christophe Laurier et leurs partenaires méritent amplement d'être longuement applaudis. Jusqu'au 27 septembre Théâtre Gérard-Philipe 93 Saint-Denis tél 01 48 13 70 00
lundi 7 septembre 2020
Un premier festival au Garage théâtre à Cosne sur Loire
En ces temps de pandémie l'ouverture d'un lieu de création fait chaud au coeur. C'est Jean-Paul Wenzel à la fois auteur dramatique, metteur en scène, comédien et durant de nombreuses années à la tête du théâtre de Montluçon qui, fidèle à ses engagements aristiques et sociaux, s'est lancé dans l'aventure. Il a pour ce faire acquis et transformé un ancien garage. Désireux d'inaugurer le lieu de façon festive il a,avec l'appui d'une poignée de fidèles, mis sur pied un festival qui du 31 août au 6 septembre a attiré un public nombreux et enchanté.C'est, il est vrai, à un véritable festin qu'il a été convié. Au menu la lecture par Lou Wenzel et Nina Le Poder de "Fleur de pissenlit"de Wolfgang Borcher (dont Lou Wenzel monta admirablement il y a 2 ans la pièce Derrière la porte) Autre moment fort "Tout un homme" qu'a écrit et mis en espace le nouvel occupant des lieux. S'appuyant sur les témoignages des descendants d'immigrés maghrebins venus trimer dans les mines lorraines il retrace le parcours de l'un d'entre eux. Le joueur d'oud Hassan Abd Alrhaman accompagne tout du long ce récit de la vie d'un homme qui se retrouva fréquemment à bout de ressources et apprit sur son menaçant lieu de travail le sens du mot solidarité. L'agilité de jeu de Hovnatan Avedekian, Mounir Margoun et Lorène Menguelti leur a valu une ovation. Des applaudissements aussi nourris ont salué l'interprétation de Denis Lavant qui a porté son choix sur "La grande vie" un texte du peu connu mais recommandable Jean-Pierre Martinet. L'acteur se glisse dans la peau d'un homme au physique dit-il d'avorton qui a l'habitude de ployer l'échine. Il se laissera littéralement engloutir par une géante qui en a fait son objet sexuel. Véritable star underground tenté par les textes qui accède au coeur de l'être, il ne cesse de se surpassé. Martine Bertrand décroche elle aussi la timbale en incarnant "Oma". Réfugiée dans une roulotte cette femme sans âge est hélée par une jeunesse (Lou Wenzel) qui semble aux cent coups. C'est qu'elle est venue voir celle qui lui a donné le jour. Mais Oma qui a eu des enfants en pagaille refuse de se tourner vers son passé. Poussée à bout elle finit par l'évoquer. Avec colère. Comme on lance des imprécations. Si ce n'est un homme qu'elle a suivi en Espagne quand la guerre y faisait rage, elle n'a aimé aucun de ceux qui lui ont fait, le plus souvent à son corps defendant, des marmots.Et Oma qui rejetta sa progéniture d'apparaître comme le double inversé de la "Mère courage" de Brecht. Le ton bourru, l'aspect terrien la comédienne sert on ne peut mieux la puissante écriture d'Arlette Namiand. S'accompagnant à la guitare Gérard Morel a, quant à lui, avec des chansons de sa composition apporté le sourire. C'est qu'il a l'art de jongler avec les mots, de mitonner des phrases d'un charme qui rappelle Bobby Lapointe. Avec des artistes de sa trempe on a la quasi certitude que la chanson de textes a de beaux jours devant elle.
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