mercredi 18 juillet 2018

Italienne, scène et orchestre de Jean-François Sivadier

En 2OO3 Jean-François Sivadier avait mis en scène inoubliablement Italienne, scène et orchestre. Il l'a depuis remonté à plusieurs reprises. Le plaisir qu'on prend à le redécouvrir est toujours aussi grand. Le metteur en scène invite le public à suivre les répétitions de la Traviata de Verdi. Les spectateurs sont d'emblée intégrés dans les séances de travail puisque placés sur la scène ils incarnent dans la première partie du spectacle le choeur de l'opéra. Dans la seconde, installés dans la fosse, ils deviennent les instrumentistes à qui le chef d'orchestre (rôle que s'est réservé Jean-François Sivadier) donne sur un ton souvent orageux ses instructions. Au départ c'est le metteur en scène du célèbre opéra (Nicolas Bouchaud) et sa dévouée assistante (Nadia Vonderheyden) qui les interpelle pendant les rares moments où il n'a pas à flatter la vanité des chanteurs ou à leur faire entendre qu'ils font fausse route ou carrément n'importe quoi.. Entre cet homme qui voit avec anxiété le temps filer à toute allure et le chef d'orchestre au tempérament éruptif qui manie le langage de manière étourdissante la tension ne cesse de monter. C'est qu'ils sont l'un et l'autre convaincus de leur talent. Ce qui est aussi le cas de la diva (Charlotte Clamens)qui, sollicitée ailleurs, n'a que peu de temps à consacrer aux répétitions. Les autres chanteurs (Marie Cariès et Vincent Guédon), eux, assurent. Mais à leur façon. Elle aspire à devenir cantatrice de renom tandis que son partenaire fait des propositions de jeu totalement brindezingues. Tous six débordants de fantaisie et impressionnants d'adresse, les comédiens font de bout en bout jubiler les spectateurs choristes ou musiciens.Jusqu'au 28 juillet MC93 Bobigny tél 01 41 60 72 72

dimanche 1 juillet 2018

Tragédies romaines de William Shakespeare

Quand le metteur en scène hollandais Ivo van Hove monte un spectacle avec des comédiens français il fait montre de savoir-faire mais ne nous bluffe pas. Il en va tout autrement lorsqu'il travaille avec le Toneelgroep d'Amsterdam, la compagnie qu'il dirige. Il rassemble, cette fois, dans un même spectacle les trois tragédies romaines de Shakespeare : Coriolan, Jules César, Antoine et Cléopatre. Les personnages se meuvent sur un espace immense rempli d'écrans, dont un particulièrement imposant qui fait face à la salle et où l'on découvre en gros plan les comportements de ceux qui occupent la scène. Durant une importante partie de la représentation le public est invité à occuper des portions du plateau. Les protagonistes se montrent tous capables d'actions exorbitantes. Chaque geste peut être sujet de discordes. Qui vont en s'amplifiant. Chacun se révèle affamé de pouvoir. Lequel a, on ne le sait que trop, partie liée avec la perversité. Désavoué par des concitoyens influents, Corolian prend les armes contre les siens. Devenu aux yeux de certains trop puissant, Jules César est mis à mort par quelques uns de ses proches. La passion charnelle qu'éprouvent l'un pour l'autre Antoine et Cléopatre leur donnera un sentiment de toute puissance qui les mènera au désastre. Constatant que des femmes jouent de nos jours des rôles politiques de premier plan, le metteur en scène qui a tenu à ce que ces pièces s'inscrivent dans le monde contemporain, donne à des comédiennes des rôles d'homme. Il a aussi eu l'excellente initiative de faire faire (par Tom Kleijn) une nouvelle et magnifique traduction. Grâce à celle-ci des phrases qui apparaissent d'habitude si ornées que les metteurs en scène les suppriment surgissent ici dans toute leur vertigineuse splendeur. Filmée par une caméra placée en surplomb de la scène, la mort de chacun des personnages clés est d'une force qui laisse pantois. Spectacle défendu par des comédiens d'un talent étourdissant et qui gagne au fil des heures en séduction et en consistance, Tragédies romaines est de ceux qui marquent à jamais. Jusqu'au 5 juillet Théâtre National de Chaillot tél 01 53 65 30 00