dimanche 26 septembre 2010

Des jours et des nuits à Chartres de Henning Mankell

Le centre de gravité de cette pièce du suédois Henning Mankell, surtout réputé pour ses polars au climat "bergmanien", est une photo prise à la libération de la France en 1944 par l'américain d'origine juive hongroise Robert Capa. Au centre de ce cliché une femme tondue portant un nourrisson dans ses bras est entourée d'une foule, composée surtout de personnes plus âgées du sexe dit faible aux visages consumés par la haine.

Simone (Fanny Valette, une révélation découverte dans le film La petite Jérusalem de Karin Albou), c'est le nom de la jeune femme dont l'écrivain reconstitue l'histoire en y ajoutant certains épisodes et en en supprimant d'autres, ne fit pas partie des supplétifs des nazis. Son crime est d'avoir aimé un soldat allemand, qui comme la grosse majorité de ses concitoyens adulait Hitler, et d'avoir eu un enfant de lui. Jetée en prison elle attend son procès à l'issue duquel elle risque la peine de mort. La terreur palpite dans son regard lorsqu'une femme dont elle n'a pas eu le pouvoir de faire libérer le fils adolescent et l'un des ses gardiens viennent la tourmenter. Là se situe la scène la plus forte de la représentation : révulsé par le comportement du gardien qui, comme lui, fut un jeune maquisard, son collègue lui reproche de se laisser guider par des pulsions barbares. Avec ses mots Il prévient celui qui fut son compagnon de lutte qu'il pourrait s'il continue de la sorte, connaître ce que Primo Lévy appelait "la honte d'être un homme"

La jeune femme, que seul soutient un père courage, sera condamnée à une sanction carcérale et à dix ans d'indignité nationale. Mais ces événements l'auront ravagés à vie. Grâce à des changements de décors virtuoses et à une direction d'acteurs sans faille, Daniel Benoin réussit là une mise en scène qui force l'estime. Il rend ainsi un hommage amplement mérité à Robert Capa (lequel sauta sur une mine en 1954) qui disait vouloir, dans ses photos, "fixer l'insondable". Pour des raisons qu'on ne s'explique pas Henning Mankell, malgré les nombreuses propositions qui lui sont faites en Suède, refuse que cette pièce soit montée ailleurs qu'en France. Les femmes continuent pourtant d'être de par le monde des victimes expiatoires de choix

Jusqu'au 23 octobre Théâtre National de Nice tel 04 93 13 90 90

1 commentaire:

Eimelle a dit…

au moment du choix des pièces pour l'abonnement pour la saison prochaine, je cherchais des informations sur celle ci, merci pour cet article!