mercredi 29 octobre 2008

La Lettre et Madame de Sade

Deux spectacles au climat vénéneux font les beaux jours d'octobre.
Rien à priori ne rapproche Madame de Sade de Yukio Mishima dont s'est emparé Jacques Vincey, un des metteurs les plus prometteurs du moment et La lettre écrit et mis en scène par Pierre -Yves Chapalain qui fut longtemps l'un des interprètes de Joël Pommerat. Ils ont pourtant en commun de naviguer dans les eaux saumâtres des relations familiales.

Le premier, plus stylisé, réunit un casting rutilant où l'on retrouve notamment Marilu Marini, Hélène Alexandridis et Anne Sée. Il se déroule dans la demeure de madame de Montreuil belle-mère du dit divin marquis alors que celui-ci est emprisonné tant pour ses convictions que pour ses actes. Vêtues de sorte de robe à panier qui leur donne au début des allures de marionnettes l'épouse du détenu et sa mère tiennent toutes deux des discours étincelants d'habileté. Les paroles provocantes ou faussement apaisantes des femmes de leur entourage aiguisent leur verve batailleuse. Fine manoeuvrière, madame de Montreuil tente de piéger sa fille dont elle connaît les frasques pour avoir envoyé un homme à sa solde assister en catimini aux nuits d'orgie auxquelles sa fille a participées. Mais celle-ci tient un discours désinhibé au cours duquel elle explique que c'est l'amour qu'elle voue à son mari, travaillé par une libido exigeante et pour lequel la violence est au coeur de la nature de l'homme, qui l'a portée à ses extrémités.

La lettre a pour cadre la maison menacée par les eaux d'un couple de paysans que mine des conflits aveugles. L'homme se persuade qu'il est gravement malade alors que docteur lui affirme qu'il se porte on ne peut mieux. On comprendra peu à peu qu'il est atteint non d'un mal physique mais d'une rage qui le dévore. L'objet de cette rage est son frère qui lui a tout pris y compris, ce qu'on comprendra en mettant au jour des zones enfouis du passé, ce qu'il a de plus cher. Lorsque ce frère qui a des allures de jeune homme ou plutôt de jeune femme réapparaîtra après des années d'absence, l'homme se vengera avec la même cruauté que celle des demi dieux des tragédies grecques.

Le climat fantastique de la pièce la rapproche de Maurice Maeterlinck. Mais alors que l'écrivain belge use d'un langage résolument lyrique, celui de Pierre Yves Chapalain est ordinaire et par à coup veiné de poésie. Faisant preuve d'une grande sureté dans dans la direction de ses interprètes, il réussit à assortir sa tragédie du terroir d'une touche d'humour. Le spectacle est en effet peuplé de personnages haut en couleur tel le médecin qui gagné par l'atmosphère ténébreuse de la maison se met soudain à hurler à plein poumons ou la soeur du paysan attirée comme un aimant par ceux que la mort menace. Son mari, lui, n'arrête de dire des âneries, ce qu'il sait pertinemment mais ne peut s'empêcher de faire.

Ces deux spectacles qui révèlent de façon si différente le caractère abyssal de nos ténèbres méritent, on l'a compris d'être découvertes.

La lettre se donne jusqu'au 9 novembre au théâtre de la Tempête à la cartoucherie de Vincennes tandis que Madame de Sade se donne au théatre de Beauvais les 13 et 14 nov, à l'Espace Jacques Prévert Aulnays- sous- bois le 17 nov ; à la Comédie de Reims les 25 et et 27 et à l'ABC Scène Nationale de Bar-le- duc le 2. En décembre il sera présenté à La Rochelle, à Dieppe, à Meylan et à Gridignan.

lundi 27 octobre 2008

présentation

Y a t’il une vie après celle de critique de théâtre, métier que j’ai exercé un paquet d’années à Télérama. Je suis convaincu que oui avec cette liberté et cette insolence accrue que permet le blog.

A mes yeux le théâtre autorise, comme toute art qui se pratiqué sur le fil, d’observer tout ensemble les spécificités de notre époque et d’imaginer un avenir indéchiffrable. Mon but premier est de défendre des spectacles qui scintillent d’instants magiques et de suivre des démarches de créateurs qui nous entraînent dans une nuit qui est autant la leur que la nôtre. Ce qui ne signifie évidemment pas que seront exclus les représentations où seule la fantaisie gouverne. `

Ce blog ne rendra pas seulement compte des heures où je me suis senti en résonance profonde mais aussi de celles qui donnent des hauts le cœur car elles reflètent une époque de vide abyssal de la pensée. Des entretiens avec des metteurs en scène, acteurs, auteurs, scénographes dont les efforts provoquent l’ivresse d’une véritable découverte seront également au programme. Tant de belles intentions peuvent causer bien des déceptions.

En attendant, comme dit l’autre, vogue la galère.

Il va sans dire que tous les commentaires, même les moins aimables, seront les bienvenus.

Joshka Schidlow