mercredi 16 octobre 2019

Maldoror d'après Les chants de Maldoror du comte de Lautréamont.

Peu d'écrivains sont, comme Isidore Ducasse dit le comte de Lautréamont, allés jusqu'aux confins de leur personne. En portant à la scène, son oeuvre, Les chants de Maldoror, le metteur en scène et comédien Benjamin Lazar réussit un stupéfiant geste artistique. Mort à 24 ans en 1870, Lautréamont n'a pas attendu Freud pour être averti que nul n'est coupable de ses pensées. C'est d'une plume saignante qu'il dévoile les visions malfaisantes qui lui traversent l'esprit. Sa férocité est par endroit d'une telle allégresse qu'elle en devient cocasse. On sourit moins quand ses hallucinations prennent le dessus. S'il arrache a ses ténèbres des pages somptueuses c'est que, lointain parent de Baudelaire, il a, comme le faisait remarquer un ami, l'écriture à la fois obscure et étincelante. Comparant la mer et le coeur de l'homme, il écrit que ce dernier est plus profond et insondable. On comprend que les surréalistes eurent pour ce poète une admiration éperdue. La réussite du spectacle tient aussi aux créations sonores prodigieusement singulières de Pedro Garcia-Velasquez et d'Augustin Muller qui jamais noient les mots jaillis de la bouche de l'interprète. Les deux films projetés au cours de la représentation en disent, eux aussi, long sur l'état d'égarement de l'auteur. Si le premier embrasse des paysages du Paris que connut Lautréamont, le second s'attarde sur une nature plus onirique que réelle. Lazar nous fait, comme il en a le talent, entrer dans un monde où la raison s'est éclipsée. Jusqu'au 19 octobre Athénée-Théâtre Louis Jouvet tél 01 53 05 19 19

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