jeudi 27 décembre 2018

Kanata-Episode 1 :La controverse de Robert Lepage

Il est exceptionnel que deux metteurs en scène renommés unissent leur savoir faire. Bien que le spectacle joué par des comédiens du Théâtre du Soleil, soit signé par le Québecois Robert Lepage, la griffe d'Ariane Mnouchkine y est visible. L'absence d'acteurs autochtone a, comme on en a abondamment été informé, provoqué des réactions si outrées qu'il fut question de mettre fin à l'aventure. C'est finalement un spectacle amputé de nombreuses scènes qui nous est présenté. On découvre, en suivant à la trace quelques femmes et hommes pour la plupart d'origine huronne, un Canada à la merci de son passé. Une peintre française qui a pris ses quartiers à Vancouver fait la rencontre d'une jeune prostituée droguée jusqu'au yeux. Laquelle sera, comme 48 autres jeunes femmes à la dérive, victime d'un tueur en série. Robert Lepage n'a pas eu à faire montre d'imagination. Les récits qui s'entremêlent sont véridiques. On apprend ainsi que de nombreuses petites filles d'origine autochtone arrachées à leur mère et placées dans un orphelinat finissaient sur le trottoir. D'autres au départ plus chanceuses, telle la fille d'une restauratrice de tableaux , sont tout aussi irrémédiablement perdues. Les changements de registre comme de décors sont d'une fluidité qui rappellent les grandes réussites des deux maîtres d'oeuvre. Il est notamment une scène d'une fulgurante beauté où, sous l'effet d'une prise d'opium, la jeune artiste se trouve en apesanteur dans une petite embarcation. Bien que parfois encore trop schématique, le spectacle mérite amplement la découverte. On ne peut par ailleurs être étonné qu'un projet tel que celui dont il est ici question ait nourri la défiance d'une population qui n'ayant cessé de subir des offenses ne tient pas à ce que des étrangers à leur communauté viennent les dénoncer. Il est plus aisé de s'opposer à ce poison qu'est le communautarisme aujourd'hui si triomphant quand il n'est pas, comme dans le cas des Amerindiens (terme aujourd'hui banni), la dernière branche à laquelle s'accrocher. Dans le cadre du Festival d'Automne à Paris Jusqu'au 17 février Cartoucherie de Vincennes tél 0143 742408

lundi 10 décembre 2018

J'ai bien fait? Texte et mise en scène Pauline Sales

Valentine, une enseignante d'une quarantaine d'années surgit sans crier gare chez son frère, un plasticien avec lequel elle n'a conservé que de rares contacts Elle est visiblement hors d'elle. On en apprend peu à peu les raisons. Elle a, il est vrai, des cheveux à se faire. L'arrivée sur les lieux de son mari, un scientifique que son savoir semble mettre à l'abri des tourments et tient éloigné de ceux de sa femme, n'est pas fait pour la calmer. Peu après c'est une de ses brillantes anciennes élèves, résignée à vivre de petits boulot qui fait irruption dans l'atelier de l'artiste. Lorsque laissé seul ce dernier dévide son histoire, il apparaît que comme tous ceux qui gagnent modestement leur vie, il a, tout créateur qu'il est, peur du déclassement, de la précarité Pauline Sales, dont la pièce est d'une force peu commune, est douée d'un flair sociologique imparable. Les quatre personnages qu'elle met en scène en disent long sur l'état de notre civilisation. Cette oeuvre qui embrasse à la fois l'intime et la politique est jouée à la perfection par Hélène Viviés qu'entourent Gauthier Baillot, Anthony Poupard et Olivia Chatain, des comédiens d'une trempe égale à la sienne. Un spectacle qui'en ces temps incertains tombe à pic. Jusqu'au 16 décembre la Tempête. Cartoucherie de Vincennes tél 01 43 28 36 36