lundi 12 juin 2017
Jan Karski (mon nom est une fiction) de Yannick Haenel
Si l'ouvrage de Yannick Haenel est d'une force qui défie l'entendement c'est qu'il s'inspire du rapport explosif écrit par Jan Karski. Agent de liaison entre la résistance polonaise et le gouvernement en exil de son pays, il se rendit - sur la demande de deux responsables qui espéraient que son témoignage sauverait ce qui restait des leurs - deux fois dans le ghetto de Varsovie où il assista à des scènes d'une horreur inconcevable. Ceux qui n'avaient pas encore été envoyés dans les camps d'exterminations étaient des morts vivants à la merci des patrouilles de jeunes soldats nazis qui prenaient plaisir à les tirer comme des lapins. Sa visite dans un camp où ils étaient traités avec une férocité inouïe par des hommes exercés à l'insensibilité avant d'être entassés dans des wagons plombés dans lesquels on les laissa mourir de faim, l'empêcha jusqu'à son dernier jour de trouver le sommeil. Comédien investi dans son rôle avec une ferveur confondante, Laurent Poitrenaud raconte les vains effort que fit Karski pour faire savoir aux dirigeant politiques anglais et américains que l'extermination des juifs d'Europe était en cours. Roosevelt refusa d'y croire ou plutôt fit mine de refuser d'y croire.Il était en réalité passé maître dans l'art de l'esquive et les suppliques des deux hommes qui avaient pris contact avec Karski restèrent lettres mortes. Dans le temps suspendu de la représentation que met fiévreusement en scène Arthur Nauziciel on redécouvre, comme le firent ceux qui connurent cette période, que le fond de bestialité que des siècles de savoir vivre avaient refoulés ressurgit avec une sidérante facilité. Pas étonnant que Karski baigna tout le reste de sa vie (il mourut en 2000) dans le noir de ce temps. Ajoutons que la voix de Marthe Keller qui accompagne tout du long le spectacle rappelle qu'il est des êtres qui ne cèdent jamais au pire. Jusqu'au 18 juin Théâtre National de la Colline tél O1 44 62 52 52
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1 commentaire:
Après le livre de Yannick Haenel, dont l'évocation du début du film Shoah m'avait bouleversée et fait entrer totalement dans le récit jusqu'à sa fin, j'ai été secouée par l'adaptation théâtrale. Poitrenaux magnifique, et aussi comme tu le soulignes la voix de Marthe Keller... Quelque part, vers la fin de la pièce, Nauzyciel nous amène à un état proche de ces non-entendants auxquels Karski s'est toute sa vie adressé en vain : il y a un moment où le public lui non plus ne veut plus entendre, ne peut plus affronter, c'est très fort. Une pièce dont l'actualité est brûlante : les noyés en Méditerranée - même si la destruction systématique des Juifs par les nazis ne supporte aucune comparaison -, se heurtent eux aussi au refus d'entendre, de faire face à cette réalité-là, à la cruauté ignominieuse de certains (cf. le texte d'Erri de Luca publié hier sur FB). Merci Joshka pour tes textes, ton blog
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