vendredi 13 novembre 2015
Ça ira (1) Fin de Louis Création théâtrale de Joël Pommerat
Il est clair dès les premiers instants de ce spectacle, qui relate de manière inédite les débuts de la Révolution française, que Joël Pommerat a modifié son écriture scénique. Ce qui n'a pas changé est l'importance accordée aux mots. Ils furent longtemps aussi feutrés qu'ambigus. Ces dernières années ils jaillissaient plutôt des profondeurs des êtres. Ils sont cette fois assénés par des représentants à l'éloquence torrentielle du Tiers Etat, de la Noblesse ou du Clergé. Ces orateurs se trouvent sur le plateau. Ceux qui les approuvent, les applaudissent ou au contraire les contredissent et les injurient sont répartis sur les côtés de la salle. Les spectateurs deviennent ainsi témoins des événements. On pourrait aller jusqu'à écrire qu'ils en deviennent les contemporains tant la banqueroute dont parle le premier ministre de la période pré-révolutionnaire fait écho à l'atonie économique actuelle. Ce sentiment est conforté par le fait que les comédiens ne sont pas en tenue d'époque mais sont vêtus à la mode d'aujourd'hui. Ce qui est aussi le cas de Louis XVI, le seul à être une figure éminemment reconnaissable. Le voir arrivé dans la salle auréolé de lumière et être l'objet de la vénération de la foule qu'il traverse est un moment où la théâtralité reprend ses droits. Ce qui est aussi le cas de la scène où son hésitante majesté reçoit à Versailles, mais pas de gaieté de coeur, des représentantes du peuple. L'une d'elles se love longtemps sur celui qu'on considérait encore de droit divin donc incapable de mal agir. Le monarque et la reine exceptés, chaque comédien prend en charge de nombreux rôles. Et fait preuve d'une énergie volcanique. Les confrontations idéologiques se font violemment jour. Les propos d'un centriste, qui oscille constamment entre la défense des privilégiés et celle du peuple, et finit par évoquer la responsabilités dans le déchaînement de violences, de hordes d'étrangers sont accueillis par des discours d'une radicalité qui peut, elle aussi, foutre le bourdon. Pommerat a travaillé avec un historien de la Révolution. Et s'en est, dit-il, tenu aux faits. C'est pourquoi sans doute, en ces temps, où la misère étend ses ravages et où le pire semble à nos portes, ce spectacle nous concerne tant.
Jusqu'au 29 novembre Nanterre Amandiers Tel 01 46 14 70 00
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