samedi 30 janvier 2016

Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès

On ne compte plus les metteurs en scène qui jettent leur dévolu sur les pièces de Koltès. Beaucoup (notamment Jean-Christophe Saïs, Thierry de Peretti, Jacques Nichet, Arnaud Meunier ...) en tirent des spectacles d'excellente facture. Ce qui est loin d'être le cas de Richard Brunel. Soufrant d'un manque flagrant de direction, les comédiens (dont certains on fait ailleurs preuve d'un grand savoir-faire) poussent de hauts cris,montent des escaliers à toute pompe, se roulent sur le sol, s'égarent dans un jeu outré. Seules quelques scènes (grâce à Axel Bogousslawsky et à Luce Mouchel) ne sombrent pas dans le ridicule. Comme le fit avant lui Jean Genêt avec Les bonnes inspiré du meurtre commis par les soeurs Papin,Bernard -Marie Koltès partit, pour écrire Roberto Zucco, d'un fait divers sanglant et s'abstint de condamner un rebelle forcené à l'ordre établi qui, apparemment sans état d'âme, assassina à tout va. Considérée à sa création, en 1991, comme une pièce mal famée, elle provoqua la fureur de la police et fut interdite, on s'en souvient, à Chambéry. Ce qui ne risque pas d'arriver au spectacle dénué de tout esprit de subversion mais non de lourdeur dont il est ici question. Jusqu'au 20 février Théâtre Gérard Philippe (TGP) Centre dramatique national de Saint -Denis tel 01 48 13 17 00

dimanche 24 janvier 2016

Bettencourt boulevard ou "une histoire de France" de Michel Vinaver

Il y eût sur l'affaire Bettencourt une telle inflation d'informations qu'on en a suivi les rebondissements comme celles d'un feuilleton. Michel Vinaver a saisi à chaud cette affaire qui en dit long sur les turpitudes de certains responsables politiques et membres de la haute finance. Comme on nous l'a répété à satiété, Françoise Bettencourt Meyers (Christine Gagneux), fille d'André et de Liliane Bettencourt a, malgré la sourde opposition de ses parent, épousé un juif. L'auteur a eu la bonne idée d'ouvrir la pièce sur le face à face de deux fantômes, aîeux de ce couple. L'un, est l'inventeur Schueller, père de Liliane Bettencourt, qui milita à la Cagoule et fut durant l'occupation un chaud partisan de la législation antisémite de l'Etat français, l'autre, le rabbin Meyers fut assassiné à Auschwitz. Lilane,qui a atteint un âge respectable et dont la mémoire souvent flanche, est entourée d'un paquet d'aiglefins. Parmi ceux-ci Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune au mieux avec des membres, de l'entourage de Sarkozy et le photographe écrivain François - Marie Banier. Esprit caustique, Michel Vinaver brosse de ces peu reluisants échantillons d'humanité des portrait savoureux. Jérôme Deschamps incarne de succulente façon de Maistre qui, dans ses accès d'autosatisfaction, prend des intonations gauliennes. Didier Flamand adopte, lui, la dégaine insolente de Banier qui s'y entend pour flatter la futilité de sa protectrice. Ce rôle Francine Berger le joue avec une finesse qui rendrait presque touchant ce personnage lequel n'a aucune accointance avec le réel, se paye un amuseur et profite de manière évidement éhontée de son grand âge et de sa colossale fortune. Le procès qui clôt ce spectacle mis en scène avec une plaisante ironie par Christian Schiaretti est celui d'une république qui mériterait d'être affligée du terme de bananière.Jusqu'au 14 février Théâtre National de la Colline tel 01 44 62 52 52

jeudi 21 janvier 2016

Déjeuner che les Wittgenstein de Thomas Bernhard

Thomas Bernhard avait pris son époque en dégoût et ne se privait pas de le dire haut et fort. Wittgenstein, philosophe interné en hôpital psychiatrique ressemble par d'innombrables traits à l'écrivain. Dene, sa soeur aînée a décidé de le faire réintégrer la maison familiale, ce que Ritter, la cadette n'approuve pas. Wittgenstein, lui-même, n'a nullement l'intention de s'attarder dans ce lieu qu'il compare à un caveau mortuaire. Au cours d'un déjeuner préparé avec une ardeur inquiétante par Dene qui a pour son frère un engouement sans borne, celui-ci se déchaîne. Il vomit le monde où la vulgarité gagne chaque jour du terrain, s'en prend à ses soeurs, toutes deux comédiennes, qui ont, assène t-il, sombré dans le théâtre. Il n'est pas plus tendre avec les peintres contemporains qu'il considère comme des non-artistes. Seule la musique trouve grâce à ses yeux. Il s'en prend enfin à leurs défunts parents, gens aux revenus extrêmement confortables qui les ont, ses soeurs et lui, si piètrement façonnés. Tandis que l'aînée, qui a joué sans succès les parfaites maîtresses de maison, se lamente puis s'effondre, la seconde bibine à tout va. Ce qui caractérise la plupart des pièces de Thomas Bernhardt est leur férocité comique. Fine connaisseuse du théâtre germanique, Agathe Alexis, qui assure la mise en scène , a su fait surgir tout le suc de cette pièce fourmillante de réflexions et d'interrogations sur une société qui marche sur la tête. Les trois comédiens, Yveline Hamon, Agathe Alexis et Hervé Van Der Meulen exécutent leur partition avec un tel brio qu'on serait tenté d'assurer aux interprètes en herbe, aujourd'hui en si grand nombre, qu'ils peuvent tirer de leur jeu si parfaitement rythmé un véritable enseignement. Jusqu'au 1er février Théâtre de L'Atalante tel 01 46 06 11 90

jeudi 14 janvier 2016

Qui a peur de Virginia Woolf? d'Edward Albee

Le couple d'enseignants dans une université américaine que forment Martha et George apparaît de prime abord furieusement désaccordé. C'est à l'évidence pour foutre en rogne son mari qu'à l'issue d'une réception bien arrosée Martha a convié à prendre une dernier verre un professeur en début de carrière et sa dinde d'épouse.La soirée très vite part en sucette. L'hôtesse semble prendre un malin plaisir à dévoiler les faiblesses de son partenaire. Lequel, après avoir paru blessé, sort ses propres munitions. Les invités feront rapidement les frais de ce déballage de souvenirs réels ou inventés. La pièce, écrite en 1962, fut créée en français quelques années plus tard avec dans les rôles principaux Madeleine Robinson et Raymond Jérôme. Les deux comédiens en arrivèrent rapidement à se haïr au point de s'envoyer chaque soir à la gueule des vacheries dont ils étaient les auteurs... Rien de tel ici où les personnages empêtrés dans une relation perverse sont interprétés par Dominique Valadié qui donne la mesure de son immense virtuosité et par Wladimir Yordanoff dont la composition éblouissante de finesse force l'admiration. Les jeunes Pierre-François Garel et Julia Faure incarnent, quant à eux, les invités qui en fin de nuit quittent essorés la maison de leurs aînés. La mise en scène épurée d'Alain Françon et l'astucieux décor de Jacques Gabel achèvent de faire une réussite de ce spectacle qu'on reçoit à l'estomac. Théâtre de l'Oeuvre tel 01 44 53 88 88

samedi 9 janvier 2016

Richard III de William Shakespeare

Peut être Thomas Jolly n'avait pas le projet de monter Richard III. Le succès phénoménal remporté par Henry VI l'aura sans doute incité à poursuivre dans la même voie. On connaît sa capacité à s'approcher au plus prés des monstres politiques. Ce monument de duplicité qu'est Richard III faisait donc parfaitement l'affaire. Il l'incarne lui-même en soulignant la malignité du personnage à qui le désir de puissance fait perdre toute mesure. La mesure n'est d'ailleurs pas la tasse de thé de ce metteur en scène qui ne lésine pas sur les effets visuels et acoustiques.La profusion de lumières rutilantes en agace plus d'un mais fait fait la joie des jeunes spectateurs qui découvrent combien le théâtre peut être à la fois divertissant et source de réflexions. Contrairement à d'autres metteurs en scène de sa génération qui se plaisent à en mettre plein la vue, Thomas Jolly tente surtout de dessiner le profil de ces fous qui de tous temps nous gouvernent. Fils disgracieux d'une mère qui l'a toujours rejeté, le Richard qu'il interprète carbure à la haine. Haine qu'il dissimule longtemps sous des airs patelins et qu'il laisse in fine si bien jaillir qu'il en arrive à foutre à tous les jetons. Mais la colère parfois l'emporte sur la peur... Des comédiens dont le jeu outrancier apparaît d'une frappante homogénéité concourent à rendre ce Richard III intelligemment spectaculaire. Jusqu'au 13 février Odéon théâtre de l'Europe Tel 01 44 85 40 40