vendredi 21 janvier 2011

Caligula d'Albert Camus

"J'irais décrocher la lune si tu me le demandais" chantait Edith Piaf dans L'hymne à l'amour, l'un de ses plus grands succès. Dans la pièce de Camus l'empereur Caligula demande à son plus fidèle serviteur de lui apporter la lune. Est-il pour autant victime d'une désintégration mentale? Oui et non. En proie à d'éprouvantes insomnies ses sautes d'humeur le poussaient à lancer des mots comme on lance des pierres. Ses cibles favorites étaient les courtisans dégoulinant de suavité. Fouler aux pieds leur dignité était son passe temps favori. Sa conduite atteignait souvent des paroxysmes de cruauté puisqu'il n'hésitait pas à contraindre la femme de l'un à coucher avec lui, à faire exécuter le fils d'un autre, le père d'un troisième...

Son goût de la bouffonnerie, comme l'écrit très pertinemment le bâtisseur du spectacle Stéphane Olivié Bisson (fils de Jean-Pierre Bisson qui fut lui aussi un metteur en scène mais également un comédien de première force) l'incite à organiser des fêtes belliqueuses au cours desquelles il lui arrive de se travestir en un dieu de l'Olympe. Faisant ainsi une pitoyable démonstration de sa toute puissance. Seul Cherea (Gauthier Baillot admirable de sobriété), qui fomente son assassinat, a deviné que tout fringant qu'il soit son désespoir n'en est pas moins réel. Il le sait d'autant mieux qu'il éprouve des pulsions semblables à celles du tyran mais que contrairement à lui il les maîtrise. Ce qui est pareillement le cas du jeune poète Scipion qui, lui, choisira l'exil.

Stéphane Olivié Bisson a le don pour trouver le point de jonction entre entre un acteur et un rôle. Caligula est incarné par Bruno Putzulu, qui mieux qu'aucun acteur de sa génération a l'art de marier une lucidité aigüe à un trouble du cours de la pensée. Bien que par endroit datée, la pièce de Camus qui avait plutôt mauvaise réputation apparaît - du moins dans sa première version choisie par Bisson - d'une puissante intelligence. L'écrivain sait , comme le saura plus tard Pasolini, que de coriaces démons habitent tout un chacun. La seule réserve que nous inspire ce spectacle - dont la musique de Jean-Marie Sénia qui l'accompagne est une splendeur - sont les costumes qui, à l'exception de ceux de Caligula dont le baroque rappelle les péplums italiens, sont si hideux qu'ils humilient ceux qui les portent.

Jusqu'au 5 Fév Athénée tel 01 53 05 19 19

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