jeudi 14 décembre 2017

Après la pluie de Sergi Belbel

Quand il écrivit au début des années 90 cette pièce dont les personnages bossent dans un établissement financier l'auteur catalan Sergi Belbel semblait dépeindre un univers futuriste. Cet univers est aujourd'hui celui dans lequel nous évoluons. Sachant qu'il leur est interdit de fumer dans les bureaux les employés mais aussi les responsables vont en catimini griller des clopes sur le toit du bâtiment. C'est sur ce lieu que s'échangent des confidences, que l'on se plaint de ses supérieurs hiérarchiques, que l'on se fait du gringue. Mais aussi qu'on en arrive à perdre ses nerfs et même à gravement dysfonctionner. Les tensions sont d'autant plus vives que depuis deux ans aucune goutte de pluie n'est tombée. Le spectacle est interprété par huit comédiens d'une réjouissante envergure à savoir Véronique Vella, Cécile Brune, Clothilde de Bayser, Alexandre Pavloff, Nâzim Boudjenah, Sébastien Pouderoux, Anna Cervinka et Rebecca Marder. Directrice exécutive, programmeur de projet, secrétaires comme coursier tous ont un grain qui les rend attachants. Comme à son habitude la metteuse en scène Lilo Baur met chaque protagoniste en valeur. Elle a choisi pour scénographe Andrew D. Edwards lequel a réalisé un décor qui met superbement en valeur ce huis clos à l'air libre. Jusqu'au 7 janvier 2018 Vieux -Colombier tél 01 44 58 15 15

lundi 4 décembre 2017

Tous des oiseaux. Texte et mise en scène Wajdi Mouawad

Ce sont ses épopées théâtrales - Littoral, Incendies et Forêt - qui ont favorisées la découverte de Wajdi Mouawad devenu depuis un an directeur du Théâtre national de la Colline. Les personnages de Tous des oiseaux sont, comme ceux des pièces auxquelles il doit sa renommée, victimes des soubresauts de l'Histoire. Au cours d'un repas familial censé être un moment de partage Eitan,le fils d'une famille juive établie à Berlin provoque la fureur de ses parents lorsqu'il leur présente Wahida, la jeune fille d'origine arabe dont il s'est épris. Petit à petit on découvre que tous ont eu des parcours chaotiques. Qu'aucun des protagonistes n'est assuré de son identité. Comme il l'a admirablement fait dans ses créations précédentes, Wajdi Mouawad démêle, à coup de révélations fracassantes, l'écheveau des difficultés rencontrées par chacun. Si le grand-père rescapé de la Shoah ne semble pas sectaire, il en va tout autrement de son fils, le père d'Eitan que ses certitudes rendent féroce. L'auteur a eu à coeur que chacun s'exprime dans sa propre langue. Les échanges se font en allemand, en anglais, en hébreux et en arabe. Les comédiens, tous d'une exceptionnelle intensité, viennent des horizons les plus divers. Ce qui en ces temps de replis identitaire est réjouissant. En réunissant des hommes et des femmes qui, pour leur malheur sont souvent laissés dans l'ignorance de leur propre histoire, Wajdi Mouawad (qui semble un brin s'identifier à la jeune arabe à laquelle il a donné un nom proche du sien) montre combien il est redevable aux auteurs des tragédies antiques. Jusqu'au 17 décembre Théâtre national de la Colline tél 01 44 62 52 52

vendredi 1 décembre 2017

Ivresse(s) de Falk Richter

Jean-Claude Fall, metteur en scène du spectacle dont il est aussi un des acteurs, a eu la bonne idée de réunir trois textes de l'auteur allemand Falk Richter qui n' a pas son pareil pour éreinter nos temps d'alerte. A travers une succession de scène pour la plupart magistralement enlevées, il montre combien l'âpreté des règles capitalistes ont insidieusement transformées les relations de couple y compris celles des pères avec leurs enfants. Au cours d'une scène mémorable une fille tente - en vain - de faire entendre à son plaintif paternel que son sort à elle lui a toujours été d'une indifférence crasse. Une jeune femme sans ressource qui accepte de jouer une nazie se prend au jeu. L'ampleur de ce que nous avons à supporter pousse les couples à s'écharper. Doté d'une solide fibre socio-politique l'écrivain en arrive à décrire un camp de protestataires qui, contrairement à leurs aînés, ne sont guidés par aucune idéologie mais ressentent viscéralement le besoin de transformer un monde dans lequel ils ont le sentiment de sombrer. Le décor artisanal à souhait enchante tant il est en accord avec le refus, exprimé tout au long de la pièce, d'une société où l'argent seul est roi. Reviens constamment dans ce spectacle défendu par six attachants comédiens la question que se poseront ceux qui après nous vivrons "comment on pouvait vivre comme ça, ça n'a pas de sens et on dira tout simplement: ben oui, c'était comme ça à l'époque, ils faisaient tous ça, c'est tout..." Jusqu'au 17 décembre Théâtre de la Tempête - Cartoucherie tél 01 43 28 36 36