mardi 30 juin 2009

Les nuits de Fourvière

Les amateurs des arts de la scène auront rarement été aussi gâtés. Ce festival (du 5 juin au 1er août) réunit aussi bien des opéras (tel que Le flûte enchantée de Mozart dirigé  par Mario Tronco (qu'on verra la saison prochaine à la MC93 de Bobigny) que la tragédie musicale West side story (produit et mis en scène par Jérôme Robbins) d'un dynamisme enchanteur, qu'un cabaret Brecht à la manoeuvre duquel se trouvaient Carmen-Maja Antoni et Manfed Kargue, l'opéra de Purcell Didon et Enée dont s'est emparée la chorégraphe Sasha  Waltz et j'en passe (comme La traviata monté par ce génie qu'était Gruber et qui sera, sans que le public ait à déverser un centime, projeté sur grand écran) 
Nous avons eu le privilège d'assister à une représentation  de Mère courage et ses enfants de Bertold Brecht par la troupe de Berliner Ensemble qui depuis des décennies n'avait plus mis à son répertoire cette pièce jouée un nombre incalculable de fois par frau Brecht : Helen Weigel. C'est cette fois Carmen Maja  Antonis qui incarne avec une vitalité sidérante la commerçante désespérément battante et obsédée par le gain.  Mais alors que d'ordinaire son combat se situe pendant la guerre de 30 ans, Claus Peymann la fait rimer avec le présent. Ce qui dans notre monde sans pitié et devenu un grandissant champs de bataille se justifie amplement; 
Se déplaçant avec ses trois enfants dans une carriole, elle y a entassé  des marchandises qu'elle vend d'autant plus facilement que la guerre sévit. Ainsi sa hantise est que celle-ci prenne fin. En revanche elle n''a pas prévu que son aîné sera engagé comme conscrit. Il vivra, comme tous les soudards de rapines mais lorsque la paix sera déclarée il se fera poisser et exécuter pour s'être comporté comme par le passé. 
Au fil des événements Mère courage qui semble avoir bouffé du lion perdra aussi ses deux autres enfants dont une fille muette et d'une vaillance insoupçonnée. Un homme d'église un poil chafouin et et un cuisinier soiffard et sans scrupules l'accompagneront quelques temps dans ses pérégrinations. Electrisé par le jeu de Carmen -Maja Antoni et de ses partenaires, dont Manfred Kargue qui hérite du rôle du cuisinier, ce spectacle est de ceux qui ne s'oublient pas.
Même si mis en scène dans le somptueux site gallo-romain de Fourvière, il connaît quelques ratées. Résultat : on aurait le plus vif plaisir à revoir ce spectacle  d'une si haute tenue où Brecht dépeint avec une tant de  force des personnages soumis à la pression de l'Histoire avec une grande hache (comme aurait dit George Perec) dans un cadre plus attendu moins stupéfiant de beauté.
Fait notable et vraisemblablement inédit : cette manifestation a été financée à hauteur de 44% par le Conseil Général 
Jusqu'au 1er août Les nuits de Fourvière 04 72 32 OO OO  

mercredi 17 juin 2009

Festival Trans 09

Après d'innombrables déconvenues propres aux fins de saison  sur lesquelles il est inutile de s'attarder le festival Trans initié par Jean-Michel Rabeux favorise les jeunes pousses désireuses de changer les codes de la représentation.  Ainsi Sylvie Reteuna qui a l'audace de s'attaquer à Blanche-Neige de Robert Walser, écrivain suisse qui passa la majeure partie de sa vie en hôpital psychiatrique où il arracha a ses ténèbres  des oeuvres qu'on pourrait, si l'on était lyrique, comparer à des poussières d'étoiles. Ainsi cette pièce où il revisite  le conte des frères Grimm en l'enrichissant d'un  bouillonnement poétique  proprement suffoquant. La fébrilité inquiète de  Blanche-Neige est sans cesse avivée par la reine qui ne supporte pas qu'une princesse dans tout l'éclat de sa jeunesse  puisse  rivaliser avec sa beauté dédaigneuse. Le comportement  de cette somptueuse teigne est fait de mots apaisants et de gestes meurtriers. 
Le reste de l'entourage de la jeune fille n'est guère plus rassurant puisqu'il se compose d'un chasseur (qui est aussi le narrateur), amant de la souveraine et d'un prince malingre qui porte des chaussures vertes à hauts talons. Tous lui apparaissent  par instants comme ses tourmenteurs. Une vidéo aux images aussi changeantes que faites pour alimenter nos facultés oniriques occupe le fond de scène. La distribution est quant à elle un régal qui réunit Claude Degliame (sublime en reine  toute d' ambivalence), Aurelia Arto, Marc Mérigot et Eram Sobhani
Autre spectacle d'une splendeur aussi dévastatrice donné au cours de la même soirée : Strptease  mis en scène et écrit (en s'inspirant de Valère Novarina et Pascal Quignard, deux écrivains qui ne comptent pas parmi les moindres) par Cédric Orain. Une seule comédienne, mais d'un talent et d'une malice difficilement comparables occupe le plateau : Céline Milliat -Baumgartner . Sa performance aussi culottée que gracieuse et d'une folle ironie donne l'envie d'avoir rapidement le précieux bonheur de la retrouver.
Ces deux spectacles qui font un si joli pied de nez au conformisme ambiant  seront, pour notre plus grande délectation, à l'affiche la saison prochaine.
Blanche-Neige et Striptease jusqu'au 18 juin Théâtre de la Bastille Le festival se poursuit jusqu'au 28 juin avec des créations qu'on nous promet aussi inusuelles  

jeudi 4 juin 2009

Blanche-Neige de Robert Walser

Considéré comme un fondu de la cervelle, l'écrivain suisse Robert Walser, qui passa une part importante de son existence en hôpital psychiatrique, arracha à ses ténèbres des pages somptueuses. Ce qui est le cas de cette Blanche-Neige que monte Sylvie Reteuna. Réexplorant le conte des frères Grimm, la reine jalouse de la beauté de sa fille ou de sa belle-fille (ce n'est pas ici spécifié) semble prendre un malin plaisir à lui éreinter les nerfs.  Sa voix, parfois prend des inflexions cajoleuses alors qu'à d'autres instants elle la menace de terribles sévices. 
Le reste de l'entourage de la jeune fille n'est guère moins inquiétant qui réunit un chasseur qui est aussi le narrateur et l'amant de la première dame du royaume et et d'un prince filiforme qui porte des chaussures vertes à hauts talons.
Une vidéo aux images aussi fluctuantes que faites pour alimenter notre potentiel onirique occupe le fond de scène. Sylvie Reteuna a par ailleurs tirer un magnifique parti de l'hétérogénéité de sa distribution dans laquelle on retrouve Claude Degliame et des jeunes comédiens plein de ressources mais qui ne se sont pas encore fait un nom.Ce spectacle qui ne s'intègre à aucun courant est l'une des meilleures surprises de l'été. Seul les spectateurs qui veulent du bien normé risquent de quitter la salle furax...
Du 15 au 26 juillet Théâtre de l'Etoile du nord Paris 75018

 

La Estupidez (La Connerie) de Rafael Spregelburd

Electron on ne peut plus libre, Rafael Spregelburd a ouvert une brèche dans le conformisme de notre temps. Se référant autant au cinéma qu'aux sitcoms, il a écrit une pièce saturée d'intrigues où les acteurs ne cessent de se transformer, de troquer un personnage pour un autre, de changer de dégaine, de coiffure comme de perruques. On comprend donc que les deux metteurs en scène (Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier) aient un eu un coup de coeur pour cette oeuvre au climat hystérique qui couple situations alambiquées en diable et violence déréalisée. 
Marcial Di Fonzo Bo, qui joue lui-même un des cinq rôles, a trouvé en Karin Viard, Marina Foïs, Grégoire OEstermann et Pierre Maillet les compagnons idéaux de cette aventure artistique. Si l'interprétation comme la scénographie laissent admiratifs, le spectacle est par instants encombré par ses trouvailles. Il aurait du coup gagné à être réduit. (Il dure plus de trois et demie) On le dit avec d'autant plus de scrupules que l'argentin Rafael Spregelburd est sans conteste un écrivain. Et des meilleurs. 
Jusqu'au 14 juin Théâtre National de Chaillot