dimanche 29 mai 2011

Mille francs de récompense de Victor Hugo

Pièce de Victor Hugo qui pour des raisons obscures avait été mise en veilleuse, "Mille francs de récompense" méritait la redécouverte. Les personnages centraux en sont les membres d'une famille qui de la gêne sont tombés dans la pauvreté et que la misère guette. Survient par un heureux hasard un certain Glapieu, pauvre diable qui après avoir commis quelques larcins a décidé de devenir un honnête homme et qui va s'échiner à sortir les malheureux de la mouise et surtout des griffes d'un puissant escogriffe qui "tartuffie" à tout va.

L'écrivain a, on le sait, l'art d'entretenir la flamme du romanesque. Il n'hésite donc pas a tisser des noeuds relationnels compliqués. Avec son lot de péripéties il penche déjà vers le théâtre aux rebondissements sans fins de Feydeau. Sauf que chez lui le tragique constamment tutoie le farfelu. Comme le faisait justement remarquer la personne qui m'accompagnait la pièce apparaît comme une parodie de mélodrame. Les méchants sont des horreurs tandis que les gentils le sont jusqu'à l'excès.

Ce qui frappe le plus, outre une distribution qui mérite un coup de chapeau collectif, est la scénographie de Chantal Thomas. Somptueuse. Les costumes noirs et gris ne le sont pas moins. Alors que quand il mit en scène, il y a peu, à la Comédie Française, L'opéra de quat'sous de Brecht, Laurent Pelly ne se montra guère à la hauteur de la tâche, il tient cette fois fermement les rênes.On ne peut que l'approuver quand il rappelle avec cette oeuvre de l'acrobate du verbe et écrivain engagé qu'était Hugo que les années de la Restauration où elle se situe n'est pas sans rappeler nos temps néo-libéraux et son retour violent des inégalités.


En dépit de quelques monologues dont la longueur en exaspérera plus d'un, cette vision de l'humanité si proche de celle des Misérable est- du moins pour ceux qui ne recherchent pas à tous prix des spectacles farouchement novateurs - un véritable festin

Jusqu'au 5 juin Odéon - Théâtre de l'Europe tel 01 44 85 40 40

jeudi 26 mai 2011

Fin de partie de Samuel Beckett

Grise est la couleur de l'univers Beckettien. Un individu plié en deux se déplace entre un aveugle paraplégique, qu'il débarrasse du drap qui le recouvre, et deux poubelles dans lesquelles deux petits vieux finissent leurs jours. Il apparaît vite que Clov, l'homme qui apparaît en premier est au service de Hamm, l'infirme dont il est peut être le fils alors que Nagg et Nell les deux personnages éprouvés par les années, sont les parents de l'individu aux paroles fétides incapable se mouvoir mais qui ne cesse de faire du foin.

On pourrait au vu d'un tel tableau imaginer qu'on est en pleine sinistrose. Il n'en est rien. Beckett a cet humour caustique et souvent cru propre aux anglo-saxons. Et l'on se surprend fréquemment à être saisi de rire.Il est aussi des scènes déchirantes tel ce ultime dialogue de Nagg et de Nell. Puis elle meurt tandis qu'il s'enfouit dans sa poubelle. Les femmes n'occupent qu'une place menue dans l'oeuvre de l'écrivain irlandais. La seule figure féminine d'importance qu'on puisse repérer dans sa production est la Winnie d'"Oh les beaux jours" enterrée jusqu'au cou dans un gros mamelon...

Les rapports de pouvoir qui unissent Hamm et son souffre-douleur lequel finira par se rebiffer sont l'ossature de cette Fin de partie. Les paroles hagardes, les souvenirs embrumés et surtout la hargne virulente de celui à qui il a voué sa vie finiront par convaincre Clov de "gagner la sortie"

Serge Merlin, Jean-Quentin Châtelain tout comme Isabelle Sadoyan et Michel Robin sont plus que parfaits. Tous quatre semblent avoir déposés leurs bagages de connaissances du métier pour prendre un essor nouveau. Cela grâce à Alain Françon qui rentre dans le fil de ce texte dont il a, plus que quiconque, l'intelligence.

Jusqu'au 17 juillet Théâtre de la Madeleine tel 01 42 65 07 09

mardi 17 mai 2011

Danse "delhi" de Ivan Viripaev

On entre sans crier gare dans le vif du sujet. Dans une salle d'attente d'hôpital une infirmière ou une amie annonce une mort. La séquence se clôt par la signature de l'acte de décès. Ce qui se reproduira au cours des sept courtes pièces qui composent le spectacle Voilà qui a l'air bien éprouvant. Mais ne l'est pas tant les sentiments qu'inspirent aux survivants cette situation sont inattendus. Ces variations autour de la finitude étincellent même parfois d'humour, pas de cet humour noir dont sont friand les anglos-saxons mais de celui qui jaillit dans des circonstances où l'on se sent tout ensemble concerné et étranger.

Au centre des histoires une danse - qu'on ne verra pas mais a été composée par une chorégraphe inspirée par la misère qu'elle a côtoyé dans la capitale du sous continent indien - qui a marqué au plus profond tout les personnages qui occupent le plateau. Seule la mère de la jeune femme se montre hostile à cette danse dite de Delhi. Ce qui nous vaut des scènes d'affrontement mère-fille d'un comique vinaigré. La soudaine passion de la jeune artiste pour un homme marié inspirera à sa virulente génitrice des jugements tout aussi inconsidérés. Quand l'épouse de l'élu du coeur de sa fille tentera de mettre fin à ses jours, elle prendra fait et cause pour la femme délaissée. Au cours d'une autre scène deux proche d'une femme qui vient de s'éteindre sont prise de cet inextinguible fou-rire qui saisit ceux dont la tension atteint de tels sommets qu'ils perdent tout contrôle d'eux même.

Certains émettront des réserves quant à la scénographie extrêmement étudiée, d'autres reprocheront l'aspect parfois didactique du texte. On ne peut toutefois nier que le théâtre du dramaturge russe Ivan Viripaev possède un réel pouvoir d'attraction et que les constructions de ses pièces (on avait déjà monté de lui en France un autre de ses écrits qui a pour titre Oxygène) sont totalement novatrices. Excellemment dirigés par le metteur en scène Galin Stoev, Océane Mozas, Caroline Chaniolleau et Marie-Christine Orry ont toutes des moments grandioses.

Juqu'au 1er juin La colline tel 01 44 62 52 52

samedi 14 mai 2011

Les créanciers d'August Strindberg

Ecrit trois semaines après qu'il ait achevé Mademoiselle Julie (donné en alternance) Les créanciers était considéré par son auteur comme sa pièce la plus aboutie de la période où il enchainait les tragi-comédies. Il est exact qu'il y franchit un cap supplémentaire dans la peinture des liaisons tumultueuses. Sa conscience des rapports de force qui lient les couples n'a jamais été aussi acérée.

Le spectacle s'ouvre sur un scène insolite. Tout en poursuivant son oeuvre un artiste dévoile ses tourments amoureux à un ami. Celui-ci goûte manifestement la situation et prend plaisir à l'envenimer. Fin lettré il critique, avec des arguments souvent mesquins, le roman écrit par la compagne de son confident. Personnage privé de volonté, celui-ci gobe la moindre de ses fielleuses remarques. Les scènes suivantes seront celles des faces à faces de l'artiste et de sa maternante maîtresse puis de cette dernière avec l'homme qui -elle l'ignore - est venu semer la zizanie dans son couple. Le fin mot de l'affaire ne tardera pas à apparaître. Maître de la duplicité, l'ami a, on le comprend vite, travesti son identité. Wladimir Yordanof investit ce rôle avec une précision et une délectation confondantes. Clara Simpson joue sa partition avec un égal talent.

Bien que d'une sobriété exemplaire, la mise en scène de Christian Schiaretti aurait méritée d'être davantage fouillée. Ainsi l'apparition en majesté du personnage incarné par Clara Simpson évoque t'elle trop celle de Nada Stancar dans Père du même Strindberg qu'il monta il y a quelque trois ans. On peut de même regretter qu'il ne se soit pas donné le temps de permettre à Wladimir Yordanoff de montrer son personnage sous son jour plus vulgaire. Metteur en scène extrêmement doué Schiaretti multiplie, sans doute, trop les projets que pour les parfaire.

Jusqu'au 11 juin (en alternance avec Mademoiselle Julie) La Colline tel 01 44 62 52 52

On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset

Camille et Perdican sont cousins et promis depuis leur plus jeune âge l'un à l'autre. Leur parent, un marquis qui a payé leurs études et croit avoir autorité sur eux, se réjouit de les marier dès leur arrivée chez lui après dix ans passés dans des lieux où les enfants de haut lignage apprennent que leur appartenance sociale n'est pas du pipeau. Le bon tonton déchantera vite. Si Perdican ne vit que dans l'ivresse du souvenir, Camille lui bat froid.

Alfred de Musset possède non seulement une langue d'une beauté inaltérable, il connaît aussi comme sa poche les tours, détours et ambivalences du sentiment amoureux.Alors que Lorenzaccio, le personnage le plus célébré de cet écrivain d'un romantisme écorché camoufle sous des bouffonneries son attirance pour un duc sanguinaire, Camille éprouve, comme le montre une lettre qu'elle tente de lui faire parvenir, les sentiments les plus doux à l'égard de sa compagne de cellule dans le couvent où elle a été élevée et compte finir ses jours. Mais Perdican, qui a reçu comme un coup au plexus la révélation que son amour semble à sens unique, décide - afin de rendre jalouse celle qu'il considérait déjà comme sienne -de séduire Rosette, soeur de lait de Camille , une fille de la campagne évidement sans fortune.Si Musset sait pertinemment que l'amour n'est pas toujours tendre, il ne doute pas non plus que les sans fortune se font toujours avoir.

Mi -ange, mi-démon, Camille saura jouer de son ascendant sur son cousin. Alors qu'à son début la pièce est semée de pointes d'humour, son climat se fait de plus en plus cruel. Si la mise en scène d'Yves Beaunesne souvent picturale et de bout en bout d'une immense finesse et le décor spartiate contribuent pour une large part au succès de la représentation ce sont surtout les comédiens qui la rendent subjuguante. Roland Bertin, qui revient le temps d'un rôle au Français, prouve par son jeu d'une délectable extravagance combien il manque à la troupe. Quant à Marie-Julie Parmentier et à Suliane Brahim, elles ont toutes deux ce qu'on n'ose que du bout des lèvres appelé la grâce. Pour ce qui est de Loïc Corbery, son mélange de fraïcheur, de vibrations intérieures et de métier en font un artiste de tout premier plan.

Jusqu'au 26 juin Théâtre du Vieux-Colombier tel 01 44 39 87 19

jeudi 12 mai 2011

On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset

Camille et Perdican sont cousins et promis depuis leur plus jeune âge l'un à l'autre.. Leur parent, un marquis qui a payé leurs études et croit avoir autorité sur eux, se réjouit de les marier dès leur arrivée chez lui après dix ans passés dans des lieux où les jeunes gens de haut lignage apprennent que leur appartenance sociale n'est pas du pipeau.. Le bon tonton déchantera vite. Si Perdican ne vit que dans l'ivresse du souvenir, Camille lui bat froid.


Alfred de Musset possède non seulement une langue d'une beauté inaltérable, il connaît aussi les tours, détours et ambivalences du sentiment amoureux. Alors que Lorenzaccio, le personnage le plus célébré imaginé par cet écrivain d'un romantisme écorché, camoufle sous des bouffonneries son attirance pour un duc sanguinaire, Camille éprouve, comme le montre une lettre qu'elle tente de lui faire parvenir, les sentiments les plus doux à l'égard de sa compagne de cellule dans le couvent où elle a été élevée et compte finir ses jours. Mais Perdican qui a reçu un coup au plexus en apprenant que son amour semble à sens unique, décide - afin de rendre jalouse celle qu'il considérait déjà comme sienne - de séduire Rosette, soeur de lait de Camille, une fille de la campagne évidement sans biens. Si Musset sait pertinemment que l'amour n'est pas toujours tendre, il ne doute pas non plus que les sans fortune se font toujours avoir.

Mi- ange, mi-démon, Camille saura jouer de son ascendant sur son cousin. Alors qu'à son début la pièce est semée de pointes d'humour, son climat se fait de plus en plus cruel.Si la mise en scène d'Yves Beaunesne souvent picturale et de bout en bout d'une immense finesse et un décor spartiate contribuent pour une large part au succès de la représentation ce sont surtout les comédiens qui la rendent subjuguante. Roland Bertin, qui revient le temps d'un rôle au Français, prouve par son jeu d'une délectable extravagance combien il manque à la troupe. Quant à Marie-Julie Parmentier et Suliane Brahim, elles ont toutes deux ce qu'on n'ose que du bout des lèvres appelé la grâce. Pour ce qui est de Loïc Corbery son mélange de fraîcheur, de vibrations intérieures et de métier en font un artiste de tout premier plan.

Jusqu'au 26 juin Théâtre du Vieux- Colombier tel 01 44 39 87 19

vendredi 6 mai 2011

Yakich et Poupatchee de Hanokh Levin

Pas sûr que cette pièce, disons plutôt cette farce grivoise, du champion de la provocation qu"était l'auteur dramatique israélien Hanokh Levin méritait d'être montée. Un garçon d'une affligeante laideur se lamente sur son sort de célibataire. Mandé par ses envahissants père et mère un marieur - comme il en existait dans les communautés juives d'antan mais aussi dans la Russie des tsars comme le montre Gogol dans Mariage - lui dégotte une fille d'un âge plus très tendre et d'un physique particulièrement peu attrayant . Les deux couples de parents vont, vite fait mal fait, marier leurs incasables rejetons qui, eux, ne défaillent pas de joie, Ne se considèrent pas à la noce.

Consommer le mariage se révèle pour l'infortuné marié inenvisageable. Frédéric Bélier Garcia a eu l'idée salutaire de faire baigner cette pochade dans le climat turbulent et ensoleillé des comédies à l'italienne. Les femmes sont toutes d'une hystérie rayonnante.
En particulier une vestale, qui semble droit sortie d'un film du maestro Fellini ,dont le physique prétendument dévastateur et en réalité puissamment enrobé, serait susceptible d'éveiller la libido de l'époux,. La pièce ensuite tourne hélas, en rond. Une ronde malicieuse des protagonistes comme leur verve batailleuse l'empêchent heureusement de s'enliser.

Comme dans tous ses écrits l'auteur dépeint des relations familiales explosives. Le metteur se devait donc de choisir des acteurs comme on dit de tempérament. Ce qui est le cas de beaucoup (notamment de Christine Pignet, Ophélia Kolb, Ged Marlon, Paul Minthe, Jan Hammenercker) mais, c'est bien fâcheux, pas de tous.Un décor disons bizarroïde, conçu pourtant par Sophie Perez et Xavier Boussiron qu'on a connus mieux inspirés, n'aide pas le spectacle pourtant intelligemment mis en scène à prendre son envol. Et si Frédéric Bélier Garcia était davantage à son affaire quand il s'attaque à des textes de plus grande envergure tel que Liliom de Ferenc Molnar dont l'effet hypnotique persiste?

Jusqu"au 10 mai Nouveau Théâtre de Montreuil tel 01 48 70 48 90
Du 19 au 21 mai Théâtre de La Criée -Théâtre National de Marseille