On se trouve comme toujours chez Tchekhov face à des personnages aux vies rétrécies qui ressassent avec une délectation certaine leurs désillusions. Ils ont aussi en commun de n'avoir connu que des passions tristes. Celle de Kostia pour Nina est d'emblée de jeu (c'est le cas de le dire) vouée à l'échec. La jeune fille n'a d'yeux que pour l'écrivain à succès Trigorine (Christian Benedetti par ailleurs metteur en scène du spectacle), l'amant de l'égocentrique Arkadina. Tchekhov, on le sait, ne portait pas les célébrités faussement modestes dans son coeur. Le penchant de celle qu'il a élu pour un homme si visiblement désarmé va nourrir à l' égard de celui-ci l'acrimonie de Kostia. L'amour immodéré que lui inspire sa mère s'exprime au cours de leur seul face à face. Poursuivi par ses souvenirs, l'auteur en herbe, évoque un temps qui n'est plus et dont Arkadina ne se souvient guère.
Si quelques comédiens chargent avec trop de méthode leur personnage, on ne peut qu'applaudir la prestation de Jean-Pierre Moulin, qui incarne un vieil homme qui pressent pour Kostia un avenir funeste et n'arrive pas à alerter Arkadina, sa soeur dont le coeur est indifférent mais les comptes bien fournis. Philipe Crubézy compose, pour sa part et de subtile façon un médecin plus averti des souffrances de l'âme que de celles du corps. Le rôle de Kostia a échu à Alexandre Zambeaux dont la poignante retenue en dit si long sur la déroute intime de cet enfant d'une civilisation finissante. Christian Benedetti a enfin eu l'heureuse idée de confier le rôle de Nina à Céline Milliat Baumgartner. Le récit nimbé de souffrances qu'elle fait de sa vie est de ces moments qui ne s'oublient pas.
Du 25 au 27 janvier Scène Nationale de Cavaillon
du 5 au 9 février Théâtre de deux Rives Centre Dramatique régional de Rouen
du 20 au 23 avril Théâtre de l'Ouest Parisien Boulogne Billancourt
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